Imaginez : créer un ovocyte humain à partir de simples cellules de peau. Ça semble fou, mais des chercheurs américains viennent d'y parvenir. Ça réglerait un tas de problèmes liés à l'infertilité. On pourrait faire des ovocytes avec l'ADN de n'importe qui, même d'un homme. - Deux hommes peuvent maintenant faire un bébé sans l'ADN d'une femme. Les biologistes de la reproduction, auteurs de cette prouesse, ont réalisé une technique qui semble simple sur le papier. Ils ont récupéré le noyau de cellules de peau et les ont introduits dans des ovocytes énucléés, c'est-à-dire dont on avait retiré le noyau. Est-ce vraiment au point ? - D'un point de vue technique et pratique, c'est un sacré challenge. Il faut réussir à récupérer des noyaux dans des cellules somatiques et à les introduire dans ces cytoplasmes d'ovocytes sans tout faire exploser. Cette expérience, c'est une sorte de Dolly nouvelle génération. Souvenez-vous, en 1996, la brebis Dolly était le premier mammifère cloné à partir d'une cellule adulte. Sauf que dans le cas de Dolly, on avait pris tout l'ADN d'une cellule adulte pour le mettre dans un embryon, prêt à se développer. Ici c'est un peu différent, les chercheurs ont pris le noyau d'une cellule de peau et l'ont glissé dans un ovocyte vidé de son propre noyau. Et ensuite, ils ont réussi à diviser par deux son matériel génétique. Résultat, au lieu des 46 chromosomes qu'on a normalement chez un humain, cette cellule n'en contient plus que 23. Exactement comme dans un ovocyte ou un spermatozoïde. Mais du coup, est-ce que cette cellule, ce faux ovocyte, peut vraiment servir de gamète ? - L'approche développée ici, c'est de tenter de générer de manière artificielle des ovocytes qui seront fécondables dans le cadre d'un protocole de PMA. De façon assez transparente, ils n'essaient pas de nous expliquer qu'à la fin ils sont satisfaits du résultat, ils expliquent qu'ils ont une ségrégation très déséquilibrée. La ségrégation, c'est la façon dont les chromosomes se répartissent quand une cellule se divise. Pendant la méiose, le processus qui fabrique les gamètes, tout se passe en deux temps. D'abord, les chromosomes d'une même paire se séparent, puis les deux bras de chaque chromosome se détachent à leur tour. On obtient alors des gamètes avec une moitié de matériel génétique. Mais ici, les chercheurs ont tenté un autre type de division, qu'ils appellent une mitoméiose. Une mitose, d'abord, qui sépare les bras des chromosomes, suivie d'une méiose censée séparer les paires. Sauf que la cellule ne sait pas qui va avec qui, et elle ne peut donc pas bien séparer les paires de chromosomes. Et ça, c'est un vrai problème. - Forcément, on aura une ségrégation complètement aléatoire. Il n'y a aucune surprise. C'est évident que ça va se passer comme ça. Je ne vois vraiment pas comment, par quelle méthode magique, ils espèrent résoudre ce problème. Ça m'amène au deuxième problème que je vois dans cette étude. Ces chromosomes vont continuellement signaler à la cellule qu'il ne faut pas progresser. Tous les chromosomes étant mal attachés au fuseau, il n'y a aucun doute que ça ne se passera pas correctement et surtout que la cellule ne va pas progresser spontanément. Si certains imaginaient déjà concevoir des bébés uniquement avec de l'ADN masculin, on en est encore très loin. Et rappelons que cette technique repose, quoi qu'il en soit, sur le don d'ovocytes.