Antibio-résistance
Un épisode de la série "Grandes tueuses"
Réalisation : Gérard Lafont
Production : Etat d'Urgence Production, MSF, Inserm, DNDi, Institut Pasteur, Fondation Mérieux, CANOPE, Universcience
Année de production : 2015
Accessibilité : sous-titres français
Antibio-résistance
ANTIBIORESISTANCES
1. L'Histoire
“Ce ne sont pas les espèces les plus fortes et les plus intelligentes qui survivent, mais celles qui s’adaptent aux changements.” La théorie de Darwin est parfaitement illustrée par un des grands problèmes de santé publique du siècle: la résistance des bactéries aux antibiotiques.
Antibiotiques qui furent la grande révolution médicale du XXème siècle.
Le premier antibiotique identifié est la pénicilline. Alexander Flemming, en 1928, s’aperçoit de retour de vacances que ses cultures bactériennes ont été contaminées par un champignon. Le champignon en question, penicillium notatum, avait stoppé la reproduction des bactéries. Le premier antibiotique, la pénicilline, vient de naître. Toutefois la découverte ne sera exploitée à l’échelle industrielle qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale.
En 1932, on découvre le premier antibiotique de synthèse, un composé du soufre : le prontosil. C’est un petit miracle qui permet de guérir de nombreuses maladies jusqu’alors considérées comme incurables. En quelques années, l’industrie pharmaceutique investit considérablement et découvre de nombreux autres antibiotiques.
A partir des années 1970, le monde médical pense s’être doté d’un arsenal antibiotique complet. Pourtant, on découvre peu à peu que chaque nouvel antibiotique engendre des résistances. Les premières résistances à la pénicilline apparaissent trois ans après son arrivée sur le marché, et pour le prontosil, à peine six ans plus tard.
Alors que la consommation mondiale d’antibiotiques ne cesse de croître, l’offre de nouveaux antibiotiques stagne.
Aujourd’hui, le monde prend conscience que l’antibio-résistance est un problème de santé publique majeur. En 2014, pour la première fois l'OMS publie un rapport alarmant sur l’émergence des résistances aux antibiotiques et sur le manque de données dans les pays en voie de développement.
2. La géographie
L’antibio-résistance est l’un des problèmes majeurs de santé publique du XXIème siècle. Selon l’OMS, nous sommes sur le point de vivre une ère post-antibiotique dans laquelle une petite blessure et des infections courantes pourraient être mortelles.
L’antibio-résistance provoque déjà 700 000 morts chaque année et le nombre des victimes pourrait atteindre les 10 millions en 2050… si rien n'est fait.
Aux États-Unis, le staphylocoque doré, champion des bactéries résistantes, tue chaque année plus que le Sida.
La résistance aux antibiotiques n’a pas de frontières. Une personne infectée par une bactérie résistante peut transmettre à son entourage la bactérie et donc le gène de la résistance. En 2010, une nouvelle bactérie hyper résistante, NDM 1 est identifiée en Angleterre chez un patient qui avait été opéré en Inde. Le tourisme médical, les migrations et les mouvements de population lors de conflits contribuent à la multiplication des résistances aux antibiotiques.
Le phénomène touche tous les pays…mais pas de la même manière.
En Norvège et en Suède, la proportion de staphylocoque doré résistant est inférieure à 1 %, alors que dans le sud de l’Europe, elle dépasse les 25 %. Ces écarts résultent de stratégies de prévention différentes, d’importations accidentelles de bactéries résistantes, et d’une consommation d’antibiotiques plus ou moins maitrisée.
Dans les pays en développement, à cause de l’absence de surveillance systématique, on a peu de données.
La shigellose provoque une gastro-entérite aiguë causée par la bactérie shigella. En Thaïlande, la résistance de la shigella à l’un des antibiotiques les plus utilisés est passée de 10 à 90% en une dizaine d’années.
Le Nigéria est un cas d’école : En 1986, certaines souches pathogènes de la bactérie Escherichia coli étaient insensibles à 6 antibiotiques dans 1,6% des cas. Douze ans plus tard, ces 1,6% ont été multipliés par dix.
La prescription abusive ou mal dosée des médicaments est souvent la cause de la multiplication des résistances. Au Nigéria toujours, en 2002, plus de 95% des malades hospitalisés étaient systématiquement mis sous deux ou trois antibiotiques, alors que seulement 5% d’entre eux avaient été testés pour recevoir l’antibiotique adéquat.
3. Le corps
Même si l’antibio-résistance n’est pas une maladie, c’est un problème de santé publique majeur. L'antibio-résistance, c'est la capacité d'une bactérie à se multiplier malgré la présence d'un antibiotique.
Certaines bactéries sont naturellement résistantes à certains antibiotiques, alors que d'autres bactéries normalement « sensibles » à un antibiotique peuvent devenir résistantes.
Deux mécanismes peuvent expliquer ce phénomène.
Dans le premier cas, le chromosome qui porte le matériel génétique de la bactérie mute sans raison. Les antibiotiques agissent sur un « point cible » de la cellule bactérienne. La mutation du chromosome de la bactérie modifie le « point cible », empêchant l’antibiotique de se lier à la bactérie pour la détruire. Lorsqu’ensuite la bactérie résistante se réplique, elle transmet le gène de résistance à ses clones.
