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Un kit d’analyse ADN à Washington le 19 décembre 2018 © AFP Eric BARADAT

Comme être petit ou grand, ou plus ou moins intelligent, aimer les hommes ou les femmes n’est pas défini par un seul gène, mais par de multiples régions du génome et, comme tout caractère humain complexe, par d’insaisissables facteurs non génétiques. C’est la conclusion d’une analyse réalisée sur un demi-million de profils ADN par un groupe de chercheurs en Europe et aux États-Unis, et dont la publication jeudi 29 août par la prestigieuse revue Science vise à enterrer l’idée née dans les années 1990 qu’il existe un « gène gay » aussi prévisible que ce qui existe pour la couleur des yeux.

« Il est de facto impossible de prédire l’orientation sexuelle d’une personne d’après son génome », explique Ben Neale, membre du Broad Institute d’Harvard et du MIT, l’une des nombreuses institutions dont sont issus les auteurs. L’orientation sexuelle a bien une composante génétique, disent les chercheurs, confirmant des études précédentes plus réduites, notamment sur des jumeaux. Mais cette composante dépend d’une myriade de gènes. « Il n’y a pas de gène gay unique, mais de nombreux petits effets génétiques répartis dans le génome », reprend Ben Neale.

A cela s’ajoute un facteur essentiel : l’environnement dans lequel une personne grandit et vit. Pour mieux expliquer, les chercheurs comparent à la taille : l’effet génétique est indiscutable, puisque votre taille est liée à celle de vos parents. Mais la génétique n’explique pas tout : votre nutrition pendant l’enfance aura un impact important. C’est ce que les scientifiques appellent l’environnement. Idem pour le risque cardiaque : des gènes créent des prédispositions, mais votre style de vie, comme votre alimentation, ont un rôle plus grand encore.

 Influence limitée

La nouvelle analyse statistique a permis de découvrir cinq positions précises sur nos chromosomes, appelées locus, qui apparaissent clairement liées à l’orientation sexuelle, bien qu’ayant chacune une influence « très petite ». Biologiquement, il se trouve qu’un marqueur est aussi associé à la perte de cheveux, ce qui suggère un lien avec la régulation des hormones sexuelles. Vraisemblablement, il existe des centaines ou des milliers d’autres marqueurs, que de futures analyses sur de plus grandes banques ADN pourraient un jour découvrir.

« C’est un comportement complexe où la génétique joue un rôle, mais probablement de façon minoritaire. L’effet de l’environnement existe, mais on n’arrive pas à le mesurer exactement », ajoute Fah Sathirapongsasuti, scientifique de 23andme.com, un site de tests ADN qui a contribué à l’étude avec des profils génétiques de clients (volontaires). Le gros de l’analyse a été fait sur des hommes et des femmes de la banque britannique UK Biobank, en majorité d’origine européenne, qui avaient répondu à la question : avez-vous déjà eu une relation sexuelle avec une personne du même sexe ?

Complexité

Les auteurs ont conscience de la délicatesse du sujet, et les deux chercheurs ci-dessus, désireux d’éviter toute mauvaise interprétation, sont allés jusqu’à consulter des associations LGBT sur la façon de communiquer leurs résultats, qu’ils ont résumés sur un site spécial, geneticsexbehavior.info (en anglais).

L’association américaine GLAAD a salué des travaux confirmant qu’« être gay ou lesbienne est une partie naturelle de la vie humaine ». Au début de la génétique, en 1993, une étude sur 40 familles avait cru identifier un lieu unique, le gène Xq28, définissant l’orientation sexuelle. La nouvelle analyse réfute ce modèle simpliste.

Un chiffre produit par cette étude est susceptible de créer la confusion. Les chercheurs estiment que « 8 à 25 % » des différences d’orientation sexuelle dans la population testée sont dues à des variations génétiques. Mais ce chiffre est un concept statistique concernant une population et ne signifie pas que 25 % de l’orientation d’une personne dépend de ses gènes.

Un autre résultat remet en cause l’idée que l’orientation sexuelle serait un continuum, selon l’échelle dite de Kinsey, du nom du biologiste américain qui l’a définie en 1948 : de 100 % homosexuel à 100 % hétérosexuel, en passant par bisexuel. « Supposer que plus on est attiré par quelqu’un du même sexe, moins on est attiré par l’autre sexe est une simplification excessive », affirment les chercheurs, après avoir comparé les marqueurs génétiques influant sur le nombre de partenaires de chaque sexe.