Image légendée
Nécropole romaine mise au jour à Narbonne, le 7 octobre 2019 © AFP Eric Cabanis

« À Festus, 10 ans, et Aquila, 8 ans, Iulia Protogenia à ses chéris » : près de 2000 ans après, la découverte à Narbonne, dans l’Aude, d’une nécropole romaine unique en France, fait surgir de terre, comme intacte, la douleur d’une mère romaine. 

Gravée sur une plaque de marbre, l’inscription funéraire fait partie des premières trouvailles faites par les archéologues sur ce site. Datant du 1er au 3e siècle, il est qualifié « d’exceptionnel » par Dominique Garcia, le directeur de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives). 

Tant par sa taille, près de 5000 m2 qui pourraient abriter jusqu’à un millier de sépultures, que par son état de conservation, grâce aux limons d’un bras de l’Aude qui le longe, et l’ont recouvert à son abandon. 

« Cela nous offre un site stratifié, sur une profondeur allant jusqu’à trois mètres », se réjouit Valérie Bel, la directrice des fouilles. Grâce à ce « mille-feuilles », qui la change des « fonds de tombes » qu’elle fouille habituellement, elle espère pouvoir reconstituer le déroulement des pratiques funéraires.

Selon Dominique Garcia, la nécropole offre du coup un « panorama » rare sur les rites, croyances, et manières d’être des Romains peuplant alors Narbo Martius, la première colonie romaine en Gaule, fondée en 118 av. JC. 

Image légendée
Une archéologue de l’Inrap effectue des fouilles dans une nécropole romaine mise au jour à Narbonne, le 7 octobre 2019 © AFP Eric Cabanis

Romanité

Dans un Haut-Empire florissant, la cité est au début de notre ère un centre majeur d'échanges, entre Méditerranée et Atlantique. Le mode de vie romain et ses règles s'y dessinent clairement, selon M. Garcia. 

Comme en témoignent les tombes, les usagers de la nécropole n'appartenaient pas à l'élite. Beaucoup étaient des affranchis, et des esclaves, selon les indications fournies par les épitaphes, relève Maxime Guillaume, de l'Inrap-Occitanie. 

Ils avaient toutefois accédé à un certain statut social, peut-être grâce au négoce, ce dont témoigne la fréquence d'amphores grecques dans les tombes.

Parmi les vestiges jusque là mis au jour, les plus rares sont une série de « conduits à libation », des tubes souvent constitués de fragments d’amphores, dont les vivants se servaient pour leurs offrandes au mort, nourriture, parfum, huile, voire petits objets. 

Image légendée
Une urne funéraire découverte lors des fouilles à Narbonne © AFP Eric Cabanis

Sur le site, l’un se dresse encore, planté directement dans une urne funéraire, un autre émerge de terre, signalant une tombe encore inviolée. Plus loin, des pierres noircies s’étalent devant une tombe, restes d’un foyer allumé, on dirait hier, pour un repas funéraire. 

Les tombes, dont une centaine ont jusque là été fouillées, sont groupées, parfois superposées, au sein d’enclos « de groupes familiaux ou de corps de métier », note la responsable de secteur, Marie Rochette. Le sol est jonché de coquillages, témoignant de rituels alimentaires. 

Cadeau pour le futur musée

Parfois surmontées de petits monuments, la plupart des fosses abritent des urnes funéraires, la crémation étant alors privilégiée, sauf pour les jeunes enfants qui étaient inhumés. 

Image légendée
Nécropole romaine mise au jour à Narbonne, le 7 octobre 2019 © AFP Eric Cabanis

Pour accompagner les morts, quelques vases en terre cuite, contenant sans doute de l’huile, un peu de nourriture, du parfum, parfois un ou deux flacons de verre, et des lampes à huile, « ce qui répond au rite dit d’inversion, marquant la séparation entre jour et nuit, vie et mort », explique Mme Bel. Quelques amulettes aussi parfois, comme un petit pendentif phallique en or. Un biberon en terre cuite a aussi été retrouvé. 

Le « quartier funéraire », comme préfèrent l’appeler les archéologues, pour rendre compte d’une organisation plus informelle que nos actuels cimetières, a été mis au jour grâce à des fouilles préventives pour la construction d’une résidence, à la périphérie de Narbonne. 

Au départ prévues pour durer quatre mois, les fouilles ont été prolongées jusqu’à la fin de l’été prochain pour un budget de six millions d’euros, à la mesure de l’intérêt du site. 

D’autant que, hasard ou « cadeau des Dieux », comme s’amuse un archéologue, il jouxte le futur musée que la région a décidé de consacrer à la Narbonnaise romaine. Les vestiges et informations qu’il livrera devraient en enrichir les collections, avant qu’il ne soit rendu aux promoteurs et recouvert.