Derrière l’image de carte postale, se cache un mal invisible … Nous vivons avec lui quotidiennement, au point parfois de l’oublier, c’est le bruit ! "- Etiez-vous près ou loin des enceintes ? - Assez près. - Et vous portiez des bouchons de protection ? - Non" Depuis un concert il y a une semaine, cette patiente souffre d’un sifflement dans son oreille. Un symptôme qu’elle connaît après chaque surexposition. "C'est très classique, et très souvent on retrouve dans les antécédents quelqu'un qui à chaque concert a eu pendant une demi-journée un petit sifflement qui est passé. Et un jour, le sifflement perdure et peut rester éternellement." Parmi les patients de cette ORL, des jeunes mais surtout des personnes plus âgées. "Avez-vous l'habitude d'écouter de la musique au casque, ou aux écouteurs ?" En moyenne après la cinquantaine, les mots deviennent plus difficiles à entendre … Et le diagnostic aussi. "Quand c'est sur une exposition prolongée, mis à part arrêter cette exposition sonore, donc arrêter d'être soumis au bruit, porter des protections, on n'a pas de traitement médical qui marche très bien. La seule solution qu'on peut apporter pour que les gens entendent mieux c'est de porter des appareils auditifs." Depuis toujours, en ville comme à la campagne, le bruit est partout mais il a changé. Aujourd’hui, on le retrouve sur la route principalement, mais aussi au travail dans les openspace par exemple, ou encore chez nos voisins … Dans la dernière enquête annuelle, commandée pour la journée de l’audition, 65 % des sondés se disent gênés par le bruit. Un chiffre en net augmentation. "Paradoxalement, on s'est rendu compte que les jeunes étaient gênés dans le bruit, se plaignaient qu'il y ait trop de bruit. Je pense que le confinement a permis de prendre conscience qu'on était dans une société bruyante. On avait tellement l'habitude de vivre dans ce bruit qu'on n'y faisait plus attention, on pensait que c'était normal." Alors quels sont les effets du bruit sur notre santé ? Dans ce laboratoire à Montpellier, des chercheurs explorent les pathologies liées à l’audition. "Les 3 paramètres importants dans le bruit sont : son intensité, sa durée et la nature du bruit, est-ce qu'il s'agit d'un bruit hautes fréquences, basses fréquences, ou un bruit impulsionnel." Les expériences sont menées sur des souris dans des chambres insonorisées. Dans celle-ci par exemple, 100 décibels sont diffusés pendant 2 heures. L’équivalent d’une session en boite de nuit. Après une telle exposition, le seuil auditif explose, avant se revenir progressivement à la normale … "Ces seuils auditifs sont récupérés progressivement, vous le voyez ici, dans les jours qui suivent l'exposition sonore. Mais cette récupération peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines." Bien qu’elle paraît réparée, l’oreille a pourtant pris un sacré coup … En son cœur, un organe extraordinaire, la coquelet. Cette sorte d’escargot abrite des milliers de cellules dont les cellules ciliées internes. Ce sont elles qui transforment l’information sonore en message nerveux. Pour les observer, les coquelets des souris sont disséquées. Et voici la vue observée au microscope. "Une exposition sonore peut créer la perte, la disparition de quelques cellules sensorielles, mais si cette exposition est répétée tous les jours, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois, ces petites unités perdues peuvent au bout du compte créer un nombre progressivement important de cellules. Pour préserver son audition plus longtemps, le nombre de cellules est pourtant déterminant. "Lorsqu'on perd une cellule ciliée, qu'elle soit interne ou externe, elle ne repousse pas, elle est perdue de façon définitive." Juste à côté, des tests sont menés directement sur l’humain. Ce chercheur s’intéresse au nerf auditif, allant jusqu’au cerveau. Ici, des stimulis auditifs, très courts, sont envoyés. "Grace aux électrodes disposées sur le sujet, on va pouvoir aller récupérer le potentiel généré par le nerf auditif." Autrement dit, le nerf auditif transmet-il parfaitement toutes les informations au cerveau ? Pour ce chercheur, beaucoup de personnes entendraient moins bien, mais sans même le savoir. "On va avoir des problèmes à suivre une conversation, dans un milieu complexe, quand il y a plusieurs interlocuteurs, ou si la personne qui parle articule un peu rapidement articule un peu mal, on va avoir des problèmes, c'est-à-dire qu'on commence à perdre des cellules du nerf auditif et du coup, la perception est moins facile, l'information n'arrive pas d'aussi bonne qualité, que quand le nerf auditif a toute son intégrité." L’impact du bruit sur notre santé donne lieu a une facture astronomique. Selon une étude de l’Ademe, le coût social du bruit en France est estimé 147 milliards d’euros par an. Les effets observés sur la santé sont en effet très nombreux. "Les gens qui vivent dans une atmosphère bruyante sont hypertendus, ont des problèmes cardiovasculaires plus importants, ont des accidents du travail plus importants, ont des problèmes de sommeil, ont des problèmes de dépression." Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 2,5 milliards de personnes souffriront de déficience auditive d’ici 2050. Mais peut-on y remédier ? A l’institut de l’audition à Paris, Saaid Safieddine s’intéresse depuis longtemps aux enfants ayant une surdité dès la naissance. 1 sur 700 est touché. "Leur matériel protéïque est dégradé, ou alors ils sont complètement muets. C'est-à-dire que le gène est là, mais une faute d'orthographe dans le gène rend la phrase incompréhensible, donc il ne fonctionne pas." Pour y remédier, le chercheur a développé une technique consistant à livrer un gène modifié aux cellules malades. Actuellement en phase de test chez l’humain, cette thérapie génique a déjà fait ses preuves sur l’animal. "Les cellules ciliées internes qui apparaissent en jaune sont les cellules qui ont été transduites par le vecteur viral. Donc ce sont des cellules qui sont devenues fonctionnelles et qui ont récupéré leur capacité à transmettre l'audition." Et si cette technique pouvait être appliquée à des personnes âgées ayant perdu progressivement leur audition ? Oui, mais avec du temps. "Il y a plusieurs labos qui investissent maintenant du temps et de l'argent pour identifier des gènes responsables de surdité due à l'âge pour pouvoir les traiter avec la thérapie génique classique. Je pense que c'est un champ très prometteur pour l'avenir." Dans le futur, pourra t-on se passer totalement d’appareils auditifs ? Nos oreilles vont devoir rester patientes pour entendre une telle révolution médicale.