Isabelle Bousquet - Publié le , mis à jour le
Que peut-on faire pour lutter contre le changement climatique, en atténuer ses effets ou s’y adapter ? Au plan international, en Europe et en France, se donne-t-on réellement les moyens de réduire les rejets de gaz à effet de serre ? Quelles solutions technologiques et industrielles sont-elles envisagées ? Y a-t-il des mécanismes de régulation financière à mettre en place, comme la très débattue « taxe carbone » ? Quelles formes doivent prendre les transitions énergétique et agricole évoquées partout dans le monde ? Comment ne pas pénaliser les pays du Sud en plein développement ? La liste est longue des questions à prendre en compte pour tenir l’objectif que se sont fixé en 2009 les gouvernements des pays participant, sous l’égide de l’Onu, au Sommet mondial sur le climat à Copenhague : limiter le réchauffement climatique lié aux activités humaines à 2 °C d’ici à 2100 (par rapport au niveau préindustriel). Pour cela, la 21e Conférence mondiale sur le climat (COP21) à Paris a conclu fin 2015 un accord universel de réduction des émissions de gaz à effet de serre destiné à prendre la suite du protocole de Kyoto, après 2020.
Objectif mondial : +2 °C
Pour tenir leur objectif de limiter le réchauffement à 2 °C d’ici à 2100, les États doivent s’engager dans des politiques climatiques fortes.
Contenir le réchauffement climatique sous les 2 °C d’ici la fin du siècle (par rapport au niveau pré-industriel) : tel est l’objectif que se sont fixé les gouvernements participant au Sommet mondial sur le climat à Copenhague en 2009. Pour tenir cet objectif, les projections des climatologues montrent qu’il ne faudrait pas ajouter plus de 1 000 gigatonnes* de dioxyde de carbone aux 2 000 Gt déjà émises dans l’atmosphère par les activités humaines depuis 1750 (dont la moitié depuis 1970). Or, au rythme actuel, ce seuil critique de CO2 sera atteint d’ici trente ans. L’objectif affiché par les États peut donc s’avérer rapidement hors de portée si rien n’est fait pour diminuer drastiquement (de 40 à 70 % d’ici à 2050) les émissions de gaz à effet de serre. Les solutions, qui existent dans tous les secteurs, doivent être soutenues par des politiques climatiques fortes. Or, le protocole de Kyoto n’implique d’objectifs contraignants que pour les pays développés et s’achève en 2020. L’enjeu de la COP21 (21e Conférence des Parties de la Convention climat de l’Onu) à Paris en 2015 était de conclure un accord universel et ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, destiné à prendre la suite du protocole de Kyoto. L’Union européenne (28 pays, émettrice de 9 % des GES mondiaux) a annoncé une diminution de ses émissions de GES de 40 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 avec, dans son mix énergétique, 27 % d’énergies renouvelables et 27 % d’économies d’énergie.
Mobilisation citoyenne
Le 29 novembre 2015, à la veille de l’ouverture officielle de la COP21, la Marche mondiale pour le climat a rassemblé près de 600 000 personnes dans le monde*. Le 8 septembre 2018, une nouvelle Marche pour le climat a compté 800 manifestations sur tous les continents.
L’Accord de Paris
Pour la première fois, un accord universel a été conclu sur le climat lors du Sommet mondial de Paris fin 2015.
Le 12 décembre 2015, lors de la 21e Conférence mondiale sur le climat (COP21) à Paris, 195 pays et l’Union européenne ont adopté à l’unanimité un accord mondial sur le climat, qui prendra la suite du Protocole de Kyoto en 2020. L’objectif de contenir le réchauffement sous les 2 °C d’ici à 2100 (par rapport à l’ère pré-industrielle) est inscrit dans le texte, et même de viser les 1,5 °C pour satisfaire la demande des pays les plus exposés au changement climatique. Pour remplir cet objectif, l’Accord stipule que les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) doivent atteindre leur pic le plus rapidement possible, sans précision chiffrée mais en annonçant pour la seconde moitié du siècle des émissions qui ne dépassent pas la capacité d’absorption de la planète. Seul bémol, à ce jour les engagements volontaires des états pour réduire leurs émissions de GES installent la planète sur une trajectoire d’élévation de la température globale de 3 °C. Des rendez-vous sont donc prévus tous les cinq ans pour réviser à la hausse les efforts consentis. Côté financement, l’Accord reconnaît qu’au moins 100 milliards de dollars par an devront être versés pour soutenir les pays les plus vulnérables. Si cet Accord fixe bien un cap pour les objectifs mondiaux sur le climat, reste à vérifier sa mise en œuvre concrète et rapide, notamment la bascule effective d’un monde centré sur les énergies fossiles vers un monde décarboné. Aujourd’hui, le principal motif d’inquiétude provient du revirement des États-Unis, suite à l’élection de Donald Trump.
