VO : La contamination est sans précédent : le plus éternel des polluant éternel est omniprésent dans l’eau du robinet en France, mais aussi dans notre alimentation et dans les vins, partout en Europe.
Pauline Cervan : Il y a deux rapports qui sont sortis coup sur coup et qui montrent qu'on est vraiment exposé, que ce soit via l'alimentation ou via l'eau potable, à un PFAS en particulier...
Présentation du TFA
VO : On parle ici du TFA... L’acide trifluoroacétique. Petite présentation du PFAS le plus persistant, et le plus répandu...
C'est le plus petit des PFAS qui existe. Il est extrêmement persistant dans l'environnement, il est quasiment indestructible.
C’est le produit de dégradation ultime de beaucoup d’autres PFAS. C’est-à-dire qu’après lui, il n’y en a pas d’autres, il ne va pas se dégrader en d’autres substances. Et c'est ça qui fait qu'il est extrêmement persistant mobile et que c’est extrêmement compliqué aussi de le filtrer et de l’éliminer de l’eau potable.
Une omniprésence dans l’eau...
VO : D’après le rapport de l’Anses, sur les 600 prélèvements d’eau potable réalisés à travers le pays, 92 % contiennent du TFA, à une concentration moyenne de 1 µg/l.
S’il y'en a partout, c’est parce que ses sources sont multiples.
La principale, ce sont les gaz fluorés employés pour la réfrigération.
Ils vont ensuite se retrouver dans l'atmosphère. Et une fois dans l'atmosphère, ces gaz vont former du TFA qui va retomber sous forme de précipitations sur la terre. Donc, en gros, on peut dire qu’il pleut du TFA partout sur la planète.
L'autre source principale d’émissions du TFA et qui va être plus localisée dans les zones agricoles ce sont les pesticides qui appartiennent à la famille chimique des PFAS qui eux aussi, une fois dans les sols, vont se dégrader en TFA, qui ensuite va contaminer les eaux souterraines et donc l'eau potable aussi.
C’est tout le cycle de l’eau qui est touché, donc les eaux minérales en bouteilles n’y échappent pas, tout en étant également sujettes à la pollution aux micro et nanoplastique.
...mais surtout dans l’alimentation
On parle beaucoup de l'eau potable, mais c'est surtout via l'alimentation qu'on se contamine par le TFA.
C’est d’ailleurs le cas pour tous les PFAS, on savait déjà que le poisson, les abats, ou encore les œufs étaient fortement contaminés.
Et là, le réseau d’ONG Pesticide Action Network s’est penché sur la présence de TFA dans des produits à base de céréales provenant de 16 pays Européens.
Et on a retrouvé du TFA dans près de 82 % de nos échantillons. Et à des teneurs bien plus élevées que les teneurs qu'on retrouve dans l'eau potable.
Avec une concentration moyenne de 70 microgrammes par kilo d'aliments, contre 1µg/l dans l’eau potable. Et un constat : les produits à base de blé sont nettement plus contaminés.
Au cœur du débat : le seuil toxicologique du TFA
Mais pour le moment, le TFA échappe à toute réglementation.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments est chargée d’évaluer à quelle concentration il est toxique, et donc d’établir une valeur toxicologique de référence, attendue pour juillet 2026.
C'est la base scientifique qui permettra aux autorités de fixer des seuils sanitaires.
En attendant, la France s’est alignée sur le seuil sanitaire provisoire adopté par l’Allemagne : 60 microgrammes par L.
Alors nous on conteste vraiment cette valeur de 60 µg par litre parce qu'on a étudié la façon dont elle a été établie. Et on a constaté qu'elle ne protégeait pas vis à vis des enfants. Cette valeur, elle est applicable uniquement pour les adultes.
Et aussi, on a constaté que l’Allemagne n'a pas pris en compte les incertitudes qui existent sur la toxicité du TFA. Il y a plein d'aspects de sa toxicité qui n'ont pas encore été évalués. Et donc, quand c'est le cas, il faut prendre de la marge de sécurité avant d'établir une valeur soi-disant sûre.
On sait déjà que le TFA est toxique pour la reproduction, et qu'il a des effets sur le foie, la tyroïde, le système immunitaire, ou encore la qualité du sperme.
Mais il est aussi suspecté d’être un perturbateur endocrinien, et on a encore aucune information sur son potentiel cancérigène !
Et en plus, on a constaté que d'autres pays ont établi des valeurs qui sont bien inférieures à 60 µg par litre. Par exemple, on a les Pays-Bas qui ont établi une valeur à 2,2 µg par litre, donc bien, bien inférieure.
VO : Mais si on se fiait à la réglementation européenne, c’est un seuil encore plus bas qui devrait s’appliquer : celui des métabolites de pesticides dits pertinents, fixé par précaution à 0,1 µg/l. Soit 10 fois moins que la concentration moyenne de TFA révélée par l’Anses.
On sait que le TFA, c'est un métabolite de pesticides, les métabolites c'est les produits de dégradation des pesticides. Et il est pertinent, c'est la commission européenne qui nous le dit parce qu'il est suspecté toxique pour la reproduction.
Il y a un peu un silence, une omerta sur cette question qui est particulièrement embarrassante parce que ça voudrait dire que 92 % de l'eau en France, serait non conforme à la réglementation sur les pesticides.
Du coup, on ignore la réglementation, puis on va sûrement l'adapter au TFA en fonction des seuils sanitaires qui vont être établis. Et c'est pour ça que c'est hyper important d'établir un seuil sanitaire qui sera protecteur de toute la population, enfants compris, parce que c'est sur ça qu'on va se baser pour avoir des actions de remédiations et de décontamination.
Entre temps, on peut toujours se référer à la carte interactive Dans mon eau,
qui rassemble et actualise les données officielles sur les polluants présents dans l’eau du robinet en France.
J'ai l'impression quand même qu'on est encore un stade où on est encore en mesure d'agir avant d'atteindre des niveaux toxiques, que ce soit dans l'alimentation ou dans l'eau potable.
Par contre tant qu'on n'agira pas sur les sources d'émissions qui sont les gaz fluorés et les pesticides PFAS en particulier, inévitablement, parce que c'est une substance qui ne se dégrade pas et qu'on n'arrive pas à éliminer, si on continue de l’émettre, mathématiquement ça va continuer à augmenter. Et y'a des risques d'atteindre des niveaux toxiques dans le futur. Vraiment, c'est maintenant qu'il faut agir.
Mais au niveau Européen, les projets pour interdire les PFAS et leurs sources d’émissions sont loin d’être suffisants, affaiblis par le manque de volonté politique et le lobbying de l’industrie chimique.
Le peu de solutions qu'on propose, elles sont confrontées à un blocage politique, que ce soit au niveau de l'application du principe pollueur-payeur ou de l'arrêt de certains, certaines sources d'émissions, notamment les pesticides.
L’Anses n'a pas recommandé de limiter l'usage des pesticides dans son rapport. Elle n’a même pas mentionné le mot “pesticide” dans son rapport. D'ailleurs.
Une position qui tranche avec celle d’autres pays Européens, comme le Danemark, qui a pris les devants en interdisant certains pesticides PFAS.
On est proche d'un scandal sanitaire de grande ampleur. Je pense qu’on n'a pas fini d’en entendre parler.