Le prix Nobel de physique a couronné mardi le Français Alain Aspect, l'Américain John Clauser et l'Autrichien Anton Zeilinger, trois pionniers des mécanismes révolutionnaires de la physique quantique.

Le trio de septuagénaires est récompensé pour ses découvertes sur « l'intrication quantique », un phénomène où deux particules quantiques sont parfaitement corrélées, quelle que soit la distance qui les sépare, a annoncé le jury Nobel. La mise en évidence de cette propriété a ouvert la voie à de nouvelles technologies dans l'informatique quantique et des communications ultra-sécurisées, ou encore les capteurs quantiques ultra-sensibles qui permettraient des mesures extrêmement précises, comme celle de la gravité dans l'espace. Cette mécanique était prédite par la théorie quantique. Pourtant même Einstein, qui avait soulevé en premier le problème en 1935, n’y croyait pas, qualifiant l'intrication de « mouvement à distance qui fait froid dans le dos ».

Alain Aspect a dit sa fierté de rejoindre au palmarès des grands noms de la physique comme Albert Einstein, concédant à ce dernier « une partie du mérite » de la découverte de l'intrication. « Tous ces grands noms... Bien sûr, je suis très impressionné parce que je ne suis certainement pas au niveau de ces gens qui ont complètement changé la science physique. Mais je suis fier d'être sur la même liste, bien sûr ! », a expliqué le professeur de 75 ans rattaché à l'université de Paris-Saclay et à la très prestigieuse École polytechnique.

Malgré le nom de « téléportation quantique » utilisé pour le mécanisme de l'intrication, « ce n'est pas comme dans Star Trek » avec des téléportations d'objets ou a fortiori de personnes, a de son côté souligné Anton Zeilinger, joint par téléphone par le jury. En revanche, avec l'intrication, « on peut transférer l'information sans même connaître l'information », a souligné le scientifique de 77 ans.

La mécanique quantique est une science contre-intuitive qui décrit le monde à l'échelle de l'infiniment petit, où les choses peuvent simultanément exister, ne pas exister et être quelque part entre les deux. Sur la base de cette science, des géants de l'économie mondiale comme Google mobilisent actuellement un grand nombre de chercheurs pour façonner une prochaine génération d'ordinateurs dits « quantiques », surpuissants en calcul.

Ordinateurs quantiques

« La première révolution quantique nous a donné les transistors, les semi-conducteurs, les ordinateurs et les lasers », explique Mohamed Bourennane, professeur d'informatique quantique à l'Université de Stockholm. « Mais la deuxième, fondée sur la superposition et l'intrication, va nous permettre à l'avenir d'avoir des ordinateurs quantiques, ou des inscriptions quantiques utiles pour l'imagerie ou les capteurs ».

Aspect, Clauser et Zeilinger, qui avaient déjà gagné ensemble le prestigieux prix Wolf en 2010, sont récompensés pour leurs « expériences avec des photons intriqués, établissant les violations des inégalités de Bell et ouvrant une voie pionnière vers l'informatique quantique », selon la motivation officielle du jury Nobel.

Dans une expérience restée célèbre, Alain Aspect était parvenu à intriquer pour la première fois deux photons à 12 mètres de distance, en 1981. Les travaux de Clauser remontent eux aux années 1960, tandis que Zeilinger a nourri le domaine à partir des années 90, selon l'institut Clarivate spécialisé dans la prédiction des Nobel scientifiques.

Le prix est doté de 10 millions de couronnes suédoises (environ 920 000 euros) dans chaque discipline, à partager en cas de colauréats. Une récompense pour la mécanique quantique était attendue depuis nombre d'années, avec les noms des vainqueurs du jour parmi les favoris en cas de sacre dans ce domaine.