Et si l'ADN pouvait stocker toutes nos données numériques ? Le vivant existe depuis 4 milliards d'années en stockant toutes les informations dont il a besoin grâce à l'ADN. En imitant ce processus unique, serait-il possible de sauvegarder et partager toutes les données de l'humanité autrement que sur des supports numériques ? Donc l'ADN, c'est déjà pas l'homme qui l'a inventé c'est la nature. Et l'ADN, ça sert à trois choses : stocker, transmettre et exprimer. C'est avant tout un polymère, c'est-à-dire une répétition de petits éléments quasi à l'infini, Et c'est constitué de quatre composants qui sont, en gros, quatre sucres, les fameuses lettres A, T, G, C. Et donc les A, T, C, G, sont mis dans un certain ordre. Et dans le génome humain, il y a 3,2 milliards de ces lettres. C'est le programme de fonctionnement qui est encodé sur ces quatre lettres. C'est incroyable parce que c'est très vieux, mais en même temps, ça a des capacités de stockage bien supérieures à l'électronique, donc aux disques durs. L'ADN, c'est des millions de fois plus compact que le stockage numérique classique. Pour vous donner une idée, chaque cellule du corps humain contient l'équivalent de 700 mégaoctets de données. Et comme on a des milliards de cellules, et bien il y a des milliards de fois 700 mégaoctets de données. Aujourd'hui, on génère de plus en plus de données. Cette quantité de données stockées par l'humanité, elle double tous les trois ans. Donc c'est une croissance exponentielle. On considère aujourd'hui qu'un humain génère 17 mégaoctets de données par minute, ce qui est gigantesque. Le développement de l'intelligence artificielle ne fait qu'empirer les choses. On a un problème de stockage de données. Notre capacité à stocker les données atteint ses limites et on ne sait pas aujourd'hui comment on va stocker les données dans le futur. Les data centers posent de nombreux problèmes. Le premier, c'est que les data centers utilisent des technologies qui sont fragiles. Plus on les utilise et plus ils se dégradent. Aujourd'hui, dans les data centers, les disques durs sont remplacés tous les 2 à 3 ans. Le deuxième, c'est que ça prend beaucoup de place. Et cette place est croissante. L'année dernière, on était environ à quatre fois la surface de Paris et ça continue d'augmenter très rapidement malgré des évolutions. Ce qui commence à avoir des conséquences écologiques importantes. Et le troisième problème, qui est le principal à mon sens, c'est que les data centers ont une empreinte carbone catastrophique. La société Biomemory a fait le choix de s'inspirer du vivant et d'utiliser l'ADN comme support chimique et biologique afin de stocker nos données. Comment une telle technologie est-elle possible ? Et quels en sont les bénéfices pour l'homme et le vivant ? L'ADN présente de nombreux avantages par rapport aux données numériques actuelles. Déjà, l'ADN c’est pas du tout fragile. Le deuxième chose, c'est que c'est extrêmement compact. Aujourd'hui, pour stocker un 0 ou un 1 dans un disque dur, il faut des millions d'atomes. La dernière chose qui est un des plus gros avantages, c'est que l'ADN n'a pas besoin d'énergie pour stocker les données. Une fois que l'ADN est écrit, cette molécule, elle est stable et si on la conserve dans les bonnes conditions, elle peut être stable des milliers d'années. Ceci à température ambiante sans aucun apport d'énergie. On a besoin de stocker les données non plus sous forme de 0 et de 1, mais sous forme des quatre lettres A, T, C, G. Donc il faut convertir les données numériques. Et une fois qu'on a cette succession de lettres A, T, C, G, il faut fabriquer une molécule d'ADN qui comprend les lettres dans le bon ordre. On sait synthétiser de l'ADN depuis les années 80 pour des applications, de la thérapie génique, le développement de vaccins. Donc, cette technologie c'est de la synthèse chimique de l'ADN, c'est de la chimie lourde. Donc c'est pétrosourcé, c'est extrêmement polluant et c'est très cher. Pour fabriquer de l'ADN de synthèse de manière plus efficace, moins coûteuse et aussi plus durable, on a utilisé les technologies développées par le vivant, donc ce sont des micro-organismes qui fabriquent notre ADN. On fabrique des blocs d'ADN et ensuite on les assemble, en utilisant des enzymes qui viennent du vivant également. Comme c'est de la biologie moléculaire, on fait ça dans des liquides, de tout petits liquides qui ne sont pas visibles à l'œil nu. Et donc ces gouttes contiennent des blocs qu'on va mettre les uns sur les autres, un petit peu comme des Lego que je vais emboîter progressivement. On va utiliser une méthode d'assemblage qui utilise des têtes jet d’encre, exactement les mêmes que ce que vous avez à la maison dans votre imprimante, parce qu'elles sont très petites, peu consommatrices d'énergie, et qu'elles vont très très vite. Pour pouvoir passer à l'échelle, être capable de stocker des très gros volumes de données, on est en train de développer une machine qui est capable de synthétiser des millions de fragments de blocs d'ADN ensemble. Lire de l'ADN, c'est des choses qu'on sait faire depuis très longtemps et on est capable de faire ça à relativement haut débit, même si il y a encore des progrès à faire pour le stockage numérique. Et donc on a fabriqué un modèle qui reprend cette forme de serveur de data center. A l'intérieur de cette grande armoire métallique. Vous allez retrouver un certain nombre de modules, donc un module de contrôle, mais aussi un module d'écriture, un module de lecture, et un module qui va être une gigantesque librairie qui permet de stocker plein de DNA cards avec des données sur chacune des DNA cards. On utilise un support qui s'appelle la DNA card, une enveloppe qui protège l'ADN des dégradations. Si je me pose la question du nombre de livres qui ont été écrits depuis le début de l'humanité, environ 140 millions de livres, je pourrai faire tenir tous ces livres dans le volume d'une puce de carte bancaire. C'est-à-dire exactement ici, cette carte pourrait contenir tous les livres de l'humanité. En terme de coût, ce qu'on souhaite atteindre, c'est environ un dixième du coût des supports de stockage les moins chers qui existent aujourd'hui. C'est important pour nous de pouvoir donner les moyens, même à des petites entreprises ou des petites administrations, de s'équiper. Ce monde nouveau de l'informatique moléculaire, qui s'inspire du vivant et de la biologie, est une incroyable voie d'innovation afin de construire, dès à présent, une société plus robuste et plus résiliente.