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Un technicien de l'INRA inspecte des pieds de vigne au centre d'agroforesterie de Restinclières, le 16 mai 2019 près de Montpellier © AFP Pascal Guyot

Jusqu’à jeudi, les spécialistes mondiaux de l’agroforesterie, pratique ancestrale un temps délaissée au profit de l’agriculture intensive, se réunissent en congrès à Montpellier pour plancher sur des solutions écologiques au défi alimentaire.

Replanter des arbres ou des haies dans les champs pour améliorer la qualité des sols, limiter leur érosion et ainsi augmenter les rendements des récoltes tout en rendant l’agriculture plus durable. L’idée fait son chemin en France et ailleurs dans le monde. « On est sur une progression remarquable en termes de nombre de participants, de variété des sujets. Le premier congrès, il y avait 400 participants. Cette année, on va être au-delà de 1 200 », déclare à l’AFP Christian Dupraz, directeur de recherche à l’INRA. « Les arbres ont des racines profondes, donc ils vont aller chercher de l’eau en profondeur et leur transpiration va humidifier l’air (…) et les cultures vont être moins stressées », donne M. Dupraz pour illustrer les vertus des arbres dans les champs.

Alors que les experts de l’ONU viennent d’actionner un signal d’alarme retentissant sur le déclin de la biodiversité, « les arbres structurent des habitats semi-naturels, qui abritent une faune et une flore diversifiées indispensables à l’agriculture » et favorisent la pollinisation et la lutte contre les insectes ravageurs, note l’association française d’agroforesterie (AFAF). Un mélange d’arbres et de cultures « stocke davantage de carbone dans le sol qu’une culture classique », ajoute Emmanuel Torquebiau, chargé de mission au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

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Un technicien de l'INRA mesure le taux d'humidité d'un plant de pois au centre d'agroforesterie de Restinclières, le 16 mai 2019 près de Montpellier © AFP/Archives Pascal Guyot

« Tout ce carbone qui est dans le sol, c’est autant de gaz carbonique qui n’est pas dans l’air, puisque les plantes consomment du gaz carbonique pour pousser. L’agroforesterie est une réponse à l’atténuation du changement climatique », explique-t-il. Longtemps mise à mal par la mécanisation de l’agriculture, l’agroforesterie retrouve depuis quelques années un nouveau souffle. En France, M. Dupraz estime à plus de 500 le nombre d’agriculteurs qui replantent chaque année désormais. Les champs de maïs dans les peupliers ont disparu en raison de la suppression des aides européennes subies par certains céréaliers, un problème résolu depuis, selon l’AFAF.

Outre les bienfaits agronomiques et environnementaux de l’agroforesterie, celle-ci a un autre intérêt non négligeable. « Aujourd’hui, lorsque vous faites des céréales en Europe, vous avez une marge nette qui varie entre 1 000 et 2 000 euros par hectare et par an. Si vous ajoutez dans ces parcelles une centaine de noyers hybrides pour le bois, vous allez mettre 40 ans pour obtenir des noyers vendables qui ont un diamètre à la base de 50 à 60 centimètres, mais chaque arbre vaudra au moins 1 000 euros. Avec 100 arbres par hectare, ça fait 100 000 euros », explique M. Dupraz.

Le congrès sera l’occasion de pousser la promotion de ces pratiques, avec la création prévue aujourd’hui, d’une « union internationale de l’agroforesterie ». Les initiateurs de cette démarche ont prévu de solliciter les bailleurs institutionnels classiques, comme la Banque mondiale.