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Un jeune bonobo (droite) avec sa mère, dans la réserve de Kokolopori en République démocratique du Congo, le 20 mai 2019 (image fournie par l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste) © Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology/AFP/Archives Martin Surbeck

Les bonobos, nos cousins primates altruistes, pacifiques et lascifs, vivent dans des sociétés dominées par les femelles, par contraste avec les chimpanzés, plus agressifs et patriarcaux. Ce que l’on ignorait, jusqu’à présent, est le rôle très important joué par les mères bonobos dans la vie sexuelle de leurs fils : elles utilisent leur rang social pour s’assurer que leurs enfants mâles rencontrent plus de femelles en phase d’ovulation, et empêcher que des mâles ne rivalisent avec eux.

Le comportement des mamans bonobos est décrit dans une étude publiée le 20 mai dans la revue Current Biology, et qui a observé que les mâles dont la mère vit dans le même groupe ont trois fois plus de chances d’avoir des descendants que ceux dont la mère n’appartient pas au groupe. « C’est la première fois que nous pouvons montrer l’impact de la présence de la mère sur une valeur sélective très importante chez les mâles : leur fertilité », explique Martin Surbeck, primatologue au Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology. « Nous avons été surpris d’observer que les mères avaient une influence aussi forte et directe sur le nombre de petits-enfants qu’elles ont », ajoute-t-il.

Pour leur étude, les chercheurs ont suivi des groupes de bonobos de République démocratique du Congo, ainsi que des chimpanzés de Côte d’Ivoire, de Tanzanie et d’Ouganda – les deux espèces de primates les plus proches des humains, avec qui elles partagent 99 % de leur patrimoine génétique. Dans les deux espèces, les mères tentent d’aider leurs fils, mais les bonobos y parviennent beaucoup mieux, car dans ces communautés, les plus hauts rangs sont occupés par des femelles. « Les mamans bonobos agissent un peu comme des passeports sociaux, dit Martin Surbeck. Les fils, lorsqu’ils se trouvent dans l’entourage de leur mère, occupent une place centrale dans le groupe et accèdent à des positions qui leur permettent de plus interagir avec les autres femelles, notamment pour copuler. S’il y a une femelle très attirante, on voit des mères qui s’en rapprochent, et dans leur ombre il y a les mâles », dit-il. À l’inverse, quand une mère perd son statut élevé, son fils descend aussi dans l’échelle sociale et a moins de chance de s’accoupler.

Les filles ne semblent recevoir aucune assistance maternelle. L’hypothèse de Martin Surbeck est que les mères n’y trouvent aucun intérêt d’un point de vue évolutif, car les filles bonobos finissent par quitter la communauté, contrairement aux mâles. L’étude conforte, selon ses auteurs, l’hypothèse dite des grands-mères : une femelle qui n’est plus en âge de se reproduire peut accroître sa longévité et continuer à transmettre ses gènes grâce à sa progéniture.