Donner un prix au carbone
Afin de rendre les énergies renouvelables davantage compétitives, une solution serait de fixer un prix dissuasif au carbone.
Pour un grand nombre d’économistes, le moyen le plus efficace pour réduire d’une manière drastique les émissions de gaz à effet de serre (GES) est de fixer un prix au carbone. L’objectif est de faire payer à chaque émetteur de CO2 le coût des dommages associés à ses rejets. Actuellement, les prix du charbon, du pétrole et du gaz reflètent, outre l’état du marché, les raretés relatives de leurs réserves sous terre et les contraintes de leur stockage, transport et distribution. Mais ils n’intègrent pas leur impact sur l’atmosphère qui joue, via l’effet de serre, un rôle essentiel dans l’équilibre du climat. L’usage de l’atmosphère est gratuit, comme s’il s’agissait d’un réservoir infini pouvant accueillir tout le CO2 émis, ce qui n’est pas le cas. Pour limiter le réchauffement à 2 °C d’ici à 2100, il faudrait laisser sous terre 80 % des réserves de charbon, la moitié de celles de gaz et un tiers des réserves de pétrole*… Si l’on donne un prix au carbone à l’échelle planétaire, les énergies renouvelables deviendront davantage compétitives**. Les expériences menées jusqu’à présent (marché d’échanges des quotas d’émissions de GES, taxe carbone) n’ont pas été totalement concluantes, en particulier parce qu’elles étaient soumises au volontariat des États et qu’elles ne concernaient que les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie lourde (soit 40 % des GES). D’où la recommandation des économistes : pour que ce prix du carbone soit réellement un levier pour la transition énergétique, il doit être universel et dissuasif.
Enfouir le dioxyde de carbone
L’une des solutions pour réduire les émissions de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère est de le récupérer à la source, dans les fumées des usines polluantes, et de le stocker dans le sous-sol. Cette technologie – dont les principaux obstacles sont le coût et la faisabilité de la séquestration souterraine du CO2 – commence à se développer : le Canada (ici la centrale à charbon de Saskpower où est appliqué ce procédé) et les États-Unis concentrent neuf des treize installations opérationnelles dans le monde. Par ailleurs, certains experts appellent à de nouvelles pratiques agricoles afin d’utiliser la capacité naturelle des sols à séquestrer le CO2.
Transition énergétique made in France
La loi entérine une réduction de 75 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, qui passe notamment par un développement des énergies renouvelables.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte a été définitivement adopté le 22 juillet 2015. Avec des objectifs ambitieux en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), de baisse de la consommation d’énergie ou de développement des énergies renouvelables. La loi vise en effet une diminution des rejets de GES de 40 % en 2030 et de 75 % en 2050, par rapport au niveau de 1990 ; une réduction de moitié de la consommation énergétique finale d’ici à 2050 (en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030) et une baisse de la consommation primaire* d’énergie fossile de 30 % pour 2030. Une hausse de la taxe carbone a été également entérinée, avec un objectif de 100 euros la tonne en 2030, contre 14,5 euros aujourd’hui. La part du nucléaire dans la production d’électricité doit être réduite de 75 % à 50 % à l’horizon 2025** et celle des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie portée à 32 % en 2030, en développant notamment l’éolien, le photovoltaïque et la biomasse. Autres objectifs : disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments seront rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation », ou assimilé, à l’horizon 2050 ; et parvenir à l’autonomie énergétique dans les départements d’outre mer en 2030. Des investissements annoncés comme créateurs d’emplois et de croissance économique.
