Des vents stellaires sculptés par les compagnons des géantes rouges
Publié le - par Barbara Vignaux
Comment expliquer que des étoiles vieillissantes, aux rondeurs bien établies, finissent par se transformer en nébuleuses planétaires aux motifs très variés ? Autrement dit, par quel processus la sphère devient-elle disque, spirale, cône ou rose ? C’est la question à laquelle s’efforce de répondre une étude parue ce jour dans la revue Science. Due à une vaste collaboration internationale, elle repose sur l’observation d’étoiles vieillissantes et leur environnement immédiat.
En fin de vie, les étoiles gonflent, puis refroidissent, avant de se convertir en géantes rouges. Elles expulsent alors des vents stellaires – c’est-à-dire des flux de particules –, perdant ainsi progressivement de leur masse. Puis elles se réchauffent à nouveau, éjectant de nouvelles couches de matière qui finissent par former un amas de gaz et de poussières interstellaires – qu’on appelle une nébuleuse planétaire : « La nébuleuse est le stade final de la vie d’une étoile », dans les termes d’Alain Baudry, professeur émérite au Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (université de Bordeaux), un des signataires de l’étude.
Faute d’observations détaillées réunies à ce jour, les astronomes supposaient que les vents stellaires revêtaient une forme sphérique, à l’instar des étoiles qui les génèrent : « On pensait jusqu’ici que le processus de perte de masse était grosso modo symétrique et sphérique, mais on a constaté que ce n’était pas le cas ! » raconte Alain Baudry.
Pour parvenir à ce résultat, l’équipe a utilisé des observations de vents stellaires – obtenues par détection de la molécule CO, le monoxyde de carbone – autour d’une quinzaine de géantes rouges à l’observatoire Alma, au Chili, le plus grand radiotélescope du monde. Pour la toute première fois, elle a ainsi rassemblé une collection d’images détaillées, toutes obtenues selon la même méthode, afin de réduire les biais et de pouvoir comparer directement les données. Avec, à la clé, une belle surprise : « Les images des vents stellaires ainsi obtenues par le télescope Alma ressemblent aux motifs des nébuleuses planétaires réalisées dans le domaine visible », explique Alain Baudry.
Poursuivant l’examen des images, l’équipe a constaté « la présence d’un compagnon proche à proximité de l’étoile mourante : soit une autre étoile, soit une planète », souvent trop petites pour être détectées directement. Dans un cas, l’équipe a même pu observer ce compagnonnage : un astre – sans doute stellaire – autour de Pi1 Gruis.
Ce compagnon joue un rôle comparable à celui « d’une cuillère à lait dans une tasse de café, capable de créer un motif en spirale en aspirant de la matière vers lui lorsqu’il tourne autour de l’étoile et façonne le vent stellaire », explique Leen Decin, chercheuse à l’institut d’astronomie de Louvain, principal investigateur de l’étude et citée par Science.
C’est donc l’interaction avec une étoile – ou une exoplanète qui l’accompagne – qui façonne à la fois les vents stellaires et les nébuleuses planétaires : « Le gaz est sculpté par les interactions gravitationnelles, selon l’élégante formule d’Alain Baudry. Ces interactions complexes expliquent les formes sophistiquées observées, par exemple, autour de R Alquilae ». Et Leen Decin d’insister : « Toutes nos observations s’expliquent par le fait que les étoiles ont un compagnon ».
L’étude permet de prévoir que d’ici 7 milliards d’années, lorsque notre étoile vieillira à son tour, elle émettra des vents stellaires aux formes complexes, pour créer une nébuleuse en spirale, papillon ou pétales de rose comme R Alquilae. « Compte tenu de leur masse, Jupiter et Saturne influenceront la géométrie des vents stellaires, note Alain Baudry, même s’il n’est pas possible à ce jour d’en prévoir la forme exacte ».
Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet Atomium destiné à étudier la physique et la chimie des étoiles en fin de vie... des objets cosmiques souvent considérés comme un peu ennuyeux – à tort, visiblement !