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Discussion entre participants à la COP25 ce jeudi 12 décembre à Madrid © AFP Cristina Quicler

La science réclame des actions urgentes et radicales pour éviter la catastrophe climatique, mais la conférence climat de l’Onu ne sera pas à la hauteur, même si le texte le plus ambitieux sur la table est finalement adopté par les États dans la dernière ligne droite des négociations.

États-Unis, Chine, Inde, Japon… Pendant ces deux semaines de réunion, prévue pour s’achever vendredi, les plus grands pays émetteurs de gaz à effet de serre n’ont pas fait preuve de volonté de faire plus et plus vite contre le réchauffement de la planète qui amplifie un peu partout tempêtes, canicules ou inondations. Seule la Commission européenne, depuis Bruxelles, a présenté un « pacte vert » qui vise la neutralité climatique de l’UE d’ici 2050. Et, « signal fort », selon le président du Conseil européen, Charles Michel, les pays de l’Union européenne, moins la Pologne très dépendante du charbon, ont endossé cet objectif ambitieux.

La chef de la délégation britannique, Claire O’Neill, s’est voulue rassurante vendredi après le triomphe de Boris Johnson aux élections, alors que la COP26 se tiendra à Glasgow fin 2020. « Le Premier ministre a parlé de notre engagement légal à la neutralité carbone (...) ce sera notre priorité mondiale numéro un l’an prochain », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Pour que l’espoir de limiter le réchauffement à +1,5 °C, objectif idéal de l’accord de Paris, ne s’envole pas, il faudrait réduire les émissions de CO2 de 7,6 % par an, chaque année dès l’an prochain et jusqu’à 2030, ce qui nécessiterait une transformation inédite de l’économie mondiale.

Au contraire, les émissions continuent à croître. Au rythme actuel, le mercure pourrait gagner jusqu’à 4 ou 5 °C d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle. Et même si les quelque 200 signataires de l’Accord de Paris respectent leurs engagements de réduction des émissions, la hausse pourrait atteindre plus de 3 °C. Les millions de jeunes descendus dans les rues à l’instar de l’adolescente suédoise Greta Thunberg et le secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres, qui a exhorté les hommes à arrêter de faire la « guerre » à la planète, risquent d’être plus que déçus.

« La situation ce vendredi n’est pas bonne », a averti le Malien Seyni Nafo, ancien chef du groupe des négociateurs africains. « Nous sommes très déçus et très inquiets de la façon dont les choses avancent à présent », a renchéri le chef actuel, l’Egyptien Mohamed Nasr.

« Nous avons toujours des pays comme l’Australie, le Brésil et l’Arabie Saoudite qui viennent ici pour (…) ruiner l’accord de Paris », a accusé la patronne de Greenpeace Jennifer Morgan.

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Le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans présente à la COP25 à Madrid jeudi le « Pacte vert » de l’Union européenne © AFP Cristina Quicler

Alors que le slogan de cette COP était Time for action (il est temps d’agir), c’est sur la question centrale de l’ambition que la ligne de fracture a été la plus évidente. « Les deux visions sont très claires, entre ceux qui veulent aller plus vite et ceux qui veulent se retrancher derrière ce qui ne fonctionne pas, afin de ne pas avancer », a déclaré la ministre espagnole de l’Environnement Teresa Ribera, dont le pays a accueilli la réunion au pied levé après le désistement du Chili.

Dans le viseur des défenseurs du climat, évidemment les États-Unis, qui ont officialisé leur retrait de l’accord de Paris l’an prochain. Mais aussi des pays émergents, comme la Chine, l’Inde et le Brésil, qui ont clairement dit cette semaine qu’ils ne prévoyaient pas de revoir à la hausse leurs ambitions prochainement. « Si mes engagements sont déjà en ligne avec l’accord de Paris, pourquoi devrais-je les réviser encore ? », a lancé le négociateur indien Ravi Shankar Prasad.

Pour beaucoup d’États, c’est de toute façon la COP26 à Glasgow, en novembre 2020, qui devra répondre à cet appel à accélérer le mouvement. Le texte final qui doit être adopté vendredi – ou plus tard, les COP ayant l’habitude de déborder – pourrait simplement appeler les États à bien présenter l’an prochain de « nouveaux » engagements. Ou au mieux, des engagements « à la hausse ».

« Au fond, c’est comme si ce qui se passait dans le monde réel et dans les rues, les manifestants, n’existait pas », a commenté Alden Mayer, observateur de longue date de ce processus. « On est dans un monde imaginaire ici ».

La présence inédite à cette COP de dizaines de jeunes du monde entier, avec en guest star la personnalité de l’année du magazine Time, Greta Thunberg, a plus que jamais exposé ce fossé.