Quel est le point commun entre un ragondin, une grenouille taureau et un frelon asiatique ? En France, il s'agit d'espèces invasives et certaines sont capables de mettre à elles seules tout un écosystème en péril. Dans la définition de "espèce exotique envahissante", on a 3 choses : le fait que c'est une espèce, donc c'est une espèce animale ou végétale. Elle est exotique, elle n'est pas originaire de la région dans laquelle on considère cette espèce. Et envahissante, parce qu'elle se disperse et qu'elle a des impacts. Que ce soit des impacts sur la biodiversité (impacts écologiques) ou des impacts sur les activités humaines (impacts socio-économiques) ou encore sur la santé. Les exemples sont nombreux. Le serpent arboricole débarqué par mégarde sur l'île de Guam pendant la Seconde Guerre mondiale, décime des populations entières d'oiseaux. La longicorne asiatique ravage, elle, les érables. L'ambroisie répand un pollen extrêmement allergène. Toutes ces espèces importées nuisent à leurs nouveaux habitats. Les espèces invasives figurent ainsi parmi les 5 principaux facteurs de déclin de la biodiversité au côté du changement climatique, de la pollution, de la surexploitation des ressources et de la destruction des habitats. Elles posent problème, ces espèces parce qu'elles conduisent à une homogénéisation des espèces à l'échelle du globe. On enlève dans plein d'endroits des espèces qui avaient des stratégies écologiques particulières, qui avaient des formes, des activités vraiment spécifiques et on les remplace... Enfin elles sont petit à petit remplacées par des espèces qui sont compétitrices partout, mais qui se ressemblent beaucoup entre elles. Donc on limite les capacités du vivant à s'adapter à d'autres situations auxquelles elles pourraient être confrontés dans le futur. En 2023, l'IPBES, un groupe international d'experts sur la biodiversité, a dressé un état des lieux. Ce rapport met en avant plusieurs chiffres. Mais s'il ne fallait en retenir qu'un : 60 %. Les espèces invasives ont joué un rôle dans 60 % des extinctions globales de plantes et d'animaux. Ce que le rapport met aussi en évidence, c'est le fait qu'il y a des systèmes qui sont plus vulnérables que d'autres face à cette menace. C'est le cas des îles. En France, c'est une problématique qui est extrêmement importante sur les territoires d'outre-mer. Les îles sont des systèmes isolés par définition, et donc dans ces endroits-là, la biodiversité qui est apparue par colonisation ou par apport naturel d'espèces, est vraiment singulière. On a des endroits avec très peu d'espèces et elles ont évolué avec des syndromes - on appelle ça le syndrome d'insularité - des caractéristiques qui font qu'elles ne sont pas du tout adaptées à différentes menaces et notamment à la présence des humains, mais aussi à la présence d'autres espèces comme le chat, le rat, etc. Parmi les extinctions animales ou végétales attribuées aux espèces invasives, 90 % d'entre elles ont eu lieu dans des systèmes insulaires. Mais les continents ne sont pas non plus complètement épargnés. Dans l'Hexagone, la problématique prend de plus en plus de place. Aujourd'hui, en France, on est autour du millier d'espèces exotiques recensées. En réalité, c'est probablement plus, mais elles ne sont pas toutes envahissantes. En termes d'espèces envahissantes, on est plutôt autour de la centaine, voire 200 espèces. Parmi celles-là, il y en a qui sont très problématiques. Par exemple, la Jussie ou la Renouée du Japon, qui sont des plantes. On va avoir dans les espèces animales, le frelon asiatique qui est une espèce très connue et très médiatisée parce qu'elle a des impacts sur les abeilles et sur l'apiculture, donc une activité économique. En plus des espèces d'invertébrés, on a aussi des espèces de vertébrés. Par exemple, le ragondin en France, c'est une espèce originaire d'Amérique du Sud. Il a été introduit sur les berges des rivières, etc, sur lesquelles il se plaît parfaitement parce qu'il n'a pas ses prédateurs natifs. En France, pas beaucoup d'animaux sont capables de savoir qu'un ragondin est une espèce qui se mange. Il est donc capable de se disperser en grande quantité et sans limite. Il va avoir des impacts négatifs sur la structure des berges, parce qu'il va creuser plein de galeries qui vont affaiblir la maintenance et la structure des cours d'eau. Les espèces envahissantes pèsent également sur l'économie. En 2019, leur coût a dépassé les 385 milliards d'euros par an. et ce chiffre pourrait encore augmenter, alors que les mesures de lutte peinent à se mettre en place. Tout le concept de la lutte contre les espèces envahissantes, c'est de démarrer le plus tôt possible. Le mieux c'est même de prévenir l'introduction. Évidemment, si on lutte aujourd'hui contre les espèces exotiques envahissantes, c'est parce qu'on en a introduit dans plein d'endroits. Donc, un autre moyen d'action, c'est d'agir dès l'introduction. Il peut y avoir des plans locaux, régionaux, départementaux. Par exemple, la Jussie fait l'objet de plein de plans de gestion et notamment dans le marais poitevin, pour essayer d'enlever dans certains endroits la Jussie ou de la contenir dans les endroits où elle est déjà pour essayer qu'elle n'aille pas dans d'autres endroits, etc. Donc ça, c'est de la lutte comme on peut. Il y a des endroits où ça a été un grand succès de lutter contre des espèces exotiques et où on a vu la biodiversité native revenir. Rongicide, précautions sanitaires, abattage d'arbres. Certaines îles en Méditerranée ou encore dans le Pacifique ont su se régénérer. Mais aujourd'hui, le nombre d'espèces exotiques croît à un rythme sans précédent. 200 nouvelles espèces sont recensées chaque année. Les mesures mises à l'œuvre semblent donc insuffisantes face à cette tendance de plus en plus préoccupante.