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Fermeture des allées autour de la tour Eiffel, à Paris, le 23 mars 2020 © AFP Philippe Lopez

La France est officiellement en état d’urgence sanitaire pour deux mois, éloignant ainsi la perspective de sortir fin mars du confinement imposé par la pandémie de coronavirus, qui a tué 186 nouveaux malades lundi et qui soumet le système de santé du pays à très rude épreuve.

Le Parlement a adopté dimanche ce texte « d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 », à l’issue de quatre jours de travaux intensifs en comité restreint. Publié mardi au Journal officiel, il prévoit ce nouveau régime « d’état d’urgence sanitaire », sur le modèle de l’état d’urgence prévu par une loi de 1955, et activé après les attentats de novembre 2015.

Le Covid-19 a fait 860 morts en France depuis le début de l’épidémie, donc cinq médecins, et 2082 patients étaient lundi soir en réanimation, a annoncé le ministre de la Santé Olivier Véran. Vingt résidents d’un Ehpad de Cornimont (Vosges) sont notamment morts « en lien possible avec le Covid-19 », selon les autorités régionales.

Face à cette aggravation de la situation, le Premier ministre Edouard Philippe a averti lundi que « le temps du confinement peut durer encore quelques semaines ».

Ainsi, il ne sera plus possible d’aller faire du sport loin de son domicile et pendant le temps que l’on veut. « Sortir pour promener ses enfants ou faire du sport c’est dans un rayon de 1 km de chez soi, maximum pour une heure, tout seul et une fois par jour », a précisé le chef du gouvernement.

Les sanctions ont été durcies pour ceux ne respectant pas ces consignes. Les 135 euros d’amende forfaitaire doivent passer à 1500 euros en cas de récidive « dans les 15 jours », et « quatre violations dans les trente jours » pourront valoir jusqu’à « 3700 euros d’amende et six mois de prison ».

Sur près de 1,8 million de contrôles, les forces de l’ordre ont relevé plus de 90 000 infractions pour non-respect des restrictions depuis leur mise en place mardi, selon Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises.

« Fantassins » de première ligne dans la guerre contre l’épidémie, deux nouveaux médecins, du Haut-Rhin et de Haute-Saône, sont décédés dimanche des suites d’une contamination au coronavirus, portant à cinq le nombre de praticiens morts du virus. 

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Le personnel soignant de l’hôpital de Compiègne (nord de Paris) rend hommage au docteur Jacques Razafindranazy, mort du Covid-19, le 23 mars 2020 © AFP Richard Dugovic

Aider les médecins

De nombreuses initiatives ont fleuri pour aider les médecins à faire face, comme les dons de masques de particuliers ou d'entreprises.

Pas sûr pourtant que cela suffise aux yeux du syndicat de généralistes MG France: la distribution des masques par les pharmacies est contingentée à 18 par semaine pour les médecins et infirmiers.

« Pour tous ces soignants qui tombent malades, le coronavirus sera reconnu comme maladie professionnelle: il n'y aura aucun débat là-dessus », a annoncé le ministre de la Santé.

Il y a « quelques centaines » de soignants en Île-de-France qui sont positifs au Covid-19, a affirmé lundi sur France Inter le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences à l'hôpital Georges-Pompidou de Paris.

Quand arrivera le pic de l’épidémie qui risque de saturer le système de santé ? Si Philippe Juvin n’a « aucune visibilité », l’infectiologue et ancien chef de service à la Pitié-Salpêtrière François Bricaire le prévoit d’ici « une huitaine de jours ».

Le confinement total est réclamé par le corps médical mais le président de la République s’y oppose, en jugeant nécessaire un contrôle plus strict des mesures actuelles. Un nouvel avis du Conseil scientifique est attendu aujourd’hui.

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Plaquettes de chloroquine montrée par un membre du personnel soignant à l’IHU de Marseille, le 26 février 2020 © AFP/Archives Gérard Julien

Emmanuel Macron, qui a réuni par audioconférence les représentants des cultes, a déjà indiqué que les fêtes religieuses d’avril (Pâques juive et chrétienne, début du ramadan) devront se faire « sans rassemblement ». Certains maires ont pris des mesures radicales. Dans la Drôme, Valence est passée au couvre-feu depuis samedi soir, de 21 h à 6 h, jusqu’au 31 mars. Au total, plus d’une trentaine de villes sont soumises au couvre-feu.

Du côté des traitements, un essai clinique européen a démarré dimanche dans au moins sept pays pour quatre traitements expérimentaux.

Concernant la chloroquine, l’un de ces traitements testés qui fait polémique, elle pourra être administrée aux malades souffrant de « formes graves » du coronavirus, mais ne doit pas être utilisée pour des formes « moins sévères », a statué lundi le Haut conseil de santé publique, selon le ministre de la Santé. Le comité scientifique « exclut toute prescription » pour « des formes non sévères » de la maladie, en l’absence de toute donnée probante. Un arrêté encadrant le recours à ce traitement, miracle pour certains tandis que d’autres appellent à la prudence, sera pris « dans les prochaines heures », a-t-il précisé.

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Manu Dibango le 29 juin 2018 lors d’un concert à Abidjan © AFP/Archives Sia Kambou

Une première personnalité mondiale, le saxophoniste Manu Dibango, est décédée aujourd’hui des suites du Covid-19. La légende de l’afro-jazz, auteur du tube planétaire « Soul Makossa », est morte au petit matin dans un hôpital de la région parisienne, à l’âge de 86 ans. Sa page Facebook avait annoncé son hospitalisation le 18 mars.

Aider l’agriculture

Sur le plan économique, des géants du CAC 40 comme Total ou Vinci ont prévenu qu’ils ne seraient pas en mesure de respecter leurs objectifs pour 2020.

Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a indiqué mardi sur franceinfo que le recours au chômage partiel en France concernait déjà 730 000 salariés « après seulement quelques jours » de mise en place d’un dispositif élargi.

Le gouvernement a établi une « liste » d’entreprises industrielles qui auront certainement besoin d’un soutien financier majeur de l’Etat, par exemple via une nationalisation, une solution validée par le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux.

Le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a lancé « un appel à l’armée de l’ombre des hommes et des femmes (qui) n’ont plus d’activité (…) à rejoindre la grande armée de l’agriculture française », en quête de main-d’œuvre. « Il faut produire pour nourrir les Français », a insisté le ministre sur BFMTV.