Narratrice.
-Comment grandissent les os ?
Comment se réparent-ils après une fracture ?
Jusqu'au début du XVIIIe siècle, on imagine un liquide osseux capable de faire croître l'os ou de le restaurer par durcissement.
La théorie des humeurs, énoncée par le médecin Galien au IIe siècle après Jésus-Christ, fait loi.
1736 : Henri-Louis Duhamel du Monceau est un touche-à-tout, dans l'esprit des Lumières, connu pour ses travaux en botanique et en agronomie.
Il lit un jour l'article d'un chirurgien anglais.
Celui-ci raconte que, lors d'un dîner chez un teinturier, les os du porc qu'on lui a servis étaient rouges.
Le chirurgien enquête.
L'animal avait mangé de la garance, une plante employée en teinturerie.
Duhamel conclut de sa lecture...
Narrateur.
-Il me semble que cela pourrait conduire un habile anatomiste à faire des découvertes très utiles sur la nature et la formation des os.
Narratrice.
-Cet intérêt pour la croissance des os ne lui est pas tombé du ciel.
Il a étudié la croissance des arbres et en a conclu que l'arbre croît en épaisseur, non de l'intérieur mais au niveau de l'écorce.
Et les os ? Grossissent-ils par le centre ou par le périoste, la couche extérieure de l'os ?
Pendant plusieurs semaines, Duhamel nourrit trois cochons alternativement avec de la nourriture ordinaire et de la nourriture enrichie de garance.
Les cochons sont ensuite abattus et leurs os découpés en tranches.
La garance a joué son rôle.
Chaque fois que l'animal en a mangé, un cercle rouge s'est formé.
Où ? Sur la surface extérieure et non à l'intérieur.
Le périoste est donc bien à l'origine du grossissement des os.
Duhamel fait d'autres expériences avec de jeunes agneaux pour cobayes.
Pour étudier la croissance en longueur, il plante des clous dans leurs os et observe des squelettes de fœtus.
Ses observations et conclusions sont publiées par l'Académie des sciences.
Peine perdue, ses observations n'intéressent pas vraiment.
Un siècle plus tard, en 1847, le médecin et membre de l'Académie des sciences Pierre Flourens reprend et diffuse les expériences de Duhamel du Monceau.
Elles sont saluées pour leur intérêt scientifique.
L'étude des mécanismes du corps, la physiologie, est devenue, entre-temps, une science à part entière.