Vous avez sûrement vu passer ces belles images. Et bien figurez-vous qu'elles n'ont pas été prises depuis l'espace, mais depuis la Terre ! Ces dernières années, on a mis le paquet sur les télescopes spatiaux : Hubble. James Webb, Euclid. La mode était clairement au ciel. Et pourtant, le dernier super télescope à avoir été mis en marche n'est pas dans l'espace mais sur sa montagne, au Chili. Et il est monstrueux. Il s'agit du nouveau télescope Vera Rubin. Sa mission s'appelle LSST. Pour Legacy Survey of Space and Time, qui veut littéralement dire l'enquête sur l'héritage de l'espace et du temps. Rien que ça ! Et Vera Rubin fait des folies ! En l'espace de 10 h, il a trouvé plus d'astéroïdes que ce qu'on a trouvé en 200 ans. Il doit son joli nom à Vera Rubin, l'astrophysicienne à l'origine de la découverte de la matière noire. Cette masse qui exerce une attraction gravitationnelle sur les corps qui l'entourent mais qu'on ne voit pas. En tout cas, Vera permettra d'éclairer une autre zone d'ombre, l'énergie sombre. - L'énergie quoi ? Ben l'énergie sombre. - La chose, le truc, le bidule qui fait que l'Univers non seulement grandit, en plus son expansion s'accélère Merci Jeremy. La raison pour laquelle on a commencé à envoyer nos bébés dans l'espace, c'est l'atmosphère. - Donc l'atmosphère, c'est bien pour respirer, mais ça embête un peu les astronomes parce que déjà sa composition chimique change. Donc ça va changer la transmission de l'atmosphère, ça va changer la façon dont elle laisse passer les couleurs bleues ou les couleurs rouges des étoiles, même si à l'œil on ne s'en rend pas forcément compte. Quand on veut faire des mesures précises, eh bien on le voit. L'autre inconvénient très important de l'atmosphère, c'est que, on ne s'en rend pas compte, mais elle turbule, un peu comme l'eau dans une casserole quand on fait chauffer de l'eau, ça fait des volutes d'eau chaude qui remontent à la surface. Eh bien dans l'atmosphère, c'est pareil. Donc toutes ces turbulences dans l'atmosphère, ça brouille les images, donc on ne peut pas atteindre des finesses d'image aussi précises que dans l'espace. Mais alors vous me direz, pourquoi construire un nouveau télescope sur Terre ? - Ben ouais, c'est vrai ça ! Pourquoi construire un nouveau télescope sur Terre ? - Le gros avantage d'avoir un télescope au sol, c'est qu'on peut faire de la maintenance, on peut faire des upgrades, c'est-à-dire améliorer le télescope au cours de sa vie. Aussi, on peut avoir des miroirs plus gros. On peut se permettre beaucoup plus aisément des miroirs de 8 mètres pour voir plus profond dans l'espace. Et Vera Rubin, il est redoutable ! - La spécificité du télescope LSST, c'est d'avoir une caméra grand champ, c'est-à-dire qu'en un shoot, on voit une zone du ciel qui fait 3 degrés par 3 degrés. Dans une zone du ciel qui fait 3 degrés par 3 degrés, on peut en gros mettre 50 pleines Lunes les unes à côté des autres. Les télescopes spatiaux, eux, sont capables de zoomer sur une toute petite partie du ciel, plus petite qu'une Lune, mais de façon très précise. Mais Véra Rubin, lui, c'est le plus grand œil numérique jamais construit. Une caméra de 3,2 milliards de pixels. En seulement trois nuits, il est capable de capturer tout le ciel visible depuis l'hémisphère sud. Il enregistre 20 téraoctets de données, soit l'équivalent de 5000 films haute définition, par nuit, tous les trois jours, pendant dix ans. Ça permettra d'avoir une cartographie complète et dynamique du ciel en 4D. Lumière, mouvement, position, et temps Et tout ça, dans 6 bandes de couleurs allant de l'ultraviolet à l'infrarouge. Donc une plage de couleurs hyper riche qui permet de récolter plein d'informations super utiles. Mais on veut des données bien précises et il y a toujours l'atmosphère qui vient les brouiller. C'est justement ce sur quoi s'est penché le laboratoire français IJCLab à Orsay. Jérémie Neveu, qui y travaille, est actuellement aux côtés de la Bête, sur le terrain. Alors Jérémie, qu'est-ce que tu fais de beau ? - Qu'est-ce que je fais ? Je profite de la vue Non, à part ça, je travaille. C'est-à-dire que j'assiste pour les observations du télescope auxiliaire pour mesurer l'atmosphère. En fait, l'atmosphère absorbe le rouge. Elle absorbe des longueurs d'ondes rouges. Donc si elle absorbe des longueurs d'ondes rouges, il y a plus de bleu qui passe. Enfin, on a l'impression qu'il y a plus de bleu qui passe. C'est-à-dire que tous les objets, ce jour-là, vont paraître plus bleus. Donc pour caricaturer, ça veut dire qu'en gros, ils vont sembler plus proches de nous aussi. Donc nous, ce qu'on veut faire, c'est mesurer la présence de l'eau avec le télescope auxiliaire et donc ensuite informer le télescope principal qu'aujourd'hui il y a de l'eau. On va lui donner les nombres, les corrections qu'il faut apporter aux mesures de flux lumineux pour compenser toutes ces variations de transmission de l'atmosphère et remettre tous les objets à la bonne distance, à la bonne couleur. Mais un outil technologique, aussi gigantesque soit-il, n'est jamais seul. - Pour mesurer la transmission de l'atmosphère, il faut avoir des étoiles que l'on a mesurées sans atmosphère. Et donc nous, on se sert d'un catalogue fait par le télescope spatial Hubble. Lui était au dessus de l'atmosphère, donc il n'était pas gêné par l'eau ou l'ozone ou je ne sais quoi. Il a produit un catalogue de spectres d'étoiles hors atmosphère. Nous on regarde ces mêmes étoiles sous l'atmosphère, avec le télescope auxiliaire. C'est la différence entre les deux qui nous permet de dire qu'aujourd'hui il y a beaucoup d'eau, aujourd'hui il n'y a pas beaucoup d'ozone etc. Et il ne réalise pas sa mission seul non plus. - Notre cousin dans l'espace, c'est le télescope spatial Euclid. Lui ne subit aucune atmosphère et voit donc mieux les formes des galaxies mais ont moins de couleurs. Ensemble, Euclid et LSST se complètent. Euclid apporte la précision spatiale et LSST apporte la profondeur temporelle et multicolore. Ce sont des couzinzins de l'espace. L'un a les pieds sur Terre et l'autre la tête en l'air.