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Un pharmacien montre une boîte de « Plaquénil », nom commercial de l’hydroxychloroquine, un des possibles traitements du Covid-19, le 23 mars à Rennes © AFP Damien Meyer

Un dérivé de l’antipaludéen bien connu chloroquine peut-il lutter contre le Covid-19 ? Des chercheurs français ont lancé mardi une vaste étude pour « clore le débat » alors qu’une équipe chinoise concluait au « potentiel » d’un tel traitement.

Le débat sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine fait rage depuis plusieurs semaines, mobilisant jusqu’au président américain Donald Trump qui y a vu un possible « don du ciel », et aiguillonné par le professeur français Didier Raoult. Ce dernier a publié deux études confirmant selon lui « l’efficacité » de ce traitement, mais dont la méthodologie est critiquée par de nombreux spécialistes.

Pour en avoir le cœur net, donc, une équipe française du CHU d’Angers a annoncé le lancement d’une étude « aux standards scientifiques et méthodologiques les plus élevés », portant sur 1300 patients atteints du Covid-19 et réalisée « dans des conditions qui ne laisseront pas de place au doute dans l’analyse des résultats », selon le Pr Vincent Dubée, initiateur du projet.

Baptisée Hycovid, l’étude doit commencer dès mercredi et sera menée en « double aveugle » : ni les patients ni les médecins ne sauront si le patient reçoit de la chloroquine ou un placebo (moitié des patients pour chaque groupe). Il s’agira de patients âgés de plus de 75 ans ou ayant besoin d’oxygène sans être « en détresse respiratoire aigüe ». 

« Une des forces de cette étude, c’est qu’elle va inclure des patients atteints d’une forme de la maladie non grave mais à risque élevé d’évolution défavorable, comme certaines personnes âgées. Nous traiterons donc les personnes précocement, ce qui est probablement un élément déterminant de la réussite de la prise en charge », a souligné le Pr Dubée. Les premiers résultats devraient être connus dans « quelques semaines ».

Mardi également, une équipe chinoise a rendu publique son étude menée dans un hôpital de Wuhan, origine déclarée de l’épidémie de Covid-19, concluant au « potentiel » de l’hydroxychloroquine comme traitement contre le nouveau coronavirus.

Cette étude n’a toutefois pas été revue par un comité de lecture spécialisé d’une revue scientifique, conduisant nombre de spécialistes à relativiser les conclusions.

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Le professeur français Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses et promoteur du traitement du Covid-19 par l’hydroxychloroquine, le 26 février 2020 à Marseille © AFP Gérard Julien

Les médecins de l’hôpital du peuple de Wuhan ont étudié 62 patients infectés, 31 ayant reçu de l’hydroxychloroquine (400 mg/jour) et un groupe contrôle de 31 patients n’en ayant pas reçu.

Les deux groupes ont été constitués aléatoirement par ordinateur avec un âge moyen des patients de 44,7 ans. Présentant des symptômes de pneumonie n’ayant pas dégénéré, ils ont tous reçu un « traitement standard » — oxygène, antiviraux, antibiotiques, sans plus de précisions. Des scanners pulmonaires ont par ailleurs été réalisés avant le début de l’étude, et après cinq jours complets de traitement.

À ce moment, les patients du groupe ayant reçu de l’hydroxychloroquine présentaient un bilan nettement meilleur concernant la pneumonie, avec une amélioration chez 80,6 % d’entre eux (dont 61,3 % présentaient une « amélioration notable »), contre 54,8 % pour le groupe contrôle. Les symptômes de fièvre et de toux s’étaient également atténués plus rapidement.

Conclusion prudente des auteurs : « Le potentiel de l’hydroxychloroquine pour le traitement du Covid-19 a été partiellement confirmé » et en l’absence « d’autre option actuellement, il paraît prometteur d’utiliser l’hydroxychloroquine sous surveillance », poursuivent-ils tout en souhaitant notamment « une étude clinique plus large ». Le Pr Didier Raoult s’est félicité sur Twitter de ces résultats : « Malgré le petit nombre de cas, la différence est significative. Ceci montre l’efficacité de ce protocole ».

Mais d’autres s’interrogeaient ici encore sur la méthodologie, sans toutefois nier les résultats. Comme Florian Zores, cardiologue à Strasbourg, qui relève que l’étude ne correspond pas à sa déclaration préalable qui annonçait trois cohortes différentes de 100 patients chacune avec une évaluation finale de charge virologique, alors que finalement elle se contente de résultats cliniques.

Les auteurs ne précisent pas « les caractéristiques des patients exclus » de l’étude (80) et la formulation laisse des doutes sur les conditions de réalisation en double aveugle.

Le média en ligne suisse spécialisé Heidi.news relevait des résultats « prometteurs », mais une étude « très probablement réalisée dans l’urgence », la possibilité que les patients aient pu « recevoir d’autres traitements, notamment antiviraux, qui brouillent un peu les résultats », et enfin « la courte durée de suivi ».