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Préparation de la terrasse d'un restaurant à Montpellier, le 17 mai 2021, en vue de sa réouverture © AFP Pascal Guyot

Rouvrir, dans tous les sens du terme : la ventilation est reconnue comme une arme anti-Covid-19 de première importance avant la réouverture des commerces mercredi. Le point sur les mesures prévues et sur celles qui manquent selon les spécialistes.

Pourquoi ventiler ?

Pour combattre le risque de transmission du Covid-19 par les aérosols, ces nuages invisibles de particules que nous émettons lorsque nous parlons ou respirons. « On pense aujourd’hui que c’est la principale voie de contamination », indique l’épidémiologiste Antoine Flahault. Nombre de spécialistes déplorent toutefois la lenteur avec laquelle ce risque a été pris en compte par les autorités sanitaires mondiales.

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Infographie comparant les risques de transmission du Covid-19 en terrasse et en intérieur © AFP Kenan Augeard

« Il y a eu un déni évident », estime le physicien Bruno Andreotti qui a supervisé une récente étude très détaillée sur le risque de transmission par aérosols. Selon lui, l’OMS s’est trop focalisée sur la transmission « par la toux et via les mains ». Les travaux de M. Andreotti ont servi de base au protocole récemment proposé au gouvernement par une organisation professionnelle, le Conseil national des centres commerciaux (CNCC).

Quelles mesures en intérieur ?

Le gouvernement a publié le 12 mai un protocole sanitaire pour les commerces qui rouvrent à partir de mercredi. En plus du masque et d’une jauge, il faudra « aérer les locaux par une ventilation naturelle ou mécanique ». « Idéalement », il faudra laisser portes et fenêtres ouvertes en permanence et en tout cas au minimum plusieurs minutes toutes les heures.

Les commerces devront mesurer le dioxyde de carbone (CO2) dans l’air, car le taux de concentration de ce gaz qu’on rejette en respirant permet de se rendre compte si une pièce est bien aérée. Au-delà de 800 ppm (parties par million, l’unité de mesure), il faudra mieux aérer ou réduire le nombre de clients, et au-delà de 1 000, les commerces devront évacuer, le temps de redescendre en dessous de 800. Ce dispositif « comporte des avancées », mais « on est encore loin d’un protocole de maîtrise du risque », commente Bruno Andreotti. A 800 ppm, « le risque est acceptable », à condition toutefois d’être « masqué correctement », fait-il valoir, en soulignant « qu’un FFP2 filtre beaucoup mieux qu’un petit masque en tissu ou un chirurgical mal mis ». Surtout, fixer un seuil aussi élevé que 1 000 ppm « n’est pas sérieux », ajoute ce professeur à l’Université de Paris et chercheur à l’École normale supérieure.

Où est-ce le plus compliqué ?

Les lieux les plus difficiles à sécuriser « sont les zones de restauration collective, car on y parle, on est démasqué et c’est en intérieur », répond Bruno Andreotti.

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Démonstration d'un système de filtrage d'air, en Allemagne, le 3 décembre 2020 © AFP/Archives Tobias Schwarz

Les restaurants accueilleront à nouveau des clients en intérieur à partir du 9 juin, en limitant tout d’abord l’affluence à la moitié de leur capacité. Selon le protocole gouvernemental, il faudra « aérer les locaux par une ventilation naturelle ou mécanique » en « évitant de diriger le flux vers les clients ». L’idéal est de « privilégier une ventilation de la pièce par deux points distincts (porte et fenêtre par exemple) » pour créer des courants d’air, est-il précisé. Bruno Andreotti préconise cependant des investissements supplémentaires, « quitte à ce que l’État mette la main à la poche ». À défaut de changer entièrement les mécanismes de ventilation, « on peut envisager des systèmes de purificateurs d’air qui aspirent l’air exhalé au travers de filtres spéciaux ». « Ils peuvent s’intégrer dans un décor de restaurant, au-dessus des têtes, pour créer le courant vers le plafond », détaille-t-il.

Et en terrasse ?

Les terrasses rouvrent mercredi, avec une jauge de 50 %, un maximum de six personnes par table et l’interdiction de la consommation debout.

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Infographie présentant plusieurs solutions permettant de limiter la transmission du Covid-19, selon une étude de chercheurs français en physique © AFP Kenan Augeard

En extérieur, le risque des aérosols est beaucoup moins élevé que dans les espaces intérieurs mal ventilés. Mais en terrasse, il n’est pas nul, car on parle fort, on est rapproché et on n’a pas de masque, avertissent les spécialistes. Près d’une personne infectée, on peut inhaler les aérosols avant qu’ils soient dispersés dans l’air, explique M. Andreotti, selon qui le risque dépend donc de deux paramètres : distance et vitesse du vent. « Sur une terrasse très bien ventilée, on peut laisser un mètre entre les chaises. Mais si elle n’est pas bien ventilée, il faut mettre plus de distance et rajouter du vent, avec de gros ventilateurs de chantiers » correctement orientés, indique le physicien en regrettant que ces points manquent dans les directives officielles.

Il « encourage les restaurateurs à mener des expériences » pour visualiser la dispersion des aérosols et déterminer le meilleur emplacement des tables : « il suffit d’avoir une vapoteuse ou des fumigènes, de mettre la fumée à un endroit et de regarder où elle se disperse. » « Les terrasses ne doivent pas être bâchées afin de laisser circuler l’air, sinon on en revient à un milieu intérieur », estime pour sa part le Pr Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève.

Quid du plexiglas ?

Selon le protocole gouvernemental, les petites terrasses échapperont à la jauge de 50 % si elles séparent leurs tables (10 maximum) avec des paravents ou du plexiglas.

« C’est l’archétype de la fausse bonne idée », critique Bruno Andreotti. Selon lui, « les séparations en plexiglas n’ont de sens que si les compartiments sont ventilés séparément de manière correcte, par exemple un taxi avec fenêtres ouvertes à l’avant et à l’arrière, et clim éteinte ». « Dans le cas contraire, le plexiglas piège les aérosols, n’empêche pas leur circulation entre les compartiments et gêne la ventilation en coupant le vent », assure-t-il, en condamnant également son utilisation « dans les écoles et nombre de lieux de restauration collective ».