L’humanité vit-elle sous la menace d’une submersion ? Le dernier rapport du GIEC est formel : les activités humaines ont accéléré le rythme de la montée des eaux. Or 90% de la chaleur dégagée par nos émissions de gaz à effet de serre est aujourd’hui absorbée par les océans. Résultat : ils se réchauffent, se dilatent et rongent peu à peu les littoraux du globe. Un phénomène également nourri par la fonte des glaciers et des calottes polaires. Et ce processus très lent s’accélère : 1,2 mm par an en moyenne au 20e siècle, contre 3,5 mm par an depuis une trentaine d’années, avec des conséquences immédiates sur les populations côtières. Mais comment mesure-t-on un phénomène aussi discret ? Pour le savoir, il nous faut mettre le cap sur la Rochelle.
En ce matin de printemps, le port de plaisance de La Rochelle accueille un bien étrange navire. Les chercheurs du laboratoire LIENS l’ont baptisé PAMELI. Il s’agit d’un drone marin 100% électrique équipé d’instruments pour caractériser l’environnement marin – salinité, température – ou pour mesurer avec précision le niveau de la mer.
Il y a plusieurs avantages à utiliser un drone aujourd’hui. Déjà c’est la facilité de mise en œuvre, le fait d’avoir également plusieurs capteurs sur un petit bateau. Et puis il y a des avantages scientifiques : par exemple sur la mesure du niveau de la mer, on est capable de mesurer l’altitude du plan d’eau en étant très proche du plan d’eau ce qui ne va pas être le cas sur un gros navire. Ici on a un système qui s’appelle Mini Cyclopé pour la mesure du niveau de la mer qui se compose d’un GPS et d’un altimètre donc on a la mesure de ‘altitude avec le GPS et la distance du plan d’eau avec l’altimètre donc on connait comme cela l’altitude exacte du plan d’eau.
Piloté à distance, PAMELI est capable de suivre un plan de navigation précis afin de cartographier une zone de manière automatique. Il peut ainsi naviguer dans des eaux peu profondes et très proches de la côte pour mesurer les variations du niveau marin.
C’est ici, à l’Institut du littoral et de l’environnement, que les chercheurs récupèrent et traitent les données collectées par PAMELI. Elles permettent d’obtenir une vision locale du phénomène de montée des eaux. Un outil précieux pour l’équipe du laboratoire car il vient compléter une autre source de données : celle produite par les satellites.
Jason 3 fait partie des satellites équipés d’altimètres qui permettent de mesurer le niveau marin depuis l’espace. Il produit une carte topographique de 95% des mers dépourvues de glace tous les 10 jours. C’est la méthode la plus fiable pour mesurer la hauteur du niveau marin au large. Une surveillance en place depuis 1991 qui permet aujourd’hui à la communauté scientifique de disposer d’une vision globale du phénomène.
Ce qu’on voit ici c’est l’évolution du niveau de la mer sur les 30 dernières années calculée à partir des satellites altimétriques. Tout ce qui est rouge et orange concerne l’élévation du niveau de la mer donc on voit que globalement le niveau de la mer évolue partout, sur tous les océans du globe. Avec des variabilités spatiales qui sont assez importantes et qui reflètent aussi la dynamique interne des océans. On voit apparaitre des courants comme le Gulf Stream, ou le Kuroshio ou le courant Circum polaire Antarctique qui impriment leurs signatures sur cette carte.
Ce que ne sont pas capables de faire actuellement les satellites c’est d’observer très proche de la côte. C’est pour ça qu’on a besoin de mesures à la côte comme les marégraphes ou comme des systèmes ultra-côtiers comme le drone PAMELI qui permet d’avoir des mesures à la côte. Ça nous permet aussi d’étalonner les satellites c’est-à-dire de comparer la mesure faîtes à la côte par rapport à ce qui est obtenu par satellite.
Pour affiner les mesures satellitaires, les chercheurs utilisent des instruments installés sur la côte. Et pour les atteindre, il faut prendre le large. Embarquement immédiat pour l’île d’Aix, à seulement 7km du littoral. Le satellite Jason 3 survole ce périmètre tous les 10 jours, une station locale d’observation y a donc été installée. Les chercheurs s’y rendent régulièrement pour contrôler la qualité des mesures.
Cette station a la particularité d’avoir deux instruments. Un très ancien, une échelle graduée verticale, et un marégraphe radar, une technologie très moderne. Avec l’instrument moderne ça nous permet d’enregistrer de manière automatique à une fréquence qu’on décide, ça peut être la seconde, l’heure, dix minutes… alors qu’à l’échelle bien sûr il faut se positionner sur l’échelle et prendre la lecture. Avec l’instrument moderne on va pouvoir connaitre l’ensemble des processus qui font varier le niveau de la mer que ce soit des processus très courte période liés à une tempête ou des processus très longue période liés au changement climatique.
Cette campagne d’étalonnage permet de s’assurer que les mesures du marégraphe ne sont pas faussées par des mouvements parasites comme ceux de la jetée ou un changement d’altitude de l’île. L’instrument est ainsi rattaché à des points de référence à terre dont les coordonnées sont connues. Grâce à un niveau optique et à une échelle, les scientifiques mesurent d’éventuels mouvements du sol qui biaiseraient leurs données : la mer pourrait ainsi sembler monter bien plus vite si l’île venait à s’affaisser. Sur ce littoral, on observe une variation du niveau marin de l’ordre de 2 à 3 mm par an ce qui correspond à la moyenne mondiale.
Ce qu’on a amélioré sensiblement c’est la partie mesure, observation du niveau marin. Donc maintenant c’est incontestable on sait parfaitement que le niveau marin monte, on sait de combien et où. Ensuite il y a un deuxième aspect qui est la compréhension de l’origine du phénomène : pourquoi il monte, quelles sont les contributions des différentes choses que ce soit la fonte des glaciers, la dilatation thermique des océans et ça c’est vraiment intéressant et important parce que ça va nous permettre d’anticiper et de projeter vers le futur ces variations du niveau marin.
Le futur, le dernier rapport du GIEC nous en donne un aperçu. Sans réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, le niveau des mers pourrait s’élever d’ici 2100 de 65 cm à 1 mètre. Un milliard d’humains vivraient alors dans des zones côtières à risque, exposés à des tempêtes et des inondations de plus en plus destructrices.