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Des canes destinées à la fabrication de foie gras confinées à Sarrant, dans le Gers, le 28 novembre 2022 © AFP/Archives Lionel Bonaventure

Le foie gras et la dinde de Noël vont-ils devenir des produits de luxe ? Entre le 1er août et le 21 décembre, 3,3 millions d’oiseaux domestiques — majoritairement des canards — ont été abattus rien qu’en France. Des dizaines de millions de volailles ont connu le même sort en Europe. Une mesure de protection économique — afin que les éleveurs puissent exporter le plus vite possible — et sanitaire — ce virus mute très rapidement et peut se propager à l’homme. Or l’épizootie — épidémie qui touche les animaux — de grippe aviaire en cours est la « plus dévastatrice » qu’ait connue l’Europe de toute son histoire, ont estimé mardi les autorités sanitaires européennes. Un épisode loin d’être isolé et qui fragilise la filière avicole.

Ce jeudi 22 décembre, le gouvernement français a présenté son plan de vaccination de volailles avec l’ambition de le mettre à l’œuvre dès l’automne 2023. D’ici là, il faut œuvrer à « sauvegarder le patrimoine génétique de la filière » et s’assurer que les indemnisations « aillent suffisamment vite pour ne pas tellement affaiblir les trésoreries, que des gens soient obligés d’arrêter leur activité », a détaillé Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture lors d’un déplacement auprès de représentants du secteur avicole à La Roche-sur-Yon (Vendée).

Vers un vaccin contre la grippe aviaire
Est-ce aussi simple ? À ce stade, il n’existe aucun vaccin suffisamment efficace, disposant d’une autorisation de mise sur le marché, et encore moins de réglementation européenne permettant la vaccination. Les premiers résultats des expérimentations en laboratoire devraient être connus autour de mars 2023. À la même période, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sera tenue de présenter différents « scénarios de vaccination pertinents ». L’État français tâchera alors de définir sa stratégie vaccinale, de chiffrer son coût, et de déterminer qui paiera. « Si tous les signaux sont au vert, en mai, on aura des vaccins fonctionnels, autorisés, et une stratégie adaptée sur le plan sanitaire et économique », assure le ministère de l’Agriculture.

Cinq vaccins sont aujourd’hui disponibles dans le monde, et un seul dispose d’une autorisation de mise sur le marché en Europe pour les poules, selon l’Anses. Or elle date de 2006, « et la souche vaccinale (…) n’a pas été actualisée depuis ». Cinq pays européens se sont lancés dans la course au vaccin, et la plupart des résultats des expérimentations devraient être connus au premier trimestre 2023. Deux laboratoires français, dont Ceva, travaillent sur un vaccin pour les palmipèdes (canards), tandis que les Pays-Bas en élaborent un pour les poulets, et l’Italie pour les dindes. 

Négociations européennes et internationales
Si un vaccin efficace émerge, le ministère de l’Agriculture français devra batailler pour que cette vaccination soit acceptée par ses partenaires commerciaux. Alors que selon le gouvernement, il y a un an seulement « professionnels et parties prenantes y étaient frontalement opposés », une réglementation européenne autorisant le principe de la vaccination « devrait en entrer en application fin février ».

Ces réticences sont liées au risque que le vaccin « masque » la présence de la maladie et que le virus se diffuse ensuite chez eux « à bas bruit » par l’achat de volailles ou de produits issus d’oiseaux vaccinés. Un arrêt des exportations d’oiseaux de basse-cour français représenterait 500 millions d’euros de perte pour le secteur.

Propagation inédite de la grippe aviaire
Or l’accélération de la propagation du virus est liée non seulement à la baisse des températures, mais aussi à la « forte activité migratoire des oiseaux sauvages », affirment les services du ministre de l’Agriculture. Pas si simple. L’Office français de la biodiversité (OFB) observe pour la première fois cette année que ce virus de la grippe aviaire sévit également durant l’été. Il a été particulièrement meurtrier auprès de certaines espèces d’oiseaux sauvages jusque là épargnés comme le fou de Bassan. Il remarque que ces volatiles sont en grande partie infectés.

Pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO), les grands élevages d’oiseaux domestiques ont certainement influencé cette mortalité inédite chez espèces sauvages  : « en multipliant massivement les virus, les grands élevages peuvent contaminer leur environnement proche, mais aussi créer des conditions favorables à l’émergence de nouvelles souches, possiblement capables d’infecter des mammifères, dont les humains ou de passer vers les oiseaux sauvages. »