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Vue des réacteurs 3 et 4 et des citernes d’eau contaminée de la centrale de Fukushima Daiichi, le 3 février 2020 à Okuma, au Japon © AFP/Archives Kazuhiro Nogi

Salle de contrôle de réacteurs, mur de glace souterrain, citernes d’eau contaminée : des journalistes de l’AFP ont passé plusieurs heures dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, neuf ans après le terrible accident provoqué par le tsunami du 11 mars 2011.

Voici l’état des lieux du site, juste avant les Jeux olympiques de Tokyo (24 juillet-9 août).

À proximité des réacteurs

Vus de loin, du haut d’un talus, les bâtiments des réacteurs un à quatre, les plus abîmés des six du site, semblent à peu près reconstitués. Trois avaient été ravagés par des explosions d’hydrogène.

Mais, de près, ils sont encore en bien piteux état, des monceaux de détritus ici et là, des pans de murs éventrés. Pour accéder aux salles de contrôle, il faut revêtir l’équipement « zone jaune », la zone intermédiaire en termes de risques (combinaison, trois paires de gants, trois paires de chaussettes, des bottes, un masque intégral, un casque) afin de se protéger non pas des rayonnements – qui traversent tout – mais des poussières radioactives.

Il faut enjamber des détritus, se faufiler via des escaliers improvisés, avant d’atteindre cet espace où s’est jouée une partie du drame. Les équipements de contrôle, vert kaki, qui datent des années 1970, sont toujours là, hors service. Au mur, restent les séquelles : des nombres écrits au crayon à papier, certains rayés et remplacés par d’autres, plus élevés. « Ce sont des calculs de paramètres effectués par les techniciens alors sur place, plongés dans le noir, avec une simple lampe de poche », explique un responsable de Tepco.

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Un bâtiment endommagé de la centrale de Fukushima Daiichi, le 3 février 2020 à Okuma, au Japon © AFP/Archives Kazuhiro Nogi

Ils n’ont rien pu faire pour empêcher la fusion des cœurs des réacteurs 1, 2 et 3. Le combustible fondu gît toujours dans l’enceinte de confinement. On y a envoyé des robots en repérage. L’extraction, tâche extrêmement délicate, devrait être testée grandeur nature à compter de 2021. On n’en verra pas le bout avant 2040/50 au mieux.

Mur de glace souterrain

L’eau souterraine venue de la montagne alentour, qui s’engouffre dans les installations et génère des quantités massives de liquide radioactif, a longtemps été un souci majeur.

Désormais, le problème est atténué, en partie grâce à la construction d’un mur d’enceinte souterrain, en gelant le sol sur une épaisseur de plus d’un mètre et une profondeur de 30 mètres. « Tout le monde nous disait que ce serait très compliqué, compte tenu de la longueur du périmètre à geler, mais finalement nous y sommes parvenus grâce à des techniques utilisées au Japon lors du percement de tunnels : à mesure que le tunnelier progresse, le pourtour du tunnel est dans un premier temps gelé pour éviter qu’il ne s’effondre », explique sur place un ingénieur de Tepco.

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Une salle de contrôle de la centrale de Fukushima Daiichi, le 3 février 2020 à Okuma, au Japon © AFP/Archives Kazuhiro Nogi

Des pompes en amont du mur permettent aussi de réduire la quantité d’eau qui vient le heurter. Néanmoins, en raison des pluies et de l’eau de refroidissement des réacteurs, sont chaque jour encore générés 170 m3 de liquide extrêmement radioactif qu’il faut décontaminer et qui reste un problème.

L’eau contaminée

Cette eau contaminée est passée dans un dispositif de filtrage, ALPS, qui permet d’en réduire le niveau de radioactivité en retirant la majeure partie d’une soixantaine de radionucléides. Toutefois, les premières générations d’ALPS n’étaient pas aussi puissantes que la plus récente. In fine, 80 % du million de mètres cubes d’eau traitée, stockée dans un millier de citernes sur le site, doivent être de nouveau filtrés.

À la fin du processus, il restera une faible teneur en divers éléments radioactifs, mais un ratio plus important de tritium, lequel ne peut pas être retiré avec les techniques actuelles. Cette eau, qu’en faire ? Les organisations écologistes comme Greenpeace insistent pour qu’elle soit stockée à long terme et qu’on développe des modalités de filtrage plus performantes, mais les autorités japonaises ont déjà exclu cette option.

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Des équipements pour réaliser des murs de glace souterrains près du réacteur 4 de la centrale de Fukushima Daiichi, le 3 février 2020 à Okuma, au Japon © AFP Kazuhiro Nogi

Officiellement, il ne reste plus que deux solutions sur la table : l’évaporation dans l’air, ou la dilution et le rejet dans l’océan Pacifique voisin. C’est cette seconde option qui est privilégiée. Elle est approuvée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), mais révulse les pêcheurs et agriculteurs de la région.

5 000 travailleurs par jour

La centrale de Fukushima Daiichi est parcourue chaque jour par 4 000 à 5 000 travailleurs, en majorité des sous-traitants de Tepco en plus de salariés de la compagnie. Ils étaient 8 000 au moment de la difficile construction du mur souterrain. Ils y exercent des fonctions très diverses, allant de la construction des citernes au retrait de combustible usagé d’un bassin de stockage par des grues télécommandées. Certains sont là pour gérer une incroyable logistique de combinaisons de plastique, gants, chaussettes, bottes, casques ou masques. Les tenues portées dépendent des lieux traversés.