Narratrice.
-D'où vient l'énergie des muscles ?
Quels éléments brûlent-ils lorsqu'ils travaillent ?
Au début du XIXe siècle, c'est encore une énigme.
1842, Justus von Liebig n'a pas encore inventé son célèbre extrait de viande et autres soupes lyophilisées.
Il est alors le maître incontesté de la chimie allemande.
Il publie "La Chimie animale", où il donne une description complète des réactions chimiques dans les organismes vivants.
Il y affirme que les muscles consomment des protéines.
L'affirmation semble solidement étayée.
Pourtant, vingt ans plus tard, deux de ses anciens élèves, le physiologiste Adolf Fick et son ami Johannes Wislicenus, décident de vérifier cette affirmation.
Les deux hommes se prennent eux-mêmes comme cobayes et partent ensemble en randonnée.
Ils décident d'escalader une montagne, et choisissent le Faulhorn, en Suisse, au sommet duquel vient d'ouvrir un des premiers hôtels d'altitude.
La veille de l'expérience, pour ne pas fausser les résultats, ils ne mangent que des gâteaux, ne boivent que du thé ou du vin, rien qui ne contienne des protéines.
Ils partent de bon matin.
L'ascension est longue, six heures, et il y a presque 2 000 mètres de dénivelé à grimper.
La promenade n'est pas de tout repos.
En chemin, ils collectent leurs urines jusqu'à six heures après leur arrivée au sommet.
Ils dosent alors la quantité totale d'azote dans leurs urines, environ 6 grammes, ce qui correspond à moins de 40 grammes de protéines brûlés.
C'est un apport énergétique insuffisant pour cette ascension.
Ils auraient dû en brûler deux fois plus.
L'hypothèse de Liebig est donc fausse.
L'énergie musculaire vient d'ailleurs.
Elle ne peut pas être produite par la seule consommation de protéines.
C'est le glucose, produit par le foie, et non les protéines, qui apporte l'énergie nécessaire au fonctionnement des muscles.
Au XXe siècle, la recherche médicale explicitera la chimie complexe en œuvre dans les muscles.