Sacré il y a trois ans aux JO de Tokyo, cinq fois champion du monde, Alexis Hanquinquant semble imbattable. Le triathlon n'a pourtant pas toujours été sa discipline préférée. Ancien basketteur, puis boxeur, il a été champion de France de full contact en 2010. Plus tard, sa jambe droite est amputée après un accident de chantier. La fin des trophées ? Loin de là. Ce champion dans l'âme se lance dans le para-triathlon et enchaîne les victoires. Aujourd'hui, il rêve d'une seconde médaille d'or. - C'est exceptionnel pour un athlète d'avoir les JO en France, je mesure ma chance. J'ai hâte. - Il faut profiter de cet événement en France pour passer un cap et marquer l'histoire. Marquons l'histoire du triathlon ! Alexis a envie de la marquer. Il a gagné avec beaucoup d'avance à Tokyo mais la concurrence va travailler. Il faut exploiter tous les détails qui vont nous permettre de gagner du temps, de distancer la concurrence. Il s'agit donc de progresser dans les trois disciplines. Aujourd'hui, on va chercher à améliorer la natation, on va faire des tests, on va chercher les petits détails qui vont permettre de gratter des secondes. Pour gagner quelques précieuses secondes, Alexis se livre à une série de tests à la piscine Guy Boissière de Rouen. Lorsqu'il nage, il respire du côté droit. Que se passerait-il s'il modifiait cette habitude respiratoire ? Cela lui serait-il bénéfique ? Des chercheurs de l'Université de Rouen aimerait bien le savoir. Ainsi, à chaque phase de test, le nageur change sa façon de respirer. Tantôt à gauche, tantôt à droite... Il alterne aussi avec des phases en apnée. Il est amputé de la jambe droite, il respire à droite, il est très latéralisé. Ça créé une forte asymétrie. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir s'il perd en performance avec l'asymétrie. Je teste d'autres modalités respiratoires pour voir s'il rééquilibre sa nage, s'il est moins asymétrique, s'il améliore sa performance et s'il se sent mieux. On lui demande s'il se sent mieux. - Je suis têtu, ça va être difficile de me faire changer mais tout est possible. Pour analyser les performances d'Alexis, les chercheurs l'ont équipé de six capteurs qui suivent son cycle de nage. L'entrée, la glisse, la traction, la poussée puis le retour aérien. Mais ce n'est pas tout. - Avec ce dispositif, on filme le nageur. Ici, on a une perche, un petit mat qui permet d'avoir un point de vue au-dessus de l'eau et en-dessous de l'eau. Cela nous permet de voir ce qui se passe au-dessus et en-dessous avec les mouvements d'Alexis. Grâce aux caméras, le nageur peut voir directement sa nage. Ça donne une objectivité à sa performance. Avec les capteurs, on a un temps de traitement. Les résultats ne sont pas immédiats. Les caméras permettent d'avoir un retour assez rapide. Que dit Alexis de ces tests ? Respirer des deux côtés, est-ce vraiment si simple ? - C'est pas simple car ce n'est pas mon habitude sur des allures rapides. Ça me demande un effort musculaire et respiratoire différent. C'est un peu troublant. Renoncer à ses habitudes de nage, difficile pour l'athlète. D'autant que le verdict du chronomètre est sans appel. Alexis reste plus rapide en respirant à droite. Tant pis pour l'hypothèse d'un rééquilibrage nécessaire. Du moins dans l'immédiat et donc pour les JO. À moyen terme, la question reste ouverte. - On ne regarde pas que la performance à l'instant T, mais aussi le développement du nageur. Il faut éviter que l'asymétrie grandisse pendant sa carrière et qu'à la fin, il y ait un déséquilibre musculaire au-delà d'un problème de performance momentanée. On observe sur les résultats liés à la fréquence gestuelle et à la performance qu'il semble très efficace ainsi puisqu'il a routinisé sa modalité de pratique. Par contre, à l'entraînement, il peut y avoir un effet bénéfique à changer de modalité respiratoire, parce que ça peut lui permettre de garder une nage équilibrée et que l'asymétrie ne grandisse pas. En compétition, il y a un intérêt. Quand on respire qu'à droite, on ne voit ses adversaires qu'à droite. Comme on nage en peloton, en tout cas, en triathlon, en eaux libres, si on a des nageurs adverses à gauche, on ne les voit pas. On gère moins bien sa course. Respirer des deux côtés, même si ça n'a pas d'intérêt physiologique, ça peut avoir un intérêt stratégique. - Quand il respire du côté gauche, j'ai remarqué qu'il est moins dans l'axe, il a du mal à tourner la tête. L'appui du bras devant est moins efficace. Il enclenche plus vite. Ça créé un déséquilibre général. Ces tests donnent une certaine préconisation, des choses intéressantes, même s'il faut prendre du recul. Trop bousculer pourrait ne pas être efficace dans un laps de temps assez court puisque les JO de Paris se rapprochent. Après, on utilisera peut-être la suite pour Los Angeles 2028 si Alexis continue. Los Angeles, c'est en 2028. Il reste quelques années aux chercheurs pour convaincre Alexis de respirer autrement et de gagner peut-être à terme quelques secondes supplémentaires sur ses derniers records.