Le dérèglement climatique : quelles actions mener ?
À travers 8 films, 21 experts répondent à de grandes questions à enjeux scientifiques, énergétiques, socioéconomiques et politiques. Leurs points de vue nous interpellent aux plans individuel et collectif, dans notre quotidien mais aussi en tant que citoyens du monde.
Réalisation : Alain Labouze
Production : Universcience
Année de production : 2015
Durée : 8min17
Accessibilité : sous-titres anglais, sous-titres français
Le dérèglement climatique : quelles actions mener ?
QUELLES ACTIONS ?
Achim STEINER
Nicolas HULOT
Jean-Louis ETIENNE
Jean JOUZEL X 2
Alix MAZOUNIE
Cécile GUIVARCH
Christian de PERTHUIS
Ronan DANTEC
1 - Ronan DANTEC,
Porte-parole Climat de l'Organisation mondiale des villes,
cités et gouvernements locaux - sénateur de Loire-Atlantique
Je crois qu’il faut avoir une idée assez simple des émissions de gaz à effet de serre. Elles concernent à 50 % les grandes productions – comment produire notre énergie, comment produire les produits de consommation, ce que l’on mange – et à 50 % la vie quotidienne des gens : comment je me déplace, comment je me chauffe, quels appareils est-ce que j’utilise dans mon quotidien. La vie quotidienne des gens, c’est le travail des élus locaux. Ce sont les élus locaux qui ont le plus d’influence sur le changement de la vie quotidienne des gens. L’offre de transports publics qu’ils proposent aux habitants, la manière dont ils construisent la ville, la planification urbaine – si la ville est dense, si la ville est bien articulée sur son offre de transports publics, on va émettre moins de gaz à effet de serre que si la ville est très étendue et qu’il n’y a pas de transports publics.
2 - Jean-Louis ETIENNE
L’objectif numéro 1, c’est de limiter les émissions de gaz carbonique. Autrement dit, limiter la consommation de charbon, de pétrole, et de gaz, dans une moindre mesure. On ne pourra pas changer les choses d’un coup. 100 % de la machine économique mondiale repose sur le transport. Le moindre maraîcher au bout de la ville amène ses salades avec sa mobylette. Tout repose sur le transport. Et plus de 95 % du transport reposent sur le pétrole. Depuis qu’on parle, il y a des avions qui décollent, il y a des voitures qui circulent dans le monde entier. On ne va donc pas changer les choses du jour au lendemain. C’est impossible. Essayons par contre d’infléchir là où on peut le faire.
Jean-Louis ETIENNE bis
Quelle énergie peut supplanter en quantité et en instantanéité les énergies fossiles ?
3 - Achim STEINER,
Directeur exécutif du PNUE
(Programme des Nations Unies pour l'Environnement)
Il y a presque 470 centrales nucléaires dans le monde. Les fermetures de centrales nucléaires sont supérieures aux nouvelles constructions, ce qui prouve que nous vivons dans un monde qui va, je crois, quitter l’énergie nucléaire. Pas à court terme, des pays comme la Chine ou l’Inde ou le Royaume-Uni sont des pays pour qui l’énergie nucléaire est toujours une option très réaliste. Mais il y a d’autres pays comme l’Allemagne et la Suisse et beaucoup d’autres pays qui ont choisi une autre voie. La stratégie énergétique de chaque pays, mais aussi au niveau mondial, doit prendre en compte les ressources qui sont garanties pour l’avenir. Un système énergétique qui est basé sur une ressource naturelle qui est disponible aujourd’hui, mais qui ne sera peut-être plus disponible demain ? C’est pour cela que je crois que les énergies renouvelables sont la plus grande opportunité de cette transformation vers une économie verte. Cela aura des effets bénéfiques sur l’économie, sur le monde, mais aussi sur la sécurité énergétique. C’est un thème très central aujourd’hui, dans beaucoup de régions du monde.
