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Un papillon monarque (Danaus plexippus)

Du Canada au Mexique, le papillon monarque (Danaus plexippus) offre un spectacle saisissant. Tous les ans, entre août et octobre, ils sont quelques millions à parcourir près de 5 000 kilomètres pour se reproduire. Cet exploit, le lépidoptère aux ailes orange et noires le doit en grande partie à son alimentation à base d’asclépiade, une plante toxique capable de provoquer un arrêt cardiaque chez de nombreux animaux (dont les humains). Mais comment ce papillon migrateur s’en nourrit-il en toute impunité ?

C’est en transformant des drosophiles en « mouches monarques » qu’une équipe de l’université de Californie à Berkeley a réussi à percer l’énigme. Les chercheurs ont d’abord identifié trois mutations exprimées sur la pompe à sodium du papillon. Apparues à différentes étapes au cours de l’évolution, elles semblent bloquer efficacement l’action de la cardénolide, la toxine contenue dans l’asclépiade. Avec les ciseaux moléculaires Crispr-Cas9, les chercheurs ont ainsi décidé, pour la toute première fois, de les répliquer dans le génome de la drosophile.

Ils se sont aperçu qu’une mouche avec deux mutations –  la première et la dernière – possède une forte résistance à la cardénolide (1000 fois supérieure à celle d’une mouche normale). Mieux encore, elle conserve un niveau de toxicité dans son corps comparable à celui du papillon qui s’en sert pour éloigner les prédateurs. Pour autant, elle subit des épisodes récurrents de crises épileptiques. C’est seulement après l’ajout de la deuxième mutation – celle qui intervient à une étape intermédiaire dans l’évolution – que le trouble neurologique est esquivé. Les chercheurs en concluent que sans elle, les papillons monarques n’auraient probablement jamais survécu. L’ordre des mutations n’est donc pas le fruit d’un hasard, mais est un déterminant majeur dans la survie de l’espèce.