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Terrasses de café à Paris le 26 octobre 2020 avant le couvre-feu © AFP/Archives Ludovic Marin

Aller dans les restaurants ou les bars augmente le risque d’attraper la Covid-19, et les repas en général jouent un rôle central dans les contaminations, selon une étude rendue publique jeudi, sur laquelle s’appuie le gouvernement pour justifier les fermetures mais que rejettent les professionnels du secteur. « On voit dans cette étude une augmentation du risque associée à la fréquentation des bars et restaurants », explique à l’AFP son auteur principal, Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’institut Pasteur et membre du Conseil scientifique qui guide le gouvernement.

Mais « il faut être prudent » dans l’interprétation de ces résultats « sur un sujet éminemment sensible », insiste-t-il. L’étude, baptisée ComCor, a été menée fin octobre/début novembre, pendant le couvre-feu puis le commencement du confinement, quand les établissements étaient partiellement voire complètement fermés.

Il est donc difficile de savoir « quelle est la part réelle des restaurants et des bars dans la transmission » du virus, puisque cette période ne correspondait pas à leur fonctionnement normal. Selon l’étude, le risque augmente même davantage pendant le confinement que pendant le couvre-feu, ce qui semble paradoxal puisque les établissements étaient alors censés être totalement fermés.

« Cela laisse entendre qu’il y a eu des bars et restaurants ouverts de façon clandestine pendant le confinement » et que les personnes qui s’y sont rendues, même moins nombreuses, « s’y sont beaucoup exposées », avance le Pr Fontanet.

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À la terrasse d’un restaurant à Paris, le 6 octobre 2020 © AFP/Archives Thomas Coex

Ces dernières semaines, les restaurateurs ont protesté contre les fermetures, en estimant qu’elles n’étaient pas justifiées scientifiquement. Le Premier ministre Jean Castex a rejeté ces accusations : « On dispose d’études internationales », a-t-il dit indiqué sur Europe 1, en assurant que pour le côté français, l’étude ComCor allait « confirmer » que la fermeture des restaurants et des bars était « nécessaire ». 

Une interprétation vigoureusement dénoncée par les professionnels vendredi, après la publication de ComCor. L’étude « vient dire ce que l’on veut lui faire dire, au moyen s’il le faut de déclarations purement scandaleuses et diffamatoires », se sont insurgés l’Umih, principale organisation patronale du secteur, le GNI (indépendants), le GNC (chaînes hôtelières) et le SNRTC (restauration commerciale) dans un communiqué commun. « Cette étude n’est pas sérieuse, on veut prouver sans preuves, c’est une insulte aux professionnels », a renchéri Didier Chenet, président du GNI, auprès de l’AFP.

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Manifestation des restaurateurs et hôteliers le 14 décembre 2020 à Paris pour protester contre la fermeture de leurs établissements © AFP/Archives Alain Jocard

Deux études américaines pointaient récemment le rôle des restaurants dans les contaminations. L’une a été publiée en septembre par les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) d’Atlanta, l’autre en novembre dans la revue médicale Nature. « Il y a un faisceau d’arguments », souligne le Pr Fontanet, en citant ces deux travaux, sa propre étude ainsi que « de nombreuses descriptions de transmission dans des restaurants » à travers le monde.

« L’ensemble montre que c’est un lieu à risques, en revanche, l’ampleur du risque doit être réévaluée dans des conditions d’ouverture beaucoup plus classiques » que celles de son étude, juge-t-il. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs de ComCor ont interrogé 3400 volontaires infectés par la Covid-19 et 1700 autres n’ayant pas été contaminés.

Le but : définir des facteurs de risques (profession, mode de déplacement, endroits visités…) en comparant infectés et non-infectés. C’est ainsi que les chercheurs ont déterminé que la fréquentation des restaurants, bars ou salles de sport était associée à une augmentation du risque, contrairement aux transports en commun ou aux commerces (alimentaire, habillement…).

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Une terrasse de café à Paris le 29 octobre 2020, quelques heures avant le début du deuxième confinement © AFP/Archives Thomas Coex

Outre le volet sur les facteurs de risques, l’étude ComCor comprend un volet sur les circonstances de contamination. Elle porte sur 25 600 personnes infectées tirées des fichiers de l’assurance-maladie (Cnam), interrogées par questionnaire. Elle montre que « les repas jouent un rôle central » dans les contaminations dont l’origine est connue, « que ce soit en milieu familial, amical ou à moindre degré professionnel », puisqu’on y est proche les uns des autres, et sans masque. « Les réunions privées – familles, amis – constituent la principale source d’infection, rappelle le Pr Fontanet. Si les gens organisent des dîners amicaux chez eux plutôt qu’aller au restaurant, ça ne change rien ».

44 % des personnes infectées savaient comment elles l’avaient été. En outre, un très grand nombre (97 %) s’est isolé, mais souvent trop tard, par exemple en attendant d’être testé. 

Là encore, il faut toutefois prendre en compte le fait que la période particulière de l’étude ComCor ne permet pas de tirer de conclusion définitive. Elle sera poursuivie ces prochains mois pour affiner les premiers résultats et en savoir plus sur la transmission du virus dans d’autres endroits, comme les lieux de culture. « Ce n’est pas un outil de censure pour dire “Attention, c’est chez vous que ça se passe”, mais au contraire un outil qui accompagnera les réouvertures pour voir si on détecte un sur-risque », conclut le Pr Fontanet.