Image légendée
© AFP/Archives Christophe ARCHAMBAULT

Même si elle est loin des sommets atteints pendant le Covid, la téléconsultation est désormais solidement installée dans le paysage médical français. Mais le décollage des plateformes accessibles sept jours sur sept suscite des interrogations.

Environ un million de téléconsultations sont actuellement remboursées chaque mois, ce qui représente 2 à 3 % des consultations remboursées totales, selon les chiffres de la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie).

Un volume appréciable comparé à la quasi-inexistence d’avant le Covid, mais limité par rapport aux pics atteints pendant la pandémie : jusqu’à 4,5 millions de téléconsultations par mois en avril 2020, avec de nouveaux pics au moment des retours du virus, 2 millions fin 2020 et 1,5 million début 2022.  

Une grande partie de ces téléconsultations sont réalisées par des médecins que connaissent déjà les patients – médecins traitants ou spécialistes effectuant un suivi régulier.

Mais le Covid a aussi favorisé le décollage des plateformes qui proposent des rendez-vous de médecins en ligne sept jours sur sept, en général sur des horaires étendus. 

Le patient obtient son rendez-vous sans délai ou en quelques heures, mais avec un médecin qui peut être situé à des centaines de kilomètres de chez lui, et qu’il ne reverra jamais.

Chez le géant Doctolib, qui revendique 500 000 téléconsultations par mois aujourd’hui, 20 % des téléconsultations interviennent avec des patients que le praticien ne connaît pas.

Selon un sondage BVA publié en juin et réalisé à la demande du LET, l’association des entreprises de télémedecine, 22 % des patients qui ont déjà téléconsulté l’ont fait avec un médecin qu’ils ne connaissaient pas en présentiel.

Le développement de ces consultations « hors-sol » interroge professionnels et pouvoirs publics. 

Ils veulent éviter la dérive vers une médecine « ubérisée » où le praticien enchaine les consultations sur écran de patients qu’il n’a jamais vus.

Le gouvernement a tenté d’interdire le remboursement des arrêts de travail prescrits en téléconsultation (sauf par le médecin traitant). Il n’a pas eu gain de cause, censuré par le Conseil constitutionnel, mais il a promis de revenir à la charge.

De son côté, la Cnam surveille notamment le développement des cabines de téléconsultations implantées dans des lieux publics. 

« Je ne crois pas qu’il y ait une place justifiée à des télécabines de consultation dans des supermarchés, ou dans des lieux qui ne correspondent pas à un exercice normal des soins », faisait valoir récemment le directeur général de la Sécurité sociale, Thomas Fatôme.

Mais les difficultés croissantes d’accès aux médecins met du vent dans les voiles de la téléconsultation.

« Si on avait tous le choix, qu'on avait tous un médecin traitant et qu'on pouvait tous toquer à sa porte rapidement, on le ferait, mais ce n'est pas possible », soulignait Arthur Dauphin, de l'UFC Que Choisir, dans un colloque organisé en juin par le LET.

Pour lui, « la télémédecine a un rôle à jouer » pour raccrocher au système de soins des personnes qui en sont éloignées.

Médecine « hybride »

Pour Qare, l’une des grandes plateformes de télé-rendez-vous médicaux, accessible sept jours sur sept, la téléconsultation ne vise pas à remplacer la consultation en présentiel, mais à être « complémentaire », explique son directeur général Olivier Thierry.

« Nous voulons faciliter l’accès aux soins pour tous sur tout le territoire », indique-t-il, en précisant que « 37 % des patients » faisant appel à Qare sont originaires d’une zone reconnue sous médicalisée (ZIP, zone d’intervention prioritaire).

Qare, passée en 2021 dans le giron du groupe britannique HealthHero, est un poids lourd du secteur, et revendique aujourd’hui 200 000 téléconsultations mensuelles en France.

Parmi les autres grandes plateformes de rendez-vous de téléconsultation, figurent notamment le suédois Livi ou les français Medadom ou Maiia (Cegedim).

« Il ne faut pas opposer télémédecine et médecine présentielle », estimait récemment le docteur Pierre Simon, fondateur et ancien président de la société française de télémédecine, qui entrevoit l’arrivée d’une médecine « hybride », mêlant distanciel et présentiel.

Les travaux scientifiques autour de la « télésémiologie », l’étude des symptômes et signes cliniques à distance, vont permettre de mieux distinguer « ce qui relève de la téléconsultation et ce qui relève de la consultation en présentiel », indiquait-il lors du colloque organisé par le LET.