La première transplantation au monde d’un rein de porc génétiquement modifié sur un patient vivant souffrant d’insuffisance rénale chronique a été réalisée le 21 mars 2024, par le Massachusetts General Hospital de Boston (États-Unis). Une seconde opération a été effectuée à l’hôpital NYU Langone de New York le 24 avril 2024. Après une opération réussie, le premier patient est décédé moins de deux mois après pour des raisons non encore dévoilées par l’équipe médicale.
Auparavant, en septembre (hôpital NYU Langone) et novembre 2023 (Université d’Alabama à Birmingham (UAB), deux greffes de rein de porc ont été réalisées sur des patients en état de mort encéphalique (à rajouter en sous-titrage : à l’hôpital NYU Langone / à l’Université d’Alabama à Birmingham (UAB)). Ces interventions avaient pour but d’évaluer l’innocuité et l’efficacité des reins de porc génétiquement modifiés chez l’homme.
Ces « premières » représentent des avancées importantes. En effet, la xénotransplantation, qui consiste en la transplantation d’organes d’animaux sur des humains, semble être une solution prometteuse.
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Alors, on tente de réaliser des xénogreffes chez des patients humains vivants, car il y a actuellement une pénurie mondiale d’organes et il n’y a pas assez d’organes pour tous les patients.
Et pour vous donner une idée, en France actuellement, chaque année, il y a 20 000 patients sur la liste d’attente pour recevoir un rein et on ne peut greffer que 4 000 patients par an. Les principaux avantages de la xénogreffe par rapport aux transplantations classiques en fait tout simplement c’est que cela permet d’avoir une source illimitée et renouvelable d’organes et donc en théorie de pallier la pénurie mondiale d’organes et l’avantage par rapport aux autres techniques comme les organoïdes ou les reins artificiels c’est que la recherche dans ce domaine est suffisamment avancée pour qu’on puisse faire des essais chez des patients humains vivants.
Pourquoi le porc génétiquement modifié ?
Le porc est l’organe de choix pour la xénogreffe, car il y a une similarité forte en termes de physiologie et de taille entre les organes humains et les organes porcins.
Si on transplante un rein de porc sauvage, donc non génétiquement modifié chez un patient humain, il va y avoir ce qu’on appelle un rejet hyper aigu, c’est-à-dire que le rein immédiatement ne fonctionne pas. Et en fait, on va réaliser des modifications génétiques pour limiter le risque de rejet.
Donc on va par exemple enlever des gènes liés au rejet, on va rajouter des gènes pour limiter l’inflammation dans le rein qui en théorie doivent éviter le rejet chez le patient.
Limiter les risques de rejet et les infections
Les deux principaux problèmes qui peuvent survenir après une xénogreffe c’est tout d’abord le problème immunologique, donc la survenue d’un rejet de la xénogreffe, et le problème infectieux, c’est-à-dire le risque de transmission de virus porcins chez l’homme.
Et pour le problème infectieux, on peut tout simplement également enlever les gènes qui codent pour les virus qui sont dans le génome porcins.
Pour quels résultats ?
Concernant les résultats des xénogreffes, il faut bien séparer les résultats chez les patients en état de mort encéphalique et chez les patients vivants. On a tout d’abord réalisé des premiers essais fin 2021 chez des patients en état de mort encéphalique.
Qu’est-ce qu’un patient en état de mort encéphalique ? C’est un patient dont le cerveau est mort du fait d’un traumatisme, d’un accident vasculaire cérébral. La définition de la mort, c’est la mort cérébrale. Ces patients sont décédés. Mais nous pouvons maintenir de façon artificielle leur circulation, leur ventilation pour perfuser les organes.
On a d’abord réalisé des xénogreffes chez ce type de patient, car c’est un très bon modèle scientifique pour étudier la réponse immunitaire humaine chez un patient humain avant de réaliser des essais chez des patients vivants. Plusieurs expériences ont été réalisées, mais pour l’instant elles sont limitées, car on ne peut pas maintenir artificiellement la circulation et la ventilation de ces patients pendant une durée illimitée.
Concernant les patients vivants, deux expériences ont été réalisées pour l’instant. Une première à Boston, qui a été réalisée en mars 2024. Initialement, cette xénogreffe se passait bien, mais malheureusement, le patient est décédé au bout de deux mois de xénogreffe. Une deuxième a été réalisée par nos collègues américains de New York, il y a un mois.
Chez une patiente, cette fois-ci, à qui on a greffé un rein de porc génétiquement modifié et une assistance mécanique cardiaque, cette patiente va très bien et toujours en vie un mois après sa xénogreffe.
Vers une personnalisation des xénogreffes
Pour développer la xénogreffe, il faut en fait comprendre exactement quelle est la réaction du système immunitaire humain face à un rein de porc génétiquement modifié. C’est en fait tout le travail qu’on réalise ici à l’Institut de Transplantation et de Régénération d’Organes de Paris. On utilise des techniques de phénotypage moléculaire pour parfaitement caractériser la [00:04:30] réponse immunitaire des patients, pour déterminer s’il y a un rejet ou non.
Comprendre les mécanismes de ce rejet afin d’identifier des cibles moléculaires pour trouver les meilleures combinaisons génétiques porcines et les meilleurs traitements immunosuppresseurs pour les patients.
L’objectif ultime en xénogreffe, c’est de totalement personnaliser la prise en charge des patients.
C’est-à-dire, pour chaque patient, en fonction de ses caractéristiques cliniques, biologiques, immunologiques, de déterminer de quel type de porc génétiquement modifié il a besoin pour avoir des bons résultats de xénogreffe.
Il y a encore beaucoup de travail à faire et les technologies de phénotypage moléculaire nous permettront de parfaitement comprendre la réponse immunitaire qui intervient après une xénogreffe pour individualiser les combinaisons génétiques des porcs et les traitements immunosuppresseurs des patients pour obtenir les meilleurs résultats chez les patients vivants.
Des avancées rapides…
En termes de calendrier, j’ai envie de dire que la recherche en xénogreffe, avance de façon exponentielle. On est déjà en très peu de temps passé d’une recherche chez les patients en état de mort encéphalique à une recherche chez des patients humains vivants. La prochaine étape, c’est de réaliser ce qu’on appelle des essais cliniques, c’est-à-dire des tentatives chez plusieurs patients avec des groupes de contrôle.
Et on ne sait jamais, peut-être que d’ici quelques années, on pourra voir ce type de xénogreffe réalisée dans le cadre de la routine.