À plus de 4 000 mètres d'altitude, des condors dépècent la carcasse d'un veau sur la pente rocailleuse d'un sommet de Colombie. Les éleveurs locaux ont intentionnellement placé là l'animal mort. L’objectif : se réconcilier avec leur vieil ennemi, le condor, parfois surnommé le roi des Andes.

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Photo de la Fondation Jaime Duque montre des condors des Andes dans la municipalité de Cerrito, dans le département de Santander, en Colombie, le 30 novembre 2023 © Fundacion Jaime Duque/AFP Handout

« C'est un oiseau qui, quand on le voit voler, est si beau », s'ébahit Diana Bautista, une habitante de la municipalité de Cerrito, dans la province montagneuse de Santander au nord-est de la Colombie. Mais le condor n'a pas toujours été bien vu dans la région. Il y a quelques années, les villageois utilisaient des charognes empoisonnées et tiraient pour effrayer le charognard. 

Autrefois, le condor se nourrissait de « mammifères de petite et moyenne taille », explique Francisco Ciri, biologiste et directeur de Néotropical, une Fondation locale spécialisée dans la biodiversité. Mais l'oiseau s'est mis à consommer du bétail affaibli ou de petite taille, à mesure que l'activité humaine a envahi le paramo. Ce dernier était alors considéré alors comme une menace pour leurs moutons, chèvres et bovins.

Mais la mort d'un seul condor est « une grande perte », avertit Carlos Grimaldos, expert de la Fondation Jaime Duque. Sa reproduction est très lente. La maturité sexuelle de l’espèce est atteinte à l'âge de 10 ans. De plus, une femelle ne donne naissance qu'à un seul petit tous les deux ou trois ans. Sa protection est essentielle pour l'équilibre des paramos, car « c'est l'espèce qui nettoie » et empêche la contamination des sources d'eau, ajoute l'expert.

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Un condor des Andes dans le ciel au-dessus du "Paramo del Almorzadero" sur la municipalité de Cerrito, département de Santander, Colombie, le 30 novembre 2023 © AFP Juan BARRETO

Aujourd'hui, les éleveurs ont appris à mieux connaître le condor. Ils ont construit des bergeries pour protéger les animaux fragiles, et se sont unis pour sauver l'un des plus grands oiseaux du monde, emblème des pays andins menacé d'extinction.

Pour réconcilier le roi des Andes avec les éleveurs, un groupe de 19 familles du paramo - un éco-système unique des landes humides de hautes montagnes - a fondé en 2019 l'Association paysanne pour coexister avec le condor (Acamco). Cette initiative communautaire vise à « connaître et protéger » l'animal dans son écosystème, explique Andrea Florez, de l'Acamco. Elle permet également d’évaluer les retombées économiques, car, attire beaucoup de monde.

Parallèlement, la Fondation Jaime Duque achète aux éleveurs des animaux faibles ou malades. Ils sont ensuite donnés au condor pour étudier ses habitudes alimentaires à l'aide de pièges photographiques.

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Une chèvre au "Paramo del Almorzadero" sur la municipalité de Cerrito, département de Santander, Colombie, le 30 novembre 2023. © AFP Juan BARRETO

À l'échelle mondiale, le condor des Andes est entré dans la liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2020.

Déjà considéré comme éteinte au Vénézuéla, il se trouve « dans une situation de plus en plus critique » dans toute la cordillère des Andes, s'inquiète Guillermo Wiemeyer, chercheur argentin. En Colombie, il reste 60 spécimens, selon le seul recensement national effectué en 2021 par la fondation Néotropical. Il y en aurait 6 700 dans toute la région andine, selon l'UICN.

Pour le directeur de l'autorité environnementale régionale de Santander, Alexcevith Acosta, il est urgent de coordonner un recensement dans toute l'Amérique latine pour comprendre la gravité de leur situation, car « les condors ne connaissent pas de frontières ».