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La scientifique Lucia Rapp Py-Daniel lors d'uVue aérienne du fleuve Manicoré, en Amazonie brésilienne, le 7 juin 2022 © AFP Mauro Pimentelne expédition scientifique sur le fleuve Manicoré, en Amazonie, au Brésil, le 9 juin 2022 © AFP Mauro Pimentel

 Greenpeace organise une expédition en Amazonie avec une quinzaine de scientifiques. La mission de Francisco Farronay et ses collègues : faire l’inventaire de la faune et de la flore locales, pour donner ensuite à la zone le statut de Région de Développement durable (RDS), un type de réserve naturelle protégée par les autorités. Durant plusieurs semaines, des botanistes et des biologistes spécialistes en mammifères, oiseaux, reptiles, poissons ou amphibiens ont exploré la jungle pour prélever des échantillons de plantes ou installer des caméras et des micros pour étudier le comportement des animaux.

« La destruction avance plus vite que le savoir », déplore Francisco Farronay, botaniste qui craint de voir des espèces disparaître avant même d’être connues à cause de la déforestation en Amazonie. Pour le compte de l’Institut National de recherches d’Amazonie (INPA), ce jeune scientifique étudie la biodiversité et tente d’identifier de nouvelles espèces dans une zone encore préservée, aux confins de la plus grande forêt tropicale de la planète. La forêt amazonienne est de plus en plus menacée par l’agriculture illégale, l’orpaillage ou le trafic de bois. Sa richissime biodiversité conserve encore une grande part de mystère, que les scientifiques tentent de percer tant bien que mal. « C’est une lutte contre la montre », assure le botaniste.

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Vue aérienne du fleuve Manicoré, en Amazonie brésilienne, le 7 juin 2022 © AFP Mauro Pimentel

Pour y arriver, il faut prendre un petit avion depuis Manaus, la plus grande ville amazonienne, puis survoler des centaines de kilomètres de forêt vert émeraude, direction Manicoré. Le reste du périple se fait en bateau à moteur, cinq heures de navigation en serpentant sur les eaux sombres du fleuve Manicoré. « La plupart des espèces de plantes d’Amazonie ne poussent que dans des lieux précis. On ne connaît que 60 % des espèces d’arbres, donc dès qu’une zone est touchée par la déforestation, une partie de la biodiversité est éliminée et reste à jamais inconnue », déplore Alberto Vicentini, chercheur de l’INPA.

Un gouvernement en question

D’après une étude du collectif Mapbiomas, l’Amazonie a perdu 74 millions d’hectares de végétation native de 1985 à 2020, l’équivalent de la superficie du Chili. Et la déforestation s’est intensifiée sous le gouvernement du président d’extrême droite Jair Bolsonaro, que les écologistes accusent de favoriser l’impunité des orpailleurs et des trafiquants de bois, avec des coupes budgétaires dans des organes de contrôle chargés de les sanctionner. Depuis son arrivée au pouvoir, en janvier 2019, la déforestation annuelle a augmenté de 75 % en moyenne par rapport à la décennie précédente. « Nous vivons une période d’obscurantisme, de déni de la science, comme nous l’avons vu durant la pandémie de Covid-19. Il y a aussi de nombreuses coupes budgétaires dans la recherche », insiste Alberto Vicentini.

Les fonds publics alloués à la recherche sont en baisse depuis une dizaine d’années. L’Académie brésilienne des Sciences (ABC) et la Société brésilienne pour le progrès de la science (SBPC) estiment que ces coupes budgétaires vont atteindre 3 milliards de réais (environ 540 millions d’euros) cette année. « Il y a des endroits où personne n’est jamais allé. Sans les moyens suffisants pour faire des recherches, nous ne disposons pas des informations nécessaires pour expliquer les raisons pour lesquelles il est important de préserver ces zones », explique Lucia Rapp Py-Daniel, docteure en Ecologie et en Biologie évolutive. « Il faudrait accélérer le rythme des recherches pour arriver à temps avant la destruction, mais on fait plutôt des pas en arrière », déplore-t-elle.