Deuxième cas. Les bactéries disposent d'un autre moyen pour apprendre à résister aux antibiotiques. Lorsqu’une bactérie « résistante » entre en contact avec une bactérie qui ne l’est pas, même si elle est d’une espèce différente, elle peut lui transmettre son gène de résistance.
Dans les deux cas, l’antibiotique, s’il est utilisé massivement ou à mauvais escient, joue un rôle de « sélecteur »: en présence de l'antibiotique, les bactéries résistantes se multiplient alors que les bactéries dites « sensibles » sont éliminées.
Une personne infectée par une bactérie résistante peut transmettre la bactérie et donc le gène de la résistance à son entourage. A cause des risques d’infection lors des opérations chirurgicales et de la faible immunité des malades, le milieu hospitalier est un lieu à risque. La bactérie résistante staphylocoque doré, la terreur des hôpitaux, est capable de mettre en échec bien des traitements. Un malade risque une infection généralisée du sang et la mort.
L’utilisation massive des antibiotiques dans l'élevage a sa part de responsabilité. Présentes dans la viande, les bactéries résistantes se transmettent à l’homme. L'avoparcine, un antibiotique utilisé comme stimulateur de croissance chez l’animal a contribué au développement à travers le monde de la résistance à la vancomycine, son équivalent pour l’homme et surtout l'un des derniers antibiotiques vraiment efficaces contre le staphylocoque doré.
4. Les soins
Les structures hospitalières sont le premier lieu de prolifération et de transmission des bactéries résistantes. La contamination passe très souvent par les mains des personnels soignants.
Notre consommation massive et parfois mal appropriée des antibiotiques est aussi responsable du développement des résistances.
Par peur des complications, les médecins prescrivent presque systématiquement des antibiotiques pour une simple angine alors que 70% des angines sont virales et donc insensibles aux antibiotiques. Un petit test diagnostique rapide et fiable existe pourtant.
Pour limiter les resistances, le médecin fait réaliser des examens complémentaires.
Grâce à l’antibiogramme, on isole la bactérie responsable de l'infection de son patient. La bactérie est mise en culture puis couverte de pastilles imbibées d'antibiotiques. Si sa croissance a été interrompue, l'antibiotique est efficace. Le médecin saura ainsi quel antibiotique utiliser pour traiter son patient.
ITV Dr Lathelize
La durée du traitement est longue, il faut 6 semaines de traitement antibiotique en intraveineux et puis suivi d’au moins 4 semaines de traitement oral.
Alors ces patients viennent ici, sont opérés plusieurs fois, fréquemment le choix d’antibiotiques est extrêmement restreint parce que ce sont des germes multi résistants et on va devoir utiliser les antibiotiques de dernier recours que l’on utilise pour ces germes spécifiquement.
Le germe empêche l’os de se consolider et si l’antibiotique de dernier recours est inefficace, la solution ultime est l’amputation
5. Le futur
Pr Laurent Gutmann, INSERM
Certes, il faut diminuer la consommation d’antibiotiques pour ralentir l’évolution de la résistance, mais c’est un processus que l’on ne peut pas arrêter parce que c’est un processus dynamique.
D'un côté vous avez des êtres vivants qui se modifient et de l’autre côté vous avez des malades qui ont cet être vivant qui l’infecte et qui donc il faut guérir.
Alors un des premiers processus consiste à prendre des anciennes molécules et à les modifier chimiquement pour en faire de nouvelles molécules capables de se fixer sur des cibles modifiées ou capables de résister à des enzymes qui vont les détruire, une deuxième possibilité c’est de créer de nouveaux, des molécules qui n’existent pas, ce sont des antibiotiques totalement artificiels donc ils s’accompagnent d’un certain nombre d’effets secondaires contrairement à beaucoup de produits naturels, c’est plus long de les amener vers le marché, il y a beaucoup plus d’échecs, mais c’est une vraie voie.
Une autre voie c’est celle d’utiliser les phages. Alors simplement pour vous dire rapidement, les phages sont des espèces de virus, qui ont la capacité de trouver sur la bactérie des récepteurs, lorsqu’ils pénètrent dans la bactérie, ils vont se multiplier et ils vont faire éclater la bactérie.
Donc, en fait ce sont pour certains des tueurs de bactérie. Et c’est ce qu’on recherche à créer des phages qui vont tuer la bactérie qui ont quelque part infecté l’organisme.
Je ne pense pas que l’on vaincra la résistance, mais je pense que l’on peut vivre avec elle.
Donc chaque fois qu’un moyen de lutte nouveau apparaît, la bactérie va se défendre et trouver un autre moyen de résister. Mais tout ça c’est dans le temps.
Donc il faut à la fois trouver de nouveaux moyens de lutte, les utiliser le mieux possible pour que les bactéries ne s’y adaptent pas trop vite et en même temps avoir un système qui empêche la diffusion de la résistance.
Donc si vous associez un système de santé publique, qui fait que l’hygiène est portée à son maximum, que vous utilisez au mieux les antibiotiques, dans un rythme qui n’est pas trop rapide, vous permettez à l’industrie et aux chercheurs de trouver différents moyens de combattre la résistance aux antibiotiques .
Mais les bactéries ne disparaîtront pas parce que si vous n’avez pas de bactéries votre métabolisme ne marchera pas.
Réalisation : Gérard Lafont
Production : Etat d'Urgence Production, MSF, Inserm, DNDi, Institut Pasteur, Fondation Mérieux, CANOPE, Universcience
Année de production : 2015
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