Le Doliprane, médicament le plus vendu en France, va pouvoir passer sous contrôle du fonds d’investissement américain CD&R : le groupe pharmaceutique Sanofi a formalisé lundi son choix de lui céder 50 % de sa filiale Opella qui produit l’antalgique, une opération dans laquelle l’État dit avoir obtenu des garanties « extrêmement fortes ».

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Un comprimé de Doliprane 1000 mg photographié à Quimper, le 16 octobre 2024 © AFP Fred Tanneau

« Sanofi et CD&R sont entrés en négociations exclusives pour la cession et l’acquisition potentielles d’une participation de contrôle de 50 % dans Opella », a confirmé le groupe français soulignant que l’offre de CD&R est « ferme et entièrement financée ». La valorisation d’Opella est basée sur une valeur d’entreprise d’environ 16 milliards d’euros, détaille le géant pharmaceutique, un an après avoir annoncé son intention de se séparer de sa filiale de médicaments sans ordonnance, vitamines, minéraux et compléments alimentaires.

La banque publique d’investissement Bpifrance va participer au capital de cette entreprise à hauteur « de 1 à 2 % », soit « entre 100 et 150 millions d’euros », pour « assurer l’ancrage français d’actifs stratégiques », a précisé le directeur général de BpiFrance, Nicolas Dufourcq lors d’une conférence de presse aux côtés des ministres de l’Industrie Marc Ferracci et de l’Economie Antoine Armand. Et « quand Bpifrance est présent au conseil d’administration de l’entreprise, nous sommes vocaux, actifs, parfois activistes, si nécessaire, si la gouvernance dérape », a-t-il mis en garde.

« Rien ne change pour le Doliprane » 

Sanofi devrait donc rester actionnaire à hauteur d’environ 48 % pour l’instant. « Rien ne change pour le Doliprane », a assuré le directeur général de Sanofi, Paul Hudson, lors d’un point presse distinct. Mais grâce à cette opération, le groupe pourra « se concentrer encore davantage » sur les médicaments et les vaccins innovants pour se transformer en « un pur acteur » biopharmaceutique et « un leader mondial en immunologie », a-t-il fait valoir.

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Le directeur général de Sanofi Paul Hudson s’adresse à la presse, lors de l’inauguration d’un site à Neuville-sur-Saône dans le Rhône, le 10 septembre 2024 © POOL/AFP/Archives Laurent Cipriani

« Nous croyons à la création de valeur d’Opella. C’est pour cette raison que nous restons à bord », a-t-il expliqué. Il s’est toutefois montré plus évasif sur la durée de son implication dans Opella : « Sanofi n’a pas fixé de délai » mais « nous nous attendons absolument à être impliqués et en partenariat pour longtemps », « le plus longtemps possible », a-t-il dit.

CD&R, qui investit en France depuis une quinzaine d’années (notamment dans Rexel, Spie, Socotec, But et Conformama), ambitionne de son côté « d’accélérer » la croissance d’Opella, qui détient 115 marques dans le monde et compte 11 000 collaborateurs dans environ 100 pays pour « créer un champion français mondial de la santé grand public ».

Le projet de cette cession suscite une vive émotion au sein de l’opinion publique et de la classe politique parce qu’il concerne un médicament de base utilisé par un grand nombre de Français pour soulager la douleur et la fièvre. L’État a été en discussions avec Sanofi pour définir certaines conditions liées à cette acquisition afin de s’assurer que les garanties pour la sécurité sanitaire étaient maintenues.

« régime de sanctions »

L’accord tripartite entre l’État, Sanofi et CD&R, annoncé dimanche soir par le gouvernement, comprend « la pérennité des sites de production de Lisieux et Compiègne », le maintien du siège et des activités de recherche et développement en France, la protection de l’emploi, des points sur lesquels le gouvernement refusait de transiger.

Cet accord « extrêmement exigeant » avec des « garanties extrêmement fortes », « n’a pas vocation pour un certain nombre de ses dispositifs à échouer dans le temps », a fait savoir M. Armand, insistant sur le fait que l’État restait sur ses gardes sans « aucune forme de naïveté ».

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Le ministre de l’Economie Antoine Armand lors d’une visite sur le site Sanofi de Lisieux, dans le Calvados, où est fabriqué le Doliprane, le 14 octobre 2024 © AFP/Archives Lou Benoist

L’accord garantit « le maintien des volumes minimaux de production en France pour les produits sensibles d’Opella », à savoir le Doliprane (paracétamol), le Lanzor (contre les troubles digestifs) et l’Aspegic (aspirine), ont précisé les ministres Antoine Armand et Marc Ferracci.

Un objectif d’investissement en France, fixé à 70 millions d’euros sur 5 années en cumulé, fait également partie de la liste des engagements signés.

L’accord prévoit des sanctions financières, « pouvant s’élever jusqu’à 40 millions d’euros » en cas d’arrêt de la production sur les deux sites français d’Opella et de « 100 000 euros par emploi supprimé par licenciement économique contraint ». 

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Le député « Nouveau Front Populaire » François Ruffin à la rencontre de salariés d’Opella en grève, à Compiègne dans l’Oise, le 17 octobre 2024 © AFP/Archives Francois Nascimbeni

Une pénalité pouvant atteindre 100 millions d’euros est stipulée en cas de non-respect du « maintien de l’approvisionnement d’Opella auprès de fournisseurs et sous-traitants français » tels que le chimiste Seqens.La finalisation de la transaction est prévue au plus tôt pour le deuxième trimestre 2025.

Le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard a réitéré lundi sur TF1 son appel à « bloquer la vente » d’Opella. Ce « n’est pas avec 1 % de participation dans le capital que l’État aura quelque mot à dire sur les décisions stratégiques qui seront prises par le groupe », a-t-il argumenté.