Quelle place pour le nucléaire ?
Développer le nucléaire pourrait être une option pour réduire les émissions de gaz à effet de serre mais de nombreux obstacles et risques freinent son déploiement.
Le secteur de l’énergie – de l’extraction de la ressource à la distribution finale de l’énergie en passant par le stockage et le transport – est celui qui, au niveau mondial, émet le plus de gaz à effet de serre (GES). Ses émissions se sont accrues de 3,1 % par an sur la période 2000-2010, contre 1,7 % par an sur la période 1990-2000. La grande majorité provient de la production d’électricité. Pour les réduire, une option pourrait être de développer l’électricité d’origine nucléaire, qui émet très peu de GES. Elle représentait 11 % de la production mondiale d’électricité en 2012, contre 17 % en 1993, en baisse donc ces dernières années. Plusieurs obstacles et risques freinent le déploiement de cette technologie : risques d’accidents dans les centrales nucléaires et problèmes de sécurité associés (cf Fukushima, 11 mars 2011), gestion des déchets, coût financier (notamment de la sûreté), risque de prolifération de l’arme nucléaire, sécurité d’approvisionnement des mines d’uranium, acceptabilité sociale… D’autres options existent pour réduire les émissions de GES du secteur de l’énergie : amélioration de l’efficacité énergétique des centrales à combustibles fossiles, remplacement du charbon par du gaz, développement des énergies renouvelables, captage et stockage du CO2, réduction des consommations finales d’énergie par la sobriété et l’efficacité énergétiques… Si les scientifiques délimitent le champ des possibles, les choix en matière énergétique, par leur retentissement sur les finances des États et leurs conséquences sur le mode de développement, sont éminemment stratégiques et donc du ressort du politique.
L’exception française… jusqu’à quand ?
Le parc nucléaire français, le deuxième plus important au monde après celui des États-Unis, arrive à un tournant : près de la moitié des 58 réacteurs nucléaires que comptent les 19 centrales (ici, celle de Cattenom) auront atteint la limite d’âge (40 ans) entre 2019 et 2025. Ils devront être démantelés ou, si l’Autorité de sûreté nucléaire autorise leur prolongation, remplacés par des réacteurs de nouvelle génération (type EPR, le réacteur pressurisé européen de Flamanville). Dans tous les cas, la facture est importante, qu’il s’agisse de la mise aux normes de sécurité exigées pour les nouveaux réacteurs, de la gestion des déchets radioactifs ou du démantèlement des centrales.
Vers un monde plus sobre ?
Par l’efficacité et la sobriété énergétiques, on pourrait réduire considérablement la consommation mondiale d’énergie et les rejets de gaz à effet de serre.
Toujours plus nombreux, les Terriens vont devoir relever simultanément deux défis majeurs : apprendre à maîtriser leur consommation, en particulier d’énergie, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES), tout en permettant aux pays pauvres et aux pays émergents d’accéder à un développement correspondant aux besoins de leur population. Pour rendre conciliables tous ces paramètres, une grande marge de manœuvre se trouve dans les politiques de sobriété et d’efficacité énergétiques associées au développement des énergies renouvelables. Dans tous les secteurs, des solutions moins énergivores existent : meilleure isolation des bâtiments (rénovation thermique), constructions bioclimatiques, développement des transports en commun, valorisation des déchets organiques (biogaz) pour se chauffer ou produire de l’électricité, cogénération (production conjointe de chaleur et d’électricité), moteurs électriques plus performants, circuits courts (privilégier les produits régionaux)… Il serait ainsi possible de réduire considérablement la consommation d’énergie dans les pays industrialisés et de remplacer progressivement les combustibles fossiles par des sources renouvelables. Dans ce nouveau contexte, si l’État conserve un rôle majeur, les usagers, architectes, urbanistes, constructeurs, entreprises, agriculteurs, collectivités locales et territoriales auront aussi un rôle déterminant. Reste à changer bon nombre d’habitudes et à se donner les moyens de permettre l’éclosion de cette nouvelle civilisation énergétique.
