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Un groupe de de manifestants "Scientist Rebellion" à Glasgow en marge du Sommet COP26, le 8 novembre 2021 © AFP/Archives ANDY BUCHANAN

Tirer la sonnette d’alarme ne leur suffit plus. À partir de cette semaine, des scientifiques d’une vingtaine de pays réunis au sein de Scientist Rebellion prévoient des actions de désobéissance civile pour souligner l’urgence à agir pour le climat, inspirés par les militants d’Extinction Rebellion.

Le début de leur campagne se cale sur la publication prévue lundi du rapport des experts climat de l’ONU (Giec) sur les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, expliquent plusieurs membres de Scientist Rebellion.

Des actions non violentes sont prévues contre des universités, des centres de recherche et des revues scientifiques de premier plan, pour encourager tout leur personnel à s’exprimer plus fortement et à se battre contre ce que le groupe décrit comme une menace existentielle pour l’humanité.

« Les scientifiques sont des messagers particulièrement puissants, et nous avons la responsabilité de faire preuve de leadership », estime Charlie Gardner, spécialiste en biodiversité tropicale à l’Université britannique du Kent.

Mais « nous manquons à notre devoir. Si nous disons que c’est une urgence, nous devons agir en conséquence ».

À partir de lundi, le groupe espère voir « des niveaux élevés de désobéissance civile » de la part d’un millier de scientifiques à travers le monde, dans des actions contre des représentations de gouvernements et d’institutions académiques.

Avec un réchauffement d’environ +1,1 °C depuis l’ère préindustrielle, le monde est déjà victime d’une multiplication des événements extrêmes, canicule, sécheresse, inondation ou tempête. Et ce n’est qu’un début, comme l’ont montré les deux premiers volets du Giec sur la physique du climat et les impacts publiés récemment.

Le groupe Scientist Rebellion a été créé en 2020 par deux doctorants en physique du St Andrews College en Écosse, sur le modèle des militants climat d’Extinction Rebellion qui font parler d’eux depuis quelques années.

Lors de leur première action d’ampleur il y a un an, une centaine de scientifiques s’en étaient pris notamment au géant de la publication scientifique Springer Nature et à la British Royal Society. « Nous avons collé sur leurs bureaux des copies géantes de leurs articles appelant à une transformation rapide », raconte Kyle Topher, scientifique australien et militant du groupe.

Lors de la COP26, la conférence climat de l’ONU de Glasgow en novembre 2021, plusieurs de leurs membres avaient été arrêtés.

« À notre connaissance, c’était la première arrestation massive de scientifiques dans le monde depuis que Carl Sagan s’était opposé aux essais nucléaires dans les années 1980 », commente Charlie Gardner.

Ils ont également fait les gros titres en faisant fuiter une version préliminaire du rapport du Giec, attendu lundi, qui notait que les émissions de gaz à effet de serre devaient atteindre leur pic d’ici trois ans si le monde voulait espérer respecter les objectifs de l’accord de Paris de limiter le réchauffement bien en deçà de +2 °C, si possible +1,5 °C.

« En tant que scientifiques, nous avons une aversion au risque, nous ne voulons pas mettre en danger nos emplois, nos réputations, notre temps », souligne Rose Abramoff, spécialiste des sols au Laboratoire national Oak Ridge dans le Tennessee.

« Mais ça ne suffit plus de faire nos recherches et d’attendre que d’autres les lisent et comprennent la gravité et l’urgence de la crise climatique », insiste cette militante de Scientist Rebellion, qui veut que cette crise soit désormais « impossible à ignorer ».

De nombreux membres du groupe vivent dans les pays en développement, en première ligne face aux impacts du réchauffement, mais où le mouvement citoyen pour le climat a jusqu’à présent été plus limité que dans les pays riches.

« Je ne sais pas si c’est notre dernière chance, mais il est certain que le temps commence à manquer », alerte Jordan Cruz, ingénieur basé en Équateur qui étudie l’impact de l’industrie minière sur les communautés andines. 

« Je suis terrifié », dit-il. « Mais c’est de la peur que vient la motivation. C’est une question de survie. »