Certains individus sont capables de retenir des dizaines, voire des centaines de mots en 15 minutes. Pour entraîner la mémoire à réaliser une telle performance, il existe plusieurs procédés. Notamment la « méthode des loci » ou « méthode des lieux », connue et utilisée depuis l’Antiquité. Une méthode qui s’avère efficace également à long terme, comme le révèle un article paru dans la revue Science Advances le 3 mars dernier.

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L’idée de ce moyen mnémotechnique est d’imaginer visuellement un chemin ou un lieu que l’on connaît bien, et d’y placer, au fur et à mesure, des images censées nous rappeler les éléments d’une liste que l’on doit mémoriser. Par exemple, une liste de tâches à faire ou une liste de courses. Il suffit ensuite de reparcourir mentalement ce cheminement – toujours dans le même ordre – pour retrouver les idées qui y ont été ancrées. Un moyen très performant pour booster la mémoire, mais dont l’efficacité n’avait été démontrée jusqu’à présent qu’à court terme.

Pour savoir si les effets de cette méthode perdurent à long terme, une équipe européenne de neuroscientifiques a étudié 50 participants non adeptes de cette gymnastique du cerveau, répartis en trois groupes : certains ont suivi un entraînement de six semaines à la méthode des loci, d’autres ont suivi un entraînement moins intensif, et les derniers n’ont suivi aucun entraînement. Le résultat est sans appel. Le groupe ayant suivi l’entraînement avec la méthode des loci avait non seulement une meilleure mémoire à court terme (62 mots restitués juste après la mémorisation, contre 41 et 36 mots dans les deux autres groupes), mais aussi et surtout à long terme par rapport aux deux autres groupes. Quatre mois après s’être entraînées, les personnes de ce groupe étaient en effet capables de se souvenir de 50 mots en moyenne, contre 30 et 27 mots dans les deux groupes moins ou non entraînés.

Des analyses IRM ont également été réalisées sur ce panel d’individus ainsi que sur une quinzaine d’« athlètes de la mémoire » pour mieux comprendre les effets de ce mode d’apprentissage sur le cerveau. Elles ont permis de constater une activité moins forte des zones du cerveau connues pour jouer un rôle dans l’apprentissage chez les champions de la mémoire et chez les participants non experts ayant reçu un entraînement à la méthode des loci. Ces individus montrent donc une plus grande facilité à enregistrer des informations. Cette faculté s’est accompagnée d’une amélioration des connexions entre l’hippocampe et le cortex – chez les personnes ayant reçu l’entraînement de six semaines –, une particularité qui témoigne d’une meilleure consolidation de la mémoire. Dit autrement, une meilleure mémoire à long terme. Un entraînement à la méthode des loci permet donc de fournir moins d’effort lors de l’apprentissage, et ce, à long terme.

« La méthode des loci fait des prouesses parce que nous pouvons utiliser des lieux ou des itinéraires connus qui servent “d’échafaudage”, de sorte que nous pouvons intégrer des informations nouvelles et sans rapport avec le lieu dans une “structure” que nous connaissons déjà. Elle permet de former des associations inhabituelles, nouvelles, voire bizarres, qui attirent l’attention. Cela peut également impliquer des émotions ou l’imagination d’une forte odeur. Les informations inhabituelles, nouvelles et émotionnelles sont généralement bien mémorisées par le cerveau. La combinaison de la connaissance préalable (la route des loci bien connue) et de la nouveauté (associations inhabituelles) est très puissante pour stimuler la mémoire ! » résume Isabelle Wagner, auteure principale de l’étude.