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Le rover jumeau de Rosalind Franklin sur Terre, appelé Amalia, quittant la plate-forme d’un simulateur de terrain martien dans les locaux d’Altec à Turin © ESA

C’est officiel depuis aujourd’hui : l’Agence spatiale européenne (ESA) « suspend » la mission ExoMars. Dans un communiqué diffusé ce jour, l’ESA déclare « déplorer profondément les pertes humaines et les conséquences tragiques de l’agression contre l’Ukraine » et « s’aligner pleinement sur les sanctions imposées à la Russie par ses États membres ». Vont désormais être étudiées les options possibles pour mener à bien ce projet spatial russo-européen de grande ampleur, destiné à détecter des traces de vie passée sur Mars. 

Le 8 mars dernier, François Forget (CNRS), planétologue à l’institut Simon Laplace, estimait que « toutes les cartes (étaient) sur la table ». Sont désormais exclus le maintien du lancement prévu à l’automne 2022, ainsi que le report du projet avec l’Agence russe (Roscosmos) : l’ESA a aussi décidé de suspendre la collaboration avec elle. C’est donc le développement par les Européens d’un système d’atterrissage autonome qui va désormais pouvoir être étudié. 

Le projet Exomars comporte deux volets : la mise en orbite de la sonde Orbiter TGO (Trace Gas Orbiter), effective depuis 2016, tout d’abord. Début mars, ce volet se poursuivait encore, même si François Forget constatait un « coup de froid » : « Des collègues d’autres pays européens n’ont plus le droit d’assister à des réunions avec les Russes, du coup des rencontres sont annulées, parfois avec des collègues russes que nous connaissons depuis longtemps, certains même devenus des amis ».

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Cette image de la sonde ExoMars Trace Gas Orbiter montre le contraste entre la glace d’eau blanche et le sol martien rouge rouille © ESA/Roscosmos

Mais c’est sur le second volet d’ExoMars – vingt ans de développement, un coût de 2 milliards d’euros – que règne la plus grande incertitude. Le rover Rosalind Franklin, destiné à étudier la présence d’eau sous la surface de Mars et détecter des indices de vie biologique, devait être lancé depuis Baïkonour par une fusée Proton à l’automne prochain… et atterrir sur la planète rouge dans un module russe, lui aussi. C’est donc aux deux extrémités de la mission que se pose le problème.

Alors, faut-il annuler complètement la mission ? Avec ses neuf instruments, « le rover est un chef-d’œuvre, un outil extraordinaire, il est là, et maintenant il faut donc le poser sur la surface. L’annulation est possible, mais ce serait un gâchis formidable », estime François Forget. D’ores et déjà, l’équipe d’ExoMars planche sur le lancement par une fusée Ariane-6, moins coûteuse qu’Ariane-5 et qui doit entrer en service cette année.

Certes, la plateforme et les moteurs sont de conception russe. Mais une partie des pièces est conçue par les partenaires européens : l’électronique pour le système de descente, les parachutes. Bref, l’Europe ne partirait pas de zéro si elle décidait de viser un atterrissage autonome. À quelle échéance, en pareil cas ? Il est bien sûr trop tôt pour le savoir mais l’option d’une mission 100 % européenne est – davantage encore aujourd’hui qu’au début du conflit – sur la table.