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Un tiers des marques françaises d’eau minérale ont recours à des traitements illégaux pour purifier leurs produits © AFP/Archives Joel Saget

Un tiers des marques françaises d’eau minérale ont recours à des traitements illégaux pour purifier leurs produits, selon des révélations de presse, confirmées notamment par le géant Nestlé Waters. Un scandale prévisible, selon l’hydrologue Emma Haziza, qui plaide pour « changer de modèle ».

Cette affaire vous surprend-elle ? « Il y avait des signes avant-coureurs. On pouvait se douter, avec un niveau bas des aquifères (eaux souterraines), qu’on pourrait avoir des problèmes de polluants ou de taux en minéraux trop élevés pour une consommation humaine. En 2022, plus de 1 300 communes avaient des ruptures en eau potable. » 

Y-a-t-il des risques de contaminations ?  « Une eau minérale a suivi en profondeur un parcours très particulier, sous haute pression, enrichie en CO2 et en minéraux. Ce qui en fait sa qualité exceptionnelle, et surtout un prix exceptionnel, c’est le fait qu’il s’agit d’une eau extrêmement pure, embouteillée et conservée pour ses propriétés exceptionnelles.

Ce qui interroge, c’est de voir qu’il peut y avoir des contaminations par des bactéries de type E. coli, dangereuses pour l’homme, dans des eaux minérales qui nécessitent un traitement en vue d’une potabilité. On découvre là qu’il y a des contaminations extérieures, tout comme sur les eaux superficielles (de surface). La contamination peut être d’origine animale ou humaine. » 

Pourquoi le secteur a-t-il généralisé ces pratiques ? « Aujourd’hui, les minéraliers font face à de véritables défis dans un contexte de réchauffement climatique : les nappes (phréatiques) ne se rechargent plus de la même manière, il y a des contaminants extérieurs. On est aujourd’hui à la fin d’un modèle. Il faut changer de modèle, on a une nouvelle voie qui est en train de s’ouvrir. Plus on va dans des restaurants, dans des hôtels, plus on voit qu’on peut consommer de l’eau qui est fraîche et qui a un excellent goût. Tandis qu’il s’agit uniquement de l’eau du robinet qui a été filtrée à sa sortie. 

Ces systèmes-là se développent en France et montrent une nouvelle voie. Voie qui n’arrange pas les minéraliers, aux manettes d’une économie juteuse. L’eau qu’ils prélèvent n’est pas payée par les minéraliers. Eux font payer l’embouteillage et l’extraction, mais eux-mêmes ne la payent pas. Cela pose une vraie question de l’eau du bien commun. A qui appartient cette eau ? Devons-nous laisser nos eaux souterraines d’exception pillées ? Derrière, quand on voit le nombre de bouteilles qui sort des grands minéraliers français, et les chiffres d’affaires, on voit bien qu’ils n’ont pas envie d’arrêter ce modèle. »