Vers un habitat moins énergivore
Pour réduire la consommation d’énergie du secteur du bâtiment, qui représente en France 42 % de l’énergie consommée, deux approches peuvent être développées : la rénovation thermique des bâtiments existants (la France s’est fixé comme objectif la rénovation énergétique de 500 000 logements par an à compter de 2017), et la construction de nouveaux habitats dits à énergie positive (ici, le projet de siège social du Groupe JF Cesbron à Saint Sylvain d’Anjou). Ceux-ci produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment pour leur fonctionnement, grâce notamment à des panneaux solaires photovoltaïques en toiture, une isolation thermique renforcée et une consommation d’énergie limitée pour les appareils ménagers.
Méga solaire en Inde
L’Inde multiplie les parcs solaires. Ici, celui de Muradwala, en construction dans le nord du pays et issu d’un partenariat franco-indien. Par ailleurs, la plus grande centrale solaire du monde est entrée en service en 2016 à Rewa dans l’État du Madhya Pradesh. Elle est dotée d’une capacité de 750 mégawatts et occupe une superficie de 1 500 hectares. Un record qui devrait être battu par une nouvelle centrale solaire indienne dont la capacité sera de 4 000 mégawatts et qui sera construite dans l’État du Rajastan. L’Inde, dont un quart de la population n’a pas encore accès à l’électricité, bientôt leader mondial de l’énergie solaire ?
Vivre avec le risque climatique
La lutte contre le changement climatique passe par des stratégies d’adaptation, en particulier dans les pays les plus pauvres.
Les impacts du réchauffement se font déjà sentir dans certaines régions du monde et, quelles que soient les politiques climatiques adoptées, il y aura inéluctablement une poursuite de la hausse du thermomètre mondial durant les prochaines décennies. Il est donc urgent, selon le Giec, de s’adapter au changement climatique. Cela passe, par exemple, par la construction d’ouvrages de protection (digues, abris anticycloniques…) ou l’évacuation des zones à risque, une gestion améliorée des ressources en eau pour la prévention du risque de sécheresse, une diversification des espèces cultivées, des assurances agricoles contre les aléas climatiques… Ces stratégies d’adaptation ont un coût que ne peuvent assumer les pays les plus pauvres, qui sont aussi les plus vulnérables au changement climatique. En 2009, les négociations internationales ont décidé de la mise en place d’un Fonds vert pour le climat qui serait abondé par les pays riches pour aider les pays en développement à lutter contre le réchauffement climatique, que ce soit par l’adaptation ou l’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre). L’Accord de Paris a confirmé un financement à hauteur d’au moins 100 milliards de dollars par an. Pour les experts du Giec, l’adaptation est indispensable mais elle doit s’ajouter à l’atténuation qui, elle seule, permettra de contenir le réchauffement de la planète. Au 21e siècle, les risques liés au dérèglement climatique dépendront donc des efforts d’adaptation et d’atténuation consentis par nos sociétés.
Le droit au développement pour tous
La population mondiale a plus que doublé depuis 1960, passant de 3 à 7,3 milliards d’habitants aujourd’hui. Elle devrait atteindre 9 milliards en 2050. Cette explosion démographique s’accompagne d’une urbanisation croissante (ici, la ville de Lagos au Nigeria) et d’une hausse des besoins énergétiques et alimentaires. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il faudra augmenter la production alimentaire de 70 % au cours des 35 prochaines années. De nouveaux modèles agricoles vont devoir être envisagés si l’on veut satisfaire ces besoins tout en limitant les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture.
S’adapter à la mer qui monte…
Des villes ou des îles flottantes pouvant accueillir des dizaines de milliers de personnes sont actuellement imaginées par des cabinets d’architectes (ici, le projet d’île flottante Lilypad de l’architecte belge Vincent Callebaut). Objectif : s’adapter à la hausse du niveau des mers. Des constructions sur l’eau sont déjà testées aux Pays-Bas (pavillon flottant dans le port de Rotterdam). Des projets de villages amarrés et d’îlots de plaisance flottants sont à l’étude pour des régions très vulnérables comme les Maldives.