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La pointe du nouveau coronavirus covid-2019 © Université du Texas à Austin/AFP Handout

La course mondiale pour trouver vaccins et traitements contre le coronavirus se poursuit, alors qu’un premier essai clinique est en cours aux États-Unis. « Cela va représenter beaucoup d’essais, car nous avons beaucoup d’options à explorer », juge Benjamin Neuman, virologue à l’université Texas A&M-Texarkana. Aucun vaccin très efficace contre un membre de la famille des coronavirus n’a encore été conçu pour les humains jusqu’à présent.

Voici un tour d’horizon des acteurs du secteur pharmaceutique qui prennent part à cette compétition vitale :

Moderna. Objectif : vaccin. Disponibilité potentielle : d’ici 12 à 18 mois

Le premier essai clinique pour tester un vaccin candidat contre le nouveau coronavirus a débuté lundi à Seattle, ont indiqué les autorités sanitaires américaines. Le vaccin se nomme mRNA-1273 et a été développé par des scientifiques des instituts nationaux de santé américains (NIH) et de l’entreprise de biotechnologies Moderna, basée à Cambridge dans l’Etat du Massachusetts.

Les participants devront encore passer par différentes phases afin de déterminer si le vaccin est efficace et sécurisé. Il fonctionne avec l’information génétique de la partie du virus qui s’attache aux cellules et les infecte, des pointes appelées protéines de spicule. Cette information est stockée dans une substance appelée « ARN messager » qui transporte le code génétique de l’ADN aux cellules.

Si tout se déroule comme prévu, il pourrait être commercialisé d’ici un an et demi, dans l’hypothèse où l’épidémie se prolongerait jusqu’à la prochaine saison grippale, selon M. Fauci.

Gilead Sciences. Objectif : traitement. Disponibilité potentielle : courant 2020

De tous les médicaments en lice pour combattre le Covid-19, le remdesivir de l’Américain Gilead pourrait être le premier à arriver sur le marché. L’antiviral a été développé contre d’autres virus comme Ebola — sans être efficace — et n’a encore été approuvé nulle part. Mais il a été prometteur dans le traitement de patients atteints du coronavirus en Chine, selon des médecins, et a été utilisé pour aider à soigner deux patients aux États-Unis et en France.

Gilead lance la dernière phase d’essais cliniques en Asie, connue sous le nom de « phase 3 ». « Il n’y a pour l’instant qu’un seul médicament dont nous pensons qu’il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c’est le remdesivir », a indiqué lors d’une conférence de presse Bruce Aylward, un responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il pourrait être disponible dans les prochains mois. 

Le remdesivir se modifie à l’intérieur du corps humain pour ressembler à l’un des quatre éléments constitutifs de l’ADN, les nucléotides. Lorsque les virus se répliquent, ils le font « rapidement et un peu négligemment », selon le virologue Benjamin Neuman. Le remdesivir pourrait être incorporé dans le virus lors d’une de ces réplications. L’antiviral ajouterait au virus des mutations non désirées qui le détruiraient. 

Regeneron. Objectif : traitement et vaccin. Disponibilité potentielle encore inconnue 

Regeneron a développé l’année dernière un médicament, administré par voie intraveineuse, un « anticorps monoclonal » qui a permis d’améliorer de manière significative le taux de survie de patients touchés par le virus Ebola. L’entreprise a génétiquement modifié des souris afin qu’elles aient un système immunitaire semblable à celui de l’Homme. Les souris ont ensuite été exposées à des virus, des formes atténuées de virus ou des protéines virales, pour qu’elles produisent des anticorps humains, explique Christos Kyratsous, vice-président de la recherche chez Regeneron.

Ces anticorps sont ensuite isolés et examinés afin que soient sélectionnés les plus efficaces, qui sont cultivés dans des laboratoires, purifiés puis administrés à des humains par intraveineuse. « Si tout se passe bien et ça devrait être le cas, nous devrions savoir quels sont les meilleurs anticorps dans les prochaines semaines ». Les essais cliniques pourraient commencer cet été.

