Que peuvent bien faire des scientifiques au nord-est du Groenland, à 400 km de la côte ? Et bien… ils étudient le plus grand courant de glace du Groenland, le NEGIS (North East Greenland Ice Stream) Car le saviez-vous ? Les glaces de l’Antarctique et du Groenland s’écoulent comme des rivières et forment des courants, transportant la glace des immenses calottes glaciaires intérieures, vers la mer. Le NEGIS lui accumule les superlatifs : il draine 12 % de la calotte glaciaire du Groenland, avance de 50 mètres par an au niveau de la station et contribue à 5 % de la montée des mers ! C’est ici au cœur du camp de recherche du projet EGRIP (East Greenland Ice-Core Project) que des glaciologues ont foré pendant plusieurs années jusqu’à 2 700 mètres de profondeur pour extraire des carottes de glace et percer les secrets de sa dynamique. On pensait jusqu’à présent que ces courants s’écoulaient lentement et régulièrement, comme du miel épais. Mais des données satellitaires ont mis en lumière des incohérences dans les simulations de la fonte glaciaire et de la montée des océans. Pour lever le doute, une équipe internationale menée par l’École polytechnique de Zurich (ETH) a réalisé en 2022 une expérience inédite : déployer un câble à fibre optique à 1 500 mètres de profondeur dans un forage et enregistrer en continu les vibrations de la glace pendant 14 heures. Et ce qu’ils ont découvert change tout. La glace ne s’écoule pas simplement de manière fluide. Elle tremble, fréquemment, sur des centaines de mètres. Ce sont ces secousses — des microséismes — qui rythment également le déplacement du courant et influencent sa vitesse. Autrement dit, le courant avance en glissant par à-coups, de façon saccadée. Mais une interrogation restait en suspens : pourquoi ces secousses passaient-elles inaperçues en surface ? L’explication, inattendue, se trouve à 900 mètres de profondeur : une fine couche de cendres volcaniques, vestige d’une éruption cataclysmique du mont Mazama en Oregon, à des milliers de kilomètres de là, il y a 7 700 ans ! Véritable amortisseur naturel, elle bloque la propagation des ondes sismiques. Ce n’est pas tout : de minuscules particules de sulfates volcaniques, piégées dans la glace, la fragilisent et favorisent ces secousses. Ces résultats vont permettre d’affiner les simulations climatiques et de mieux anticiper l’avenir des pôles. Mais ce n’est qu’un début : d’autres forages sont déjà prévus pour vérifier si ce phénomène s’observe ailleurs.
Réalisation :
Véronique Marsollier
Production :
Universcience
Année de production :
2025
Durée :
2min52
Accessibilité :
sous-titres français