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En vue d'une possible réautorisation du glyphosate sur le continent, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) rendra jeudi un nouvel avis scientifique © AFP/Archives JEAN-FRANCOIS MONIER

Le glyphosate, un désherbant controversé, ne présente pas de «domaine critique de préoccupation» empêchant le renouvellement de son autorisation dans l’Union européenne, a conclu l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dans une étude remise jeudi 6 juillet à la Commission européenne. L’EFSA «n’a pas identifié de domaine critique de préoccupation» du glyphosate chez les humains, les animaux et l’environnement, explique-t-elle dans un communiqué, tout en notant «un risque élevé à long terme chez les mammifères» pour la moitié des usages proposés du glyphosate.

Une préoccupation est définie comme «critique» lorsqu’elle affecte tous les usages proposés de la substance active évaluée, empêchant donc son autorisation, précise l’EFSA. Au total, le rapport, qui sera rendu public courant juillet, repose sur 2 400 études, 180 000 pages, et a fait appel à 90 experts des Etats membres, fait valoir l’Autorité. L’EFSA devait initialement publier son étude au deuxième semestre de 2022, avant de reporter la publication en raison d’un nombre «sans précédent» d’observations reçues.

L’étude, très attendue tant des agriculteurs que des écologistes, est cruciale car elle doit servir de base à la Commission européenne pour décider de prolonger, pour cinq ans, l’autorisation délivrée sur le marché européen au plus célèbre des désherbants et qui doit expirer le 15 décembre prochain. Une réapprobation à laquelle croyaient les producteurs, qui se s’étaient dits «assez confiants», selon un représentant de Plateforme glyphosate France (Bayer, Syngenta…) cité par le média spécialisé France Agricole.

La question de la carcinogénicité du glyphosate divise les agences réglementaires et scientifiques depuis huit ans. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont classé en 2015 le glyphosate comme un «cancérogène probable» pour les humains. De son côté, un groupe d’experts de l’Institut national de santé et de la recherche médicale (Inserm) en France a conclu en 2021 à «l’existence d’un risque accru de lymphomes non hodgkiniens avec une présomption moyenne de lien» avec le glyphosate, la substance active du célèbre Roundup commercialisé par Monsanto, racheté par l’allemand Bayer en 2018.

À l’inverse, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a jugé en juin l’an dernier que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.

« Le Comité d’évaluation des risques de l’ECHA a formé son opinion scientifique indépendante : le classement actuel du glyphosate ne change pas », avait alors déclaré l’ECHA, l’herbicide étant classé comme pouvant provoquer des « lésions aux yeux » et étant « toxique pour les milieux aquatiques ».

L’EFSA devait initialement publier ses conclusions au second semestre 2022, avant d’annoncer leur report en raison du nombre « sans précédent » d’observations reçues. En attendant cette étude, la Commission a prolongé d’un an, jusqu’au 15 décembre 2023, l’autorisation du glyphosate dans l’UE.

Mercredi, pour marquer le coup, des ONG environnementales ont appelé le gouvernement français à s’opposer au renouvellement de cette autorisation.

« Nos organisations demandent que la France prenne position contre la réautorisation de cette substance dangereuse pour la santé et l’environnement », ont réclamé une quinzaine d’ONG — dont Générations futures, Greenpeace, Réseau Action Climat ou encore Les Amis de la Terre — dans une lettre remise à la Première ministre Élisabeth Borne et d’autres ministères.

« Les effets toxiques du glyphosate ainsi que sa présence ubiquitaire dans l’environnement et les êtres vivants sont donc largement documentés », font valoir les signataires de la lettre.

« Pourtant mi-juin 2021, les quatre États membres rapporteurs en charge de la rédaction du dossier d’évaluation ont donné un avis favorable à la réautorisation du glyphosate », déplorent-ils.

Une trentaine d’organisations environnementales ont par ailleurs recueilli plus de 500 000 signatures dans une pétition exigeant que la France s’oppose « publiquement au renouvellement de l’autorisation de ce pesticide toxique en Europe ».

Emmanuel Macron s’était engagé en 2017 à sortir du glyphosate en France « au plus tard » début 2021, avant de revenir sur cette promesse. Des organisations agricoles s’opposent à cette interdiction, estimant que le désherbant reste largement incontournable, notamment pour faire place nette à une nouvelle culture sans labourer (la pratique, millénaire, relâche du carbone et altère la fertilité des sols).

L’Europe est loin d’être la seule région du monde où l’usage du glyphosate fait débat. Au-delà des procès intentés par des particuliers, des juridictions s’attaquent à Bayer : il y a quelques semaines, le groupe allemand a accepté de verser environ sept millions de dollars à l’État de New York pour mettre fin à des poursuites l’accusant d’avoir trompé les consommateurs, en présentant l’herbicide Roundup comme un produit sans danger.