Le médicament pourrait fonctionner à la fois comme traitement et vaccin — en l’administrant à des personnes avant qu’elles soient exposées — même si les effets ne seraient alors que temporaires, car les anticorps ne s’inscriront pas dans la mémoire du système immunitaire des individus.

Regeneron tente aussi de lutter contre l’inflammation des poumons qui se développe lors des formes sévères du nouveau coronavirus en utilisant un autre de ses médicaments, Kevzara, destiné à l’origine à traiter les inflammations dues à l’arthrite. Ce dernier traite ainsi un symptôme et non le virus en lui-même.

Sanofi. Objectif : vaccin. Disponibilité à déterminer

Le groupe pharmaceutique français Sanofi s’est associé au ministère américain de la santé pour développer un candidat vaccin, en utilisant une « technologie de recombinaison de l’ADN ». Elle consiste à combiner l’ADN du virus avec l’ADN d’un virus inoffensif afin de créer une nouvelle entité cellulaire à même de provoquer une réponse immunitaire. Les antigènes créés par cette opération peuvent ensuite être reproduits à grande échelle. Cette technologie est déjà à la base du vaccin de Sanofi contre la grippe.

Grâce à ses travaux de recherche sur le Sras, notamment son candidat vaccin qui a fait preuve d’une protection partielle sur des animaux, l’entreprise pense avoir « une longueur d’avance » dans la mise au point rapide d’un vaccin contre le Covid-19.

David Loew, vice-président exécutif et responsable de Sanofi Pasteur, a estimé pouvoir disposer d’un candidat vaccin « dans moins de six mois » et potentiellement entrer en essai clinique « dans environ un an à un an et demi ».

Inovio Pharmaceuticals. Objectif : vaccin. Disponibilité potentielle : livraisons d’urgence d’ici la fin de l’année ?

Inovio, société américaine de biotechnologies, travaille depuis sa création en 1983 sur des vaccins ADN, qui fonctionnent comme les autres vaccins à base d’ARN évoqués plus haut, mais plus en amont de la chaîne. L’ADN est comme un livre de référence dans une librairie, et l’ARN similaire à la photocopie d’une page de ce livre où se trouveraient les instructions pour effectuer une tâche. « Nous prévoyons de commencer les essais cliniques aux États-Unis en avril et ensuite rapidement en Chine et en Corée du Sud, où l’épidémie touche le plus de gens a déclaré dans un communiqué J. Joseph Kim, président d’Innovio. Nous avons l’intention de livrer un million de doses d’ici la fin de l’année grâce à nos ressources et nos capacités existantes ».

D’autres recherches se poursuivent. Comme Moderna, CureVac travaille avec l’université de Queensland sur un vaccin avec « ARN messager ». Un vaccin candidat serait prêt d’ici quelques mois.

Le mastodonte britannique GlaxoSmithKline (GSK) met à la disposition d’une biotech chinoise sa technologie de fabrication d’adjuvants pour les vaccins contre les épidémies. Un adjuvant est ajouté à certains vaccins pour augmenter la réponse immunitaire, afin de créer une immunité plus forte et plus durable que le vaccin seul contre les infections.

Aux États-Unis, l’entreprise pharmaceutique Johnson & Johnson testera certains de ses médicaments déjà existants pour traiter les symptômes des patients déjà infectés par le virus. L’entreprise travaille aussi au développement d’un vaccin avec une version désactivée du pathogène.

De son côté, l’entreprise californienne de biotechnologies Vir a isolé les anticorps de survivants du Sras pour déterminer s’ils pouvaient traiter le nouveau coronavirus. Son laboratoire a déjà développé des traitements contre Ebola et d’autres maladies.

La chloroquine — forme synthétique de la quinine, utilisée pour traiter la malaria — pourrait aussi permettre de lutter contre le virus. Mais la recherche sur le sujet doit se poursuivre.