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Biologistes examinant une baleine grise echouée sur une plage de Californie © NOAA Fisheries

Le mystère de l’hécatombe des baleines grises du nord-est du Pacifique vient d’être résolu. Depuis 2019, ces cétacés (Eschrichtius robustus) s'échouent à un rythme alarmant le long des côtes du Canada jusqu’à celles de Basse-Californie au Mexique. Ces populations du Pacifique Nord sont passées de 27 000 en 2016 à 14 500 en 2023 soit une baisse inquiétante de presque 25 % selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA). 

Jusqu’à présent, cette mortalité inhabituelle restait inexpliquée même si les scientifiques avançaient quelques pistes de réflexion.  Des biologistes américains du Marine Mammal institute de l’Oregon state University viennent en effet de proposer une explication solide. Selon les chercheurs américains, la fluctuation dans la fonte des glaces de mer arctiques, due au changement climatique, aurait un impact direct sur ces échouages massifs. La démonstration en est apportée dans l’article paru le 12 octobre dans la revue Science

Une longue migration pour se nourrir puis se reproduire

Les baleines grises effectuent la plus longue migration de tous les mammifères, parcourant plus de 8 000 kilomètres chaque année. Elles migrent depuis les zones où elles s’alimentent l’été, dans l’océan Pacifique (mer de Béring) et dans l’océan Arctique (mer des Tchouktches), jusqu’à celles de reproduction dans les lagons chauds de la péninsule de Baja au Mexique, où elles hivernent et donnent naissance aux petits.  

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Trajet de migration de la baleine grise du nord-est du Pacifique. Le graphe incrusté montre l’évolution de la population, en baisse depuis 2019, ainsi que les épisodes de mortalités inhabituelles (UME) © NOAA Fisheries

Dans l’Arctique, les baleines grises trouvent leur nourriture favorite, riche en calories, notamment les crustacés amphipodes… qui eux-mêmes se nourrissent de microalgues poussant sous la glace marine.  Lorsque le volume de glace se réduit, la quantité de microalgues coulant jusque dans les fonds marins diminue aussi. A son tour, cela fait baisser la qualité et la quantité des petits crustacés qui se nourrissent de ces végétaux marins. 

Un manque de nourriture conséquence du réchauffement climatique 

Les baleines grises sont directement affectées par le déclin de leur proies préférées. Carencées, elles s’affaiblissent puis s’épuisent. Certaines meurent durant leur migration de retour avant d’atteindre le site de reproduction. À l’augmentation des décès due aux carences alimentaires, s’ajoute ainsi la baisse des naissances. 

Ce n’est pas la première fois que cette mortalité inhabituelle est observée : dans les années 1980 et 1990, des épisodes similaires, mais de courte durée, se sont déjà produits. Mais alors, les baleines ont vite récupéré et leur population a rebondi atteignant un pic en 2015 et 2016.

Selon les scientifiques, ces mortalités massives pouvaient être imputées, à une forte couverture de glace en Arctique. Événement qui empêchait les baleines d’atteindre facilement leur zone de nourrissage. Dorénavant, c’est l’intensification du réchauffement climatique qui change la donne, et ce sur le long terme.

Quoique loin d’être réjouissante, cette situation n’inquiète pas encore les scientifiques.  Actuellement, les baleines grises ne sont pas menacées d'extinction. Mais ils soulignent que cette espèce, parmi les plus résilientes et les mieux protégées au monde, est particulièrement sensible aux impacts du changement climatique sur son environnement.