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Une dizaine de journalistes partis de « Science et Vie » lancent un nouveau magazine scientifique, « Epsiloon », fin juin © AFP/Archives Jacques Demarthon

Une revanche : partis de Science et Vie pour préserver leur indépendance éditoriale, une dizaine de journalistes lancent fin juin un nouveau mensuel scientifique, Epsiloon, avec l’ambition de dépoussiérer un genre indissociable de leur « vénérable ancien journal ». Porté par le groupe spécialisé dans la presse jeunesse, Unique Heritage Media (UHM), le projet a été dévoilé aujourd’hui.  

Fin mars, neuf journalistes travaillant pour Science et Vie, dont la quasi-totalité des rédacteurs titulaires, avaient officialisé leur démission en raison de désaccords avec le groupe Reworld Media, propriétaire du titre depuis l’été 2019. Ils déploraient notamment un manque d’effectifs et la perte de contrôle du site internet du magazine, confié à des « chargés de contenus » non journalistes accumulant les erreurs.

Tous ont décidé de se lancer dans l’aventure Epsiloon aux côtés d’Hervé Poirier, ancien directeur de la rédaction de Science et Vie parti l’automne dernier après 21 ans de maison, et Mathilde Fontez, l’ancienne rédactrice en chef adjointe qui l’a suivi en janvier. Au total, une quinzaine de journalistes – tous passés par Science et Vie –, dont huit permanents, y participent, a expliqué le tandem à l’AFP.

Astronomie, climat, technologie, archéologie… Epsiloon interrogera chaque mois « une centaine de scientifiques » et explorera « le monde à toutes les échelles, de l’infiniment petit à l’infiniment grand, du phénomène le plus élémentaire au plus complexe, du sujet le plus profond au plus léger », promet un communiqué de presse. D’où son nom, référence à la lettre grecque qui, en mathématiques, « désigne le tout petit » et « l’immensément grand », avec un double O, innovation orthographique permettant un logo sous la forme du symbole ∞, qui représente l’infini. Avec sa maquette « plus épurée » qui remet « les histoires au premier plan », Espiloon se veut aussi « plus moderne » et « dynamique », selon Mathilde Fontez. 

Parmi les sujets abordés dans le premier numéro, un « récit désopilant » sur « l’adolescence universelle », où l’on apprend que « les ados souris abusent de l’alcool » tandis que « les ados chimpanzés adorent sortir en bande », relate M. Poirier. Une rubrique « Pop science » fera la part belle aux révélations scientifiques amusantes, tandis que la section « Labyrinthe » expliquera par exemple « pourquoi on ne comprend rien à la 5 G ». « On va brasser beaucoup plus large que notre vénérable ancien journal », assure M. Poirier.

Vendu 4,90 euros, le premier numéro sera tiré à 100 000 exemplaires, a déclaré à l’AFP Emmanuel Mounier, le président et fondateur d’UHM (Le Journal de Mickey, National Geographic Kids…), polytechnicien et lecteur assidu de Science et Vie « depuis l’âge de 10 ans », séduit lors d’une rencontre avec Hervé Poirier en début d’année. 

Une campagne de pré-abonnements lancée lundi jusqu’au 10 juin sur la plateforme de financement participatif Ulule a généré plus de 3300 abonnements à la mi-journée. Un total de 25 000 abonnés permettrait à terme la rentabilité du titre, UHM ayant investi « un peu plus d’un million d’euros ». L’objectif est atteignable au regard des « plus de 300 000 abonnés » que comptent Science et Vie et Sciences et Avenir, souligne M. Mounier, qui prévoit des hors-séries, un site internet ou encore des podcasts l’année prochaine…

Ce lancement est soutenu par une flopée de personnalités, de l’astrophysicienne Françoise Combes au mathématicien Cédric Villani, en passant par le designer Philippe Starck, l’acteur Thierry Lhermitte et l’explorateur-médecin Jean-Louis Etienne. De nombreuses voix s’étaient élevées en fin d’année dernière pour défendre Science et Vie, une publication centenaire respectée du grand public comme des chercheurs, une pétition ayant notamment récolté près de 28 000 signatures. La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, avait quant à elle lancé une mission sur les aides à la presse qui devraient à l’avenir être conditionnées à la présence de journalistes dans les rédactions.

De son côté, Reworld a annoncé lundi la création de « son comité scientifique », un « fonds de réflexion » composé d’une dizaine d’ingénieurs, chercheurs, etc., dédié aux « grands défis technologiques et scientifiques », en parallèle d’une « série d’initiatives » comme un observatoire géant de la biodiversité en France, « Le Bioblitz Science et Vie », les 22 et 23 mai. Reste que pour l’heure, à Science et Vie, aucun des titulaires partis en mars n’a été remplacé, signale Mme Fontez.