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Des échantillons de sperme humain conservés dans un hôpital à Bruxelles © AFP/Archives GEORGES GOBET

Le développement des tests ADN sur internet pourrait bientôt avoir un double effet : entraîner la fin de l’anonymat des donneurs de sperme, que réclament des associations, mais aussi provoquer des scandales en révélant que certains hommes sont les pères biologiques de nombreux enfants.

À 36 ans, Arthur Kermalvezen est le premier Français né d’une PMA avec don à avoir retrouvé son géniteur grâce à ces tests, pourtant interdits en France. Son histoire, révélé par les médias (voir l’article publié dans Libération en janvier 2018 : « Don de sperme : le jour où Arthur Kermalvezen a retrouvé son géniteur ») a fragilisé l’un des piliers du don de sperme en France : l’anonymat, auquel le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Scandinavie ont déjà renoncé. Son livre « Le fils » (éd. L’iconoclaste) sort mercredi.

En 2017, Arthur Kermalvezen commande un test ADN sur un site américain, pour 99 dollars et via un simple prélèvement de salive. La base de données montre une compatibilité génétique entre lui et une certaine Laura. Il la contacte, consulte son arbre généalogique sur un site spécialisé et repère la seule personne en âge d’être son donneur. Depuis, il a rencontré son géniteur, Gérard. Avec sa femme Audrey, également née d’une PMA avec donneur, Arthur Kermalvezen a créé l’association Origines. Elle souhaite fixer une condition pour qu’un homme puisse donner son sperme à l’avenir : accepter que son identité soit un jour communiquée aux personnes conçues grâce à ce don si elles le demandent.

Pour les dons qui ont déjà eu lieu, Origines veut créer une plateforme informatique d’échanges anonymes. Donneurs et enfants pourraient communiquer par son intermédiaire avant de décider de lever ou non leur anonymat. Depuis fin 2017, une dizaine d’autres personnes ont retrouvé leur donneur grâce aux tests sur internet, assure Vincent Brès, président de l’association PMAnonyme. Et une cinquantaine de personnes ont découvert qu’elles étaient demi-sœurs ou demi-frères, car conçues grâce au même donneur. « On va très vite voir ces chiffres augmenter », prédit M. Brès.

« Serial donneurs »

PMAnonyme a sorti en mars un livre de témoignages de personnes nées par PMA avec donneur, « Je suis l’une d’entre elles » (éd. L’harmattan). Impression d’être différent avant même de connaître le secret de sa conception, crainte de tomber amoureux d’une personne issue du même donneur, angoisses liées à de possibles maladies héréditaires transmises par son géniteur inconnu : ces sentiments traversent la plupart des témoignages. Face à cette demande sociétale et à la démocratisation des tests, la révision de la loi de bioéthique, attendue ces prochains mois, pourrait mettre fin à l’anonymat. C’est ce que préconisait en janvier le rapport parlementaire préparatoire. Plutôt que « levée de l’anonymat », les associations préfèrent parler d’« accès aux origines ». Le don resterait anonyme mais les enfants pourraient connaître l’identité de leur donneur, dès leurs 18 ans. Comme la gratuité, l’anonymat est l’un des principes clés du don de sperme depuis la création en 1973 des Cecos, les banques de sperme et d’ovules. Leur fondateur, Georges David, est mort fin décembre. En 46 ans, plus de 70 000 enfants sont nés grâce aux dons de sperme, selon la Fédération des Cecos. Les sites proposant des tests ADN comptent pour l’instant plus de 20 millions d’inscrits dans le monde. Plus ces bases gonflent, plus il devient facile de retrouver son géniteur.

« Il est important d’anticiper (...) les scandales à venir », a récemment averti Stéphane Viville, spécialiste de la reproduction, dans une tribune publiée par Libération. « Les recherches de géniteurs vont inévitablement (...) permettre d’identifier des serial donneurs », géniteurs de dizaines d’enfants, selon le Stéphane Viville. La loi a successivement fixé une limite de cinq puis dix enfants par donneur. Mais cette limite est facile à contourner puisqu’il n’existe pas de fichier centralisé entre les Cecos. Selon Stéphane Viville, on pourrait même découvrir d’anciens directeurs de Cecos parmi ces « serial donneurs ». Un scandale qui secoue actuellement les Pays-Bas. L’organisation Defence for Children a annoncé vendredi que l’ancien directeur d’une banque de sperme, décédé en 2017, était le père biologique d’au moins 49 enfants nés d’une fécondation in vitro.