Et si la physique pouvait nous aider à prédire l'avenir du climat ? C'est le défi qui a été relevé dans les années 60 grâce à un outil qui allait changer notre regard sur nos sociétés : la modélisation. D'abord consacrés à l'évolution atmosphérique, les modèles climatiques ont alerté sur le réchauffement du climat mondial pour s'affiner au fil du temps. L'essor des données satellitaires et de la puissance informatique ont permis de décrire avec précision notre système climatique et de comparer virtuellement des futurs possibles. Mais de quoi se nourrissent ces scénarios climatiques au cœur des rapports du GIEC ? Comment évaluer la fiabilité de ces prédictions ? Rencontres avec ces scientifiques qui ont transformé le climat en gigantesque équation mathématique.
GÉNÉRIQUE
Entre les murs de l'université de Jussieu, une climatologue a les yeux rivés vers le grand large. Juliette Mignot est océanographe à l'IRD. Elle travaille à la conception de modèles de climat à partir de données collectées sur l’évolution de l’environnement marin. Elle s'appuie sur une série d’équations physiques qui décrivent le fonctionnement de notre système climatique composé de l’océan, de l’atmosphère, des surfaces englacées et des surfaces continentales.
Juliette Mignot – Océanographe IRD
- D'abord, il faut comprendre comment fonctionnent ces systèmes et comment fonctionne l'évolution de leurs variables caractéristiques : température, salinité pour l'océan, précipitations, nuages pour l'atmosphère. Une fois qu'on a cette connaissance, on va faire entrer ces équations et cette connaissance dans un modèle, dans un supercalculateur pour pouvoir simuler l'évolution du climat sur de longues périodes. Cet ordinateur prendra en compte les interactions qu'on connaît entre les composantes et les faire évoluer sur une dizaine, une centaine d'année plusieurs siècles ou milliers d'année si on a besoin.
Dans le monde réel, notre système climatique est en permanence traversé par des perturbations d’origine naturelle mais aussi et surtout par des perturbations d’origine humai Nos émissions de gaz ou d’aérosols sont ainsi intégrés dans les modèles virtuels et vont produire un impact mathématique sur des échelles de temps différentes Une éruption volcanique produira ses effets sur 10 ans, il faudra 100 ans pour nos émissions de gaz. C'est pourquoi les scénarios climatiques présents dans les rapports du GIEC envisagent l’évolution du climat à l’horizon 2100.
Juliette Mignot – Océanographe IRD
- L'augmentation de la température simulée par ces scénarios va de presque + 5 degrés en moyenne dans les différents modèles pour le scénario le plus pessimiste, à environ 1,5 degré à l'horizon 2100 pour le scénario le plus optimiste. Je rappelle que les accords de Paris ont été signés en 2015. Par cet accord, les États s'engageaient à mettre tout en œuvre pour limiter l'augmentation de la température à 1,5 degré et, en tout cas, en-dessous de 2 degrés. On voit d'après ces résultats que pour réussir à atteindre ces objectifs, il faut se conformer à un scénario des plus optimistes et donc drastiques sur les émissions de gaz.
Pour assurer la fiabilité de ces prévisions, il faut pouvoir comparer plusieurs modèles climatiques entre e L'équipe dont fait partie Juliette Mignot compte parmi une vingtaine de groupes de travail qui participent à ces simulations coordonnées par le programme mondial de recherche sur le climat. Dans le Laboratoire des Sciences du Climat de Saclay, en région parisienne, d'autres chercheurs français réalisent des simulations en posant à leur modèle climatique une série de questions traduites en équations. Qu'arrivera-t-il si les émissions de sont multipliées par 2 d'ici 2050 ? Quel sera l’impact sur le réchauffement global en 2100 ? Pour concevoir et vérifier ce monde virtuel dans lequel ces scénarios sont testés, ces chercheurs ont besoin de modéliser le climat passé.
ITV Pascale Braconnot – Modélisatrice
- Représenter le climat sur les 100 dernières années permet de faire deux choses : d'abord de vérifier que si on met ensemble tout ce qu'on connaît du système, on peut reproduire quelque chose d'observé, et ensuite, c'est de comprendre ce qui s'est passé et donc de savoir si c'est plutôt l'augmentation des gaz à effet de serre ou plutôt que, de façon épisodique, il y a des volcans qui a modulé le climat sur le siècle dernier. Tout ça nous conforte dans la représentation physique du monde dans notre ordinateur et on peut utiliser ces modèles pour les interroger sur des futurs possibles suivant le comportement de la société.
Simuler ces futurs possibles nécessite une immense puissance de calcul que seuls peuvent apporter les supercalculateurs. Grâce à eux, on peut aujourd’hui simuler un mois d’évolution du climat 100 fois plus rapidement qu’en 1980.
ITV Arnaud Caubel – Modélisateur
- Un modèle, c'est un programme informatique qui va calculer l'évolution temporelle de variables comme la pression ou la température des composantes du système climatique. Ces calculs vont être réalisés sur chaque région du globe. On va découper virtuellement le globe en petites zones qu'on appelle des "mailles". Le nombre de mailles découpées sur le globe donne la résolution du modèle. Plus il y a de mailles, plus la résolution est élevée. Les modèles standard actuels sont de l'ordre de 100 à 200 km, mais on ira bientôt vers des résolutions plus fines jusqu'à 20 ou 10 km.
Cette résolution de plus en plus fine a permis d’inclure dans le dernier rapport du GIEC des prévisions du changement climatique avec une plus grande précision et à des échelles désormais régionales. De quoi mieux anticiper les bouleversements à venir et faire que les prévisions les plus pessimistes ne deviennent un jour notre présent.
Réalisation :
Barbara Vignaux , Pierre De Parscau
Production :
Universcience, CNRS, IRD, Inrae
Année de production :
2021
Durée :
7min09
Accessibilité :
sous-titres français