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Une femme sur une digue face à la mer à Hisanohama, le 11 mars 2021, lors du 10e anniversaire du tsunami et de la catastrophe nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011 au Japon © AFP/Archives Charly Triballeau

Les tsunamis seraient mieux anticipés si l’on arrivait à évaluer en temps réel la puissance des séismes qui les provoquent : un algorithme d’intelligence artificielle, décrit mercredi dans une étude, pourrait relever ce défi et aider à limiter les dégâts. Le 11 mars 2011, l’un des plus violents tremblements de terre jamais enregistrés dans le monde secouait les profondeurs de l’océan Pacifique au large des côtes nord-est du Japon, entraînant un raz-de-marée qui a fait près de 18 500 morts et entraîné la catastrophe nucléaire de Fukushima. La magnitude du séisme était de 9 sur l’échelle de Richter, mais à l’instant de la secousse, les systèmes d’alerte ne l’avaient évaluée qu’à 8,1. Une sous-estimation de taille, mais presque inévitable lorsqu’il s’agit de méga-séismes.

« Les instruments actuels de mesure des ondes sismiques sont limités », souligne Quentin Bletery, co-auteur de l’étude parue dans la revue Nature. Ils sont trop lents, et au-delà d’un certain seuil — une magnitude de 8 — ils ont tendance à « saturer et faire une prédiction à maximum 8, quoiqu’il arrive », explique ce géophysicien à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). En 2017 furent découverts des signaux plus rapides que les ondes sismiques : les PEGS (« Prompt Elastro-Gravity Signals »), qui sont des perturbations de champ de gravité terrestre provoquées par les tremblements de terre et qui se déplacent à la vitesse de la lumière.

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Une digue rompue par les flots, le 8 mai 2011 à Kamaishi, dans la préfecture de Iwate au Japon, deux mois après le tsunami du 11 mars 2011 © AFP/Archives Toshifumi Kitamura

350 000 séismes virtuels 

Mais ces signaux sont trop ténus pour être exploités directement. Une équipe de chercheurs de l’IRD basée à l’Université Côte d’Azur a donc décidé d’élaborer un modèle d’apprentissage profond basé sur la modélisation de ces « PEGS ». L’algorithme d’intelligence artificielle (IA) a été entraîné à partir 350 000 scénarios de séismes virtuels le long des principales failles du Japon, en calculant tous les signaux gravitationnels prévus.

« Pour chaque séisme virtuel, nous avons entraîné l’IA, en lui donnant chaque fois la réponse, à trouver la magnitude et la localisation à partir des PEGS attendus », développe Quentin Bletery. Le modèle a ensuite été testé sur des données réelles, celles du séisme de mars 2011.

Résultat : il a prédit la bonne localisation et la bonne magnitude — à 0,3 point près — au bout de 50 secondes. Et donné la magnitude parfaitement exacte de 9 au bout de deux minutes seulement.

« En 2011, on a mis plusieurs heures pour l’évaluer exactement, bien après l’arrivée du tsunami. Or avec une estimation de 8,1, on s’attendait à des vagues de trois mètres maximum », se souvient le chercheur. Une taille qui n’aurait pas posé de problème aux digues érigées sur les côtes japonaises. « Mais un séisme à 9 provoque des vagues de plus de 15 mètres… Si on l’avait su avant, on aurait évacué encore davantage les populations », souligne-t-il. L’algorithme est actuellement en phase de test au Pérou, et a vocation à être intégré dans les systèmes d’alertes des régions du monde menacées par les tsunamis.