Des scientifiques face à la désinformation “Recyclage” du plastique : la science face aux abus de langage Wouhou, quelle bonne nouvelle ! En 2025, tous les plastiques seront recyclés ! C'est pas moi qui le dis, c'est m'sieur Macron ! Finie la mauvaise conscience en achetant de la nourriture dans des contenants en plastique! Tu jettes ça dans la bonne poubelle et pouf ! évaporé ! Ah, j'aimerais le croire, Thomas ! Ça fait 30 ans que je travaille sur la question du plastique et je peux te dire que le recyclage ne permet pas du tout de faire disparaître les déchets. Je vais te raconter. Bon, on sait que le plastique c'est mal. Les tortues étouffées, les décharges qui débordent, un continent entier formé par nos déchets... Ça va mal. En France, le gouvernement s'est penché sur les poubelles et en 2017 il a sorti sa stratégie magique : abracada-recyclage ! Ça a fait bondir notre scientifique du jour. Elle est spécialiste des emballages et travaille depuis 15 ans sur ce fameux recyclage plastique, notamment comme experte à l’agence sanitaire française puis européenne. Le gouvernement français a entamé une campagne de communication en promettant 100% de recyclage des plastiques en 2025. Et, tel que c'était dit, 100% de recyclage pour que le plastique ne devienne plus jamais un déchet. Or, c'était tout le contraire. Il fallait que les gens prennent bien conscience que le plastique ne peut pas vraiment être recyclé. Wow, ça a l'air complexe. Bon, déjà, le plastique c'est quoi ? “Molécules composées d’hydrogène et de carbone, et assemblées en colliers qu’on appelle polymères.” C'est léger, imperméable, on peut le rendre souple ou rigide, transparent ou opaque... Que du bonheur ! Mais personne n’a jamais réfléchi à ce qu’il allait devenir en fin de vie. Une matière biodégradable, quelle qu'elle soit, votre épluchure de pomme, le papier que vous avez utilisé pour la mettre dedans, il y a des micro-organismes dans le sol qui vont les digérer, qui vont reproduire des nutriments qui pourront être réutilisés par la plante et ensuite hop, re-synthétisés. OK. Et le plastique, il est différent ? C’est le seul matériel créé par l’homme qui ne peut pas rejoindre ces cycles bio-géochimiques. Oh non, moi qui paniquais déjà avec les déchets nucléaires ! Le seul plastique facilement biodégradable, c’est celui étiqueté “OK home compost” en Europe. Il disparaît au compost, comme une peau de banane. Dans les autres plastiques, la matière a été trop bidouillée. Au lieu de se décomposer, elle va persister pendant des siècles, se fragmenter en micro- puis en nano-particules et, en prime, absorber tous les polluants qu'elle croise Bon OK, le plastique n'est pas biodégradable. Mais il est quand même recyclable, non ? Comme le verre ou le métal : on le fait fondre et hop ! On peut refaire le même objet. L'objet et la matière plastique que l'on sait recycler, c'est le PET, qui signifie polyéthylène téréphtalate. Ce plastique, parce qu'il a été utilisé, parce qu'il a été stocké, parce qu'il a été lavé, parce qu'il a été décontaminé, il est abîmé. Donc, on va rajouter du plastique vierge pour arriver à avoir des propriétés acceptables et reformer une bouteille. Ça veut dire qu'en théorie, on peut recycler 2 ou 3 fois, mais pas plus. Mais on ne fait absolument pas disparaître le déchet. Et ça, c'est le meilleur recyclage qui existe. Wow. Et le PET représente seulement 4% du plastique consommé chaque année en Europe. Mais des plastiques comme celui de mon contenant, par exemple, on peut les recycler ? Dis-moi que ouiiiii ! Ils sont décyclés, c'est à dire qu'ils sont transformés en un autre objet pour une autre application. Pendant son utilisation en tant que pot de fleurs, on pourrait dire : “Bah ça y est, il a été recyclé, il a disparu”. Mais non, les 50 grammes de plastique vont quand même se retrouver dans la nature de la même façon à la fin. Donc, ce sont des déchets en devenir, c'est tout. Donc, c'est ce que moi, j'appelle non pas une économie circulaire, mais une économie tire-bouchon. Et on continue à consommer du plastique vierge et à produire des déchets. Chaque gramme de plastique vierge deviendra une multitude, des milliers, des millions de petites particules de plastique. Bref, avant de communiquer sur le recyclage il aurait fallu définir le mot - utiliser des termes flous, c'est une bonne technique de désinformation ! Mais alors pourquoi autant de gens ont communiqué sur le recyclage ? Ils ont fumé du plastique ? Ou alors… ils tentaient de sauver les 2-3 p’tites boîtes qui dépendent de ce matériau ? C'était aussi une forme de déni. Si on regarde un peu plus loin, on se dit : “Ouh la la, ça me fait peur”. Finalement, on n'a pas tellement envie. On préfère rester comme ça. Quand une solution n'en est pas une, c'est pas la peine de mettre en marche la grosse artillerie pour développer des filières industrielles entières, pour communiquer dessus, faire du marketing, etc. alors qu'on sait que finalement, la portée de ces solutions n’est pas significative, voire même contre-productive : le recyclage, tel qu'il est pratiqué, il est relativement pervers parce qu'en déculpabilisant, il fait qu'on continue à consommer toujours plus de plastique vierge et que du coup on produit toujours plus de déchets. Ca ressemble quand même pas mal à du greenwashing : assurer qu’on a une solution écolo alors qu’elle est pas si propre que ça. Mieux aurait valu interdire certains plastiques avant de les produire plutôt que d’annoncer qu’on allait les faire disparaître après ! Quand le gouvernement annonce cette stratégie foireuse, pardon... boiteuse, Nathalie Gontard tente d'alerter ses supérieurs. Sans grand succès. Nathalie Gontard n’est pas du tout encouragée à communiquer auprès du grand public - et même un peu méprisée à cause de ça. Alors que ça fait partie des missions des scientifiques ! Alors elle décide d’écrire UN article, sur The Conversation. Et là tout change : elle est invitée dans des médias grand public, le Parlement français la consulte, on lui propose d'écrire un livre entier sur le plastique et son recyclage impossible... Ses interventions provoquent des prises de conscience chez les gens, qui lui envoient des messages. C'est quelqu'un qui a monté une boite pour développer, par exemple, des chaussures qui aient un impact environnemental le plus faible possible et donc éliminer le plastique de l'utilisation des chaussures… J'en ai beaucoup, beaucoup et franchement, c'est ce qui me donne de l'énergie pour continuer, hein ! Il faudrait faire quoi pour qu’on soit moins ensevelis sous les info-déchets ? Il est important de faciliter la prise de parole des experts, mais il faut qu'ils puissent prendre la parole au nom aussi d'un collectif d'experts. C'est une façon aussi de protéger l'expert en tant qu'individu. Lorsqu'on va à l'encontre des intérêts de certains acteurs de la société, il est bien évident qu'ensuite, on en subit les conséquences, soit dans sa vie professionnelle, soit dans sa vie privée. Yes, on va créer le GIEC des déchets plastiques ! Remarque, vue l'ampleur de la catastrophe, ça vaudrait peut-être le coup. Bon, la prochaine fois, mes petits fruits, j’vais les cueillir directement dans la nature ! Et à l'avenir, quand je lirai une info sensationnelle, je me demanderai si les mots utilisés ne sont pas volontairement flous. A la prochaine pour une nouvelle vidéo sur les scientifiques qui combattent les fake news ! D'ici là, entraînez votre esprit critique !