4 - Jean JOUZEL
Les énergies renouvelables ont le potentiel de couvrir 50 % de notre production d’énergie à horizon 2050, et quand on parle de production d’énergie, c’est aussi bien l’électricité, la chaleur, la mobilité. Elles ont ce potentiel, mais il y a aussi certains verrous comme le problème du stockage de l’énergie…
Le coût des énergies renouvelables est également un frein, mais il est en train de diminuer. Pour le nucléaire, c’est souvent un problème d’acceptation, et quand on regarde à l’échelle globale, c’est vraiment un développement massif des économies d’énergie, et du renouvelable qui sera à la clef de cette transition énergétique. Il y a aussi des verrous technologiques comme le piégeage et le stockage du gaz carbonique, c’est-à-dire utiliser des combustibles fossiles mais sans émettre de gaz carbonique, c’est-à-dire en le piégeant à la sortie d’une centrale, et en le stockant par exemple dans le sous-sol.
5 - Alix MAZOUNIE,
Chargée des politiques internationales,
Réseau Action Climat-France
Il nous faut un tryptique si on veut effectivement sortir du modèle énergétique actuel et entamer une transition vers un autre modèle énergétique. On ne privilégie pas les énergies renouvelables dans l’idée de les développer de manière exponentielle, en même temps qu’on développerait notre consommation énergétique. Au contraire, il faut développer les énergies renouvelables et en parallèle développer l’efficacité énergétique pour que l’on consomme moins, et enfin trouver de la sobriété dans notre manière de vivre, ce qui réduirait nos besoins en énergie. C’est le troisième volet du tryptique.
6 - Cécile GUIVARCH
Pour donner une incitation à réduire les émissions de gaz à effet de serre, en bon économiste, je vais vous dire qu’il faut mettre un prix sur ces émissions. Aujourd’hui, il y a, dans quelques pays, des prix sur les émissions de gaz à effet de serre. Il y a une taxe carbone à un niveau relativement élevé par exemple en Suède.
Il y a au contraire des subventions à utiliser de l’énergie fossile, et le montant de ces subventions à l’échelle mondiale est de 500 milliards de dollars ! C’est un peu plus que 0,7% du PIB mondial. Donc évidemment, si vous subventionnez l’utilisation des énergies fossiles, vous faites l’inverse de ce qu’il faut faire pour inciter les gens à en utiliser moins et à faire de la recherche pour avoir des technologies qui permettent d’en utiliser moins, et caetera…
7 - Nicolas HULOT,
Envoyé spécial du président de la République
pour la protection de la planète
Si on veut entrer de plein pied dans une économie bas carbone, il faut donner un signal « prix », avec une évolution constante du prix du carbone, pour orienter les investissements, et rendre les investissements bas carbone à très court terme rentables, pertinents et nécessaires. Simultanément, il faut dissuader toute une économie qui était basée et qui est encore basée sur l’utilisation des énergies fossiles. Il faut que la recette de cette taxe carbone soit bien affectée pour doper la transition énergétique, c’est à dire multiplier à une échelle colossale le développement des énergies renouvelables, multiplier tous les process qui permettent simultanément de réduire notre consommation énergétique, ce qu’on appelle l’efficacité énergétique, et doper la recherche, notamment pour accélérer la recherche sur le stockage des énergies intermittentes, qui est un point de faiblesse de ce dispositif.
8 - Christian de PERTHUIS
Aujourd’hui, vous voyez bien qu’il y a des tas d’autres façons de produire de l’énergie : les énergies renouvelables, les éoliens, les panneaux photovoltaïques, demain aussi l’énergie marine… Ces procédés de fabrication ont du mal à rentrer massivement dans le système énergétique. Pourquoi ? Parce que c’est plus rentable aujourd’hui de brûler du gaz, du pétrole ou du charbon. Si vous tarifez correctement les énergies en mettant le coût du changement climatique dans le prix de l’énergie, vous aurez immédiatement une rentabilité très importante de ces énergies renouvelables.
9 - Jean JOUZEL
La difficulté, c’est la prise de décision, rediriger complètement nos investissements, ce n’est pas facile dans notre monde ni d’un point de vue des politiques ni du point de vue des industriels non plus, c’est vrai que dire aux secteurs fossiles qu’il faut abandonner rapidement l’utilisation du charbon, du pétrole, du gaz naturel, des gaz non-conventionnels, c’est un discours qu’ils ont des difficultés à entendre, on le comprend également, mais c’est pourtant bien ce discours qui résulte des conclusions du rapport du GIEC : nous ne pouvons pas continuer sur une société construite autour d’une utilisation massive de combustibles fossiles.
Réalisation : Alain Labouze
Production : Universcience
Année de production : 2015
Durée : 8min17
Accessibilité : sous-titres anglais, sous-titres français