Ils ont 14 ou 15 ans et pratiquent la course à pied, la natation et le cyclisme 10 heures par semaine. Quels sont les effets d'une telle pratique sur des organismes en pleine croissance ? Une équipe française emmenée par un spécialiste du sport chez l'enfant, Sébastien Ratel, mène une vaste étude. Le but de la recherche est de comprendre les effets de l'entraînement chez des jeunes triathlètes de 14-15 ans sur les réponses physiologiques, au niveau cardiaque, neuromusculaire pour optimiser l'entraînement des jeunes. Jusqu'alors, les études ont été courtes. Les suivis durent quelques semaines. Notre protocole est long, il dure 10 mois. On fait des mesures avant, pendant et après le suivi. Pour mesurer les effets de l'entraînement, l'équipe a suivi 40 jeunes répartis en deux groupes. Des jeunes sédentaires et des sportifs confirmés. Parmi eux, le lycéen Louis Roussel s'entraîne tous les jours de la semaine avec un jour de repos quand il n'y a pas de compétition. En première, il intégrera une classe à horaires aménagés pour s'entraîner au CREPS, Centre de Ressources, d'Expertise et de Performance Sportive de Vichy. Mais aujourd'hui, il est au CREPS pour subir une batterie de tests sous l'œil attentif des chercheurs. J'ai des objectifs en course à pied : passer le 1 000 m en-dessous de 2'55, ou des objectifs en vélo : faire 40 km à plus de 30 de moyenne. Je suis pas sportif professionnel mais je m'entraîne pour le devenir. L'échographie cardiaque permet d'observer l'évolution de la morphologie du cœur entre le début et la fin de la saison. On peut attendre une augmentation du muscle cardiaque. On peut aussi imaginer qu'à certaines périodes, ça augmente plus. L'entraînement intense est-il un facteur qui implique un grossissement du cœur plus important ? Les conséquences d'une pratique intense sur les adolescents sont mal connues. La fédération française de triathlon a donc sollicité l'équipe de chercheurs. On a choisi d'étudier les minimes. C'est la catégorie 13-14 ans où ils passent le pic de puberté. On a les pré-pubères, les post-pubères et ceux qui sont dans le pic où le corps subit des transformations hormonales, physiologiques et au niveau de la croissance. On espère que l'entraînement est bénéfique et on aimerait le quantifier pour voir si c'est que l'entraînement ou si c'est parce que le jeune grandit qu'il devient "meilleur". Les chercheurs étudient aussi l'évolution musculaire de Louis et des autres jeunes, notamment celle des muscles de la cuisse. Quadriceps à l'avant, ischio-jambiers à l'arrière. Il y a deux lignes blanches ici, ce sont les enveloppes musculaires qui entourent le muscle. Les paramètres architecturaux, ce sont toutes les fibres ici. On quantifie la longueur au niveau du muscle et leur orientation par rapport à cette enveloppe. On veut voir l'angle par rapport au muscle.Ça nous renseigne sur la capacité de production de force du muscle. Mesurer la force revient à mesurer deux phénomènes physiologiques. La capacité purement physique, soit la contraction des fibres musculaires, mais aussi la composante nerveuse, soit la capacité du cerveau à envoyer des signaux électriques suffisants pour recruter des fibres musculaires. Allez. Trois, deux, un... allez, on tire, on tire ! Allez, allez... et tu relâches. L'équipe utilise la stimulation magnétique qui surimpose son action à celle du cerveau. Allez, on tire... et tu relâches. Si on obtient un gain de force, c'est que le cerveau seul est incapable de recruter le maximum de fibres. C'est le cas pour Louis comme pour de nombreux sportifs. Cette différence traduit un déficit nerveux que l'entraînement permet de combler. Le but de l'entraînement est de réduire ce déficit nerveux et de permettre au cerveau, au système nerveux central de mobiliser quasiment la totalité des fibres. La journée se poursuit par un test d'effort sous les yeux de l'équipe médicale. C'est dans ce domaine que le contraste entre les jeunes sportifs et le groupe témoin est le plus frappant. Les premiers sont capables de dégager une puissance de 380 watts alors que les jeunes non entraînés dépassent rarement 200 watts. Allez, Louis, t'es à la moitié. Pour Louis, la journée a été éprouvante. Mais il en est heureux. Ça s'est très bien passé. J'ai amélioré mes performances depuis la dernière fois. J'ai plus d'endurance que de force, mais comme je n'ai pas fini ma croissance et ce qui va avec, je ne peux pas encore me comparer à mon meilleur niveau. Pour l'instant, je m'améliore. Avant de quantifier les modifications induites par un entraînement intense de plusieurs mois, les chercheurs éplucheront les résultats. Mais d'ores et déjà, ils avouent avoir eu quelques surprises, en comparant les deux groupes de jeunes entraînés et non-entraînés. Pour moi, c'est intéressant de comparer ces deux populations. On réalise qu'au niveau cardiovasculaire, sur la capacité du système cardiaque à utiliser l'oxygène et à créer une puissance sur un vélo, il y a d'énormes différences. ,Si on va dans la salle d'à côté regarder les évaluations neuromusculaires, il n'y a pas de différence. On voit les différences au niveau cardiaque mais pas au niveau musculaire. C'est donc intéressant de chercher à comprendre pourquoi il y a autant de différences sur un organe et pas du tout sur l'autre. On parle de jeunes qui pratiquent l'endurance. La force n'est pas le plus important. Mais ce serait intéressant pour ces jeunes de s'entraîner plus physiquement, de faire de la préparation physique, du renforcement musculaire, voire de la musculation pour après avoir renforcé le cœur, renforcer le muscle. Les deux sont liés. Pour passer un cap, il faudrait un entraînement plus complet. Intégrer le renforcement musculaire plus tôt dans le programme des jeunes athlètes, c'est une première piste. Mais il y a fort à parier que la Fédération Française de Triathlon pourra enrichir les recommandations données à ses entraîneurs. C'est l'issue logique et bienvenue de ces partenariats fructueux entre le monde de la recherche et du sport de haut niveau.