Image légendée
Le PDG d’EDF Jean-Bernard Levy, lors d’une visite sur le site de l’EPR de Flamanville, le 2 février 2018 © AFP/Archives Charly Triballeau

Faut-il construire de nouveaux EPR ? Dans un contexte de retards et surcoûts sur le chantier emblématique de Flamanville, la France veut avoir les cartes en main d’ici deux ans pour décider la construction éventuelle de nouveaux réacteurs nucléaires, une décision qui s’annonce complexe et controversée, car elle engagera le pays pour des décennies. Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les dix ans à venir ouvre la porte à la construction de nouveaux réacteurs : le gouvernement souhaite disposer « d’ici mi-2021 » des éléments pour prendre une décision. Le président Emmanuel Macron avait demandé à EDF, en novembre dernier, « des engagements fermes sur le prix, pour qu’ils soient plus compétitifs. Tout doit être prêt en 2021 pour que le choix qui sera proposé aux Français puisse être un choix transparent et éclairé ».

Image légendée
L’EPR de Flamanville, le 2 février 2018 © AFP/Archives Charly Triballeau

Le coût sera un facteur essentiel de la décision, aux côtés d’autres paramètres : les avantages et inconvénients par rapport à d’autres moyens de production émettant peu de carbone, les modèles de financement envisageables, la concertation avec le public, la question des déchets... Sachant qu’EDF cherche aussi à exporter les EPR vers de nouveaux pays. Pour préparer l’échéance de 2021, EDF planche sur un modèle de réacteur EPR dit « optimisé », plus simple et moins cher que la version actuelle, avec un coût de production de l’électricité comparable aux centrales à gaz. Mais un autre critère s’avère déterminant : l’avancée du chantier de l’EPR de Flamanville dont les importants retards et surcoûts pourraient s’aggraver avec ses problèmes de soudures, alors que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a décidé jeudi que huit soudures difficiles d’accès devraient être réparées. « C’est la sagesse d’attendre que Flamanville ait fait la preuve de son fonctionnement avant d’engager des décisions », estimait le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, en début d’année.

Image légendée
Un manifestant anti-nucléaire près du site de Flamanville, le 15 mars 2018 © AFP/Archives Charly Triballeau

« Aucune fatalité »

« Il n’y a aucune fatalité, et heureusement d’ailleurs, à la poursuite du nucléaire en France », juge pour sa part Yves Marignac, directeur du cabinet Wise-Paris, proche du mouvement anti-nucléaire. « Il y a l’option qui consiste à se projeter dans un système 100 % renouvelable et à faire appel à des solutions innovantes », développe-t-il pour l’AFP. Pour l’instant, la France veut seulement réduire sa dépendance au nucléaire, qui doit représenter 50 % de son électricité à l’horizon 2035, contre 71,7 % l’an dernier. Il s’agit « d’un rééquilibrage dans lequel le nucléaire a sa place », résume le ministre de la Transition écologique et solidaire, François de Rugy, pourtant ancien partisan de la sortie de l’atome. Pour la suite, et d’éventuels nouveaux EPR, il souhaite « qu’un choix politique puisse être fait de la façon la plus transparente et démocratique qui soit, à l’occasion des élections de 2022 ». Si cette question devient bien un thème de la campagne électorale, quels seront dans les mois qui viennent le rapport de force et les conditions d'une négociation entre le parti du président (Macron) et les écologistes ?

Image légendée
Des lignes à haute tension près de Flamanville, le 15 mars 2018 © AFP/Archives Charly Triballeau

« Incertitudes » 

« Il y a beaucoup d’incertitudes à lever, et des incertitudes à plusieurs milliards, voire dizaines de milliards d’euros », relève pour l’AFP Patrick Criqui, économiste spécialisé dans les politiques énergie-climat. Mais pour les industriels, la décision ne doit pas tarder. À peine reconduit dans ses fonctions pour un nouveau mandat, le PDG d’EDF Jean-Bernard Lévy a demandé en mai d’éviter les « atermoiements ». La Société française d’énergie nucléaire (SFEN) estime qu’il faut un engagement ferme « au plus tard courant 2021 » pour au moins trois paires d’EPR, destinés à vivre 60 ans. C’est essentiel, soutient cette organisation, pour que les industriels puissent mettre en œuvre ces chantiers sans avoir perdu les compétences nécessaires. C’est aussi une question de « sécurité d’approvisionnement » pour la France : les réacteurs actuels ayant été construits dans un délai restreint, ils atteindront leur limite d’âge et commenceront à fermer en masse au tournant des années 2040. Il faut donc anticiper leur remplacement, argumente la SFEN, si l’on veut continuer à bénéficier du nucléaire à terme. « La grande question, c’est de savoir si on va vers une sortie complète du nucléaire ou si on maintiendra une part de nucléaire dans l’approvisionnement électrique français à l’horizon 2050 », souligne Patrick Criqui.