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Une lionne dans la réserve de Rietspruit, le 1er décembre 2021 © AFP Wikus de Wet

Le port fier, cette jeune lionne en pleine fleur doit être stérilisée. Cela semble paradoxal pour une espèce classée vulnérable mais, dans cette réserve privée sud-africaine qui ne compte que trois mâles apparentés, il faut éviter les risques de consanguinité.

Les petites réserves contribuent activement à la sauvegarde de l’espèce sauvage. La population de lions a chuté de 43 % en deux décennies, à la limite d’être considérée en danger. Et sur 20 000 têtes recensées dans le monde, quelque 3500 sont en Afrique du Sud, dont 700 dans des réserves comme celle de Rietspruit, proche de l’immense parc Kruger. La gestion de cette richesse, pour éviter la surpopulation et des accouplements qui entraîneraient une dégénérescence, est une science compliquée qui se manie parfois au scalpel. 

Peter Rogers arme son fusil à fléchettes en direction de quatre jeunes femelles, élégamment éparpillées près de leur mère à l’ombre d’un arbre, le ventre gonflé par la viande d’un zèbre dévoré pendant la nuit.

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Le vétérinaire Peter Rogers, à l’avant du 4x4, se prépare à endormir une lionne de la réserve de Rietspruit le 1er décembre 2021 © AFP Wikus de Wet

Peter Rogers arme son fusil à fléchettes en direction de quatre jeunes femelles, élégamment éparpillées près de leur mère à l’ombre d’un arbre, le ventre gonflé par la viande d’un zèbre dévoré pendant la nuit.

Il vise sa cible et appuie sur la gâchette. Une seringue à bout rouge se plante dans son cou. La troupe, surprise, grogne et se disperse. « Elle est énorme ! », lâche le vétérinaire essoufflé, qui transporte la lionne repue, sous tranquillisant, dans le coffre du 4x4 avec son équipe. Elle pèse 140 kg. 

Direction la table d’opération. La voiture roule vite sur la piste et soulève des nuages de poussière rouge, sous le regard passif de girafes qui broutent la cime des arbres. À l’arrière, la lionne est étendue, les yeux bandés, sous perfusion.

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La chirurgienne vétérinaire Debbie English pratique une ablation des ovaires sur une jeune lionne, dans un clinique de Hoedspruit le 1er décembre 2021 © AFP Wikus de Wet

L’ablation des ovaires dure quatre heures, plus que d’habitude. Une chirurgie « invasive », compliquée par un estomac plein, reconnaît M. Rogers, spécialiste de la faune sauvage. 

La femelle se réveille, soudain prise de vomissements en raison de l’anesthésie. C’est une des quatre jeunes lionnes de la réserve. Leur mère est sous contraceptif. Une autre lionne plus âgée a déjà subi la même opération. 

En milieu sauvage ou dans les réserves étendues, la sélection naturelle ferait son œuvre et épargnerait ce genre de manipulations. Seuls les spécimens les plus forts survivraient aux guerres de territoire entre groupes de lions et à la rivalité avec d’autres prédateurs pour se nourrir. Quelques lionceaux se feraient dévorer pendant une minute d’inattention de leur mère.

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Des lions au repos dans la réserve de Rietspruit, le 1er décembre 2021 © AFP Wikus de Wet

Mais les neuf lions de Rietspruit n’ont pas de souci à se faire : les antilopes abondent dans le parc de 5500 hectares et il y a trop peu de hyènes, léopards ou guépards pour représenter une menace sérieuse. Sans contrôle de l’Homme, dans un cadre aussi serein, le fauve se multiplierait rapidement et dévorerait sans doute toute la réserve avant de s’attaquer aux élevages des fermes avoisinantes. 

Les trois seuls mâles sont d’inséparables frères qui se relaient volontiers auprès des femelles. Du coup, « le plus gros problème est la diversité génétique », explique à l’AFP le directeur de la réserve, Kevin Leo-Smith. Mais dans leur ensemble, « les petites réserves ont augmenté la population des lions de probablement 50 % sur les trente dernières années ». 

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Un jeune lion de la réserve de Rietspruit le 2 décembre 2021 © AFP Wikus de Wet

Le Forum de gestion des lions en Afrique du Sud (LiMF), monté en 2010, supervise les populations de 59 réserves. L’objectif est d’imiter le processus naturel en contrôlant la reproduction et en procédant à des échanges de mâles.

Cette gestion rigoureuse a permis de faire croître la population à un rythme durable de 2 % par an. Sans cela, « la population augmenterait de 22 % par an », estime le président du LiMF, Sam Ferreira. « Dit comme ça, ça semble formidable mais le problème est que nous n’avons pas l’espace pour ça en Afrique du Sud », poursuit-il.

Alors que les rois de la savane souffrent en Afrique de l’Est, et encore plus en Afrique de l’Ouest, ils prospèrent ici, avec des chiffres régulièrement en légère croissance. 

Dans quelques années, les mâles de Rietspruit seront remplacés par des lions plus jeunes. Et certaines femelles ne seront plus placées sous contraception.