Parmi les corps sans nombre errants avec les vents,
Les uns sont les gardiens, les agents de la vie ;
Mais par d'autres la mort à son tour est servie.
Lucrèce
Quelques grammes de terre nourris par les feuilles et les fruits tombés d’un arbre contiennent une foule considérable et organisée de micro-organismes… où coexistent le pire et le meilleur !
Ces colonies de bactéries et de moisissures préservent leurs territoires respectifs en produisant des substances chimiques que nous appelons antibiotiques. Ce sont des molécules qui leur permettent de se défendre contre l’invasion des autres types de bactéries et de moisissures.
Et depuis l’Antiquité, les hommes ont appris à lutter contre les maladies d’origines infectieuses en utilisant les vertus de ces microorganismes. On appliquait, par exemple, des peaux de fruits moisis sur les panaris pour les guérir. On a ensuite appris à isoler puis à copier les molécules agissantes dans cette guerre territoriale entre moisissures et bactéries. La Terramycine est un antibiotique dont le nom signifie, littéralement, «champignon qu’on trouve dans la terre». Le plus célèbre des antibiotiques, la pénicilline, fut découvert par Alexandre Flemming chez une moisissure du genre Penicillium.
On trouve aussi dans la terre des bactéries qui peuvent déclencher des infections chez l’homme, comme Acinetobacter et les entérocoques. Mais le nombre et la diversité des antibiotiques produits dans 1g de terre est de l’ordre de 10 000 ! On les trouve, sous la colonie de moisissures ou de bactéries.
Parmi les bactéries bénéfiques, il existe les Streptomycès, à partir desquelles sont produits des antibiotiques qui traitent des infections chez l’homme. Il y a aussi les actinomycètes, des bactéries filamenteuses très productrices d’antibiotiques. Elles cohabitent dans le sol avec les moisissures.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces bactéries ont même développé des mécanismes de défense qui leur permettent de résister aux antibiotiques qu’elles produisent, et d’éviter ainsi leur propre destruction !
Les microorganismes du sol sont donc notre principale ressource d’antibiotiques — mais aussi de renouvellement de ces antibiotiques, car les bactéries réagissent en évoluant par mutations successives environ toutes les 30 minutes : elles s'adaptent aux évolutions de leurs ennemis, et des nôtres, au passage !