Une contraception masculine « à la demande »
Publié le - par Anaïs Poncet
Avaler une pilule et devenir, pour quelques heures, infertile ? C’est la possibilité que souhaite offrir aux hommes une équipe de pharmacologues du Weill Cornell Medicine (université Cornell), à New York, dont les travaux pourraient ainsi changer la donne en matière de contraception masculine. Car cette pilule constituerait une alternative aux 2 seules options accessibles à ce jour, à savoir le préservatif et la vasectomie.
La contraception masculine, on en entend parler depuis des années, mais rien n’est encore disponible sur le marché. La faute au peu de moyens alloués à cette recherche et à la faible tolérance des effets secondaires. Alors, quelle est cette nouvelle pilule miracle présentée dans la revue Nature Communications ce mardi 14 février 2023 ? Il s’agit d’un traitement capable d’agir très rapidement, 30 minutes à 1 heure après la prise, sans recours à des hormones et avec des effets réversibles en une journée à peine.
Petit détour par l’histoire. Il y a 20 ans, les docteurs pharmacologues américains L. Levin et J. Buck découvraient que l’adénylyl cyclase soluble (ou « sAC ») était nécessaire à la motilité et à la fécondation des spermatozoïdes. Ils imaginaient alors pouvoir cibler cette molécule pour créer un contraceptif masculin. Jusqu’à ce que les chercheurs découvrent que la sAC n’est pas seulement exprimée dans les testicules et les spermatozoïdes, mais aussi dans de nombreux autres organes : l’idée est donc abandonnée par crainte de possibles effets secondaires.
« Lorsque j’ai rejoint le laboratoire en 2017, nous développions des inhibiteurs de la sAC pour une maladie oculaire. Lorsqu’un étudiant a eu besoin d’aide pour les injections, j’ai observé les spermatozoïdes et constaté qu’ils devenaient immobiles après l’injection d’inhibiteurs de la sAC », explique Melanie Balbach, autrice principale de l’étude. La sAC étant le « commutateur » qui contrôle la motilité des spermatozoïdes, son inhibition empêche les spermatozoïdes de devenir mobiles. « Ceux-ci sont alors piégés dans la partie inférieure de l’appareil génital féminin et ne peuvent pas nager vers l’ovocyte, ce qui rend les souris mâles temporairement infertiles », explique Melanie Balbach.
Les expériences qu’elle a menées avec son équipe montrent qu’une dose unique de l’inhibiteur de sAC, par voie orale ou par injection, immobilise les spermatozoïdes de souris pendant deux heures et demie et que l’effet persiste dans l’appareil reproducteur féminin après l’accouplement. Puis, 3 à 24 heures après le traitement, les spermatozoïdes des nouveaux éjaculats retrouvent progressivement leur mobilité. « Ce qui nous a encouragés à opter pour une cette approche, réversible et à la demande, qui devrait réduire fortement les risques d’effets secondaires potentiels » précise Melanie Balbach. Un traitement qui, par ailleurs, n’altère en rien le comportement d’accouplement des souris.
Les chercheurs sont optimistes quant à son application chez l’homme. « La sAC remplit la même fonction dans le sperme de la souris et de l’homme » développe Melanie Balbach. « Des travaux récents nous ont appris que deux hommes infertiles en raison de la perte de la fonction sAC étaient par ailleurs en bonne santé et ne présentaient aucun effet secondaire. Nous disposons également de premières données montrant que l’injection d’inhibiteurs de la sAC bloque également la motilité des spermatozoïdes de lapin, ce qui constitue une étape importante vers les essais cliniques chez l’Homme ».
La prise de contraceptif n’aura alors jamais été aussi simple : avaler un comprimé avant un rapport sexuel, obtenir un effet immédiat sans attendre durant des mois que la contraception se mette en place, et être à nouveau fertile dans les heures qui suivent. Entendrons-nous bientôt, en pharmacie, « la pilule masculine, s’il vous